La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Dans son livre City Booster, Patrick Ropert, directeur général de la SNCF Gares & Connexions depuis 2014, questionne le rôle de la gare dans une ville chahutée par ses périphéries et bousculée par l’émergence d’une nouvelle société digitale.
Dans son livre City Booster, Patrick Ropert, directeur général de la SNCF Gares & Connexions depuis 2014, questionne le rôle de la gare dans une ville chahutée par ses périphéries et bousculée par l’émergence d’une nouvelle société digitale. Pour lui, la réponse est sans appel : les gares contribueront à métamorphoser notre environnement et le lien social, elles joueront le rôle de “Booster” au service des villes. Retour sur l’histoire, le rôle et le futur de ces gares empruntées par près de 10 millions de français chaque jour.
Patrick Ropert ouvre sa pensée en revenant d’abord sur la place de la gare dans la mobilité au cours des deux derniers siècles, en la replaçant au sein de l’évolution globale du voyage ferroviaire sous l’impulsion des révolutions industrielles. Au travers de faits et anecdotes précis, tirés d’ouvrages de référence tel que Une histoire des gares en France de Bertrand Lemoine, il relie gare, croissance, progrès et urbanisation dans une remontée temporelle ponctuée d’arrêts, comme le serait un voyage en train. D’abord présentée comme une porte sur les villes multifonctionnelles répondant aux enjeux commerciaux et industriels, ainsi que le premier lieu de mixité et brassage social au XIXème siècle, la gare, endommagée lors de la guerre, se voit banalisée sous les progrès techniques dès lors plus consacrés à des fins personnelles. L’explosion de la mégalopole et les progrès en matière de vitesse redonnent alors un second souffle aux gares.
Ce constat fait, Patrick Ropert nous présente pourquoi et comment les gares, afin de rester le cœur des villes, doivent repenser leur vocation. La ville de demain elle-même se voit changée et doit être réussie car en tant que mégalopole, elle détient un rôle clé dans la prospérité mondiale et elle connaît des opportunités de développement et progrès, et ce malgré des déséquilibres. Aussi, pour faire face aux problématiques liées aux mobilités (maîtrise de la mobilité urbaine, mobilités partagées), la gare apparaît comme « la plateforme immédiatement disponible à partir de laquelle on peut tisser la ville de demain » . La gare peut alors répondre à deux problématiques phares de la ville que sont l’amélioration de la vie des citadins et devenir un atout de poids dans la compétition des mégalopoles.
Patrick Ropert n’oublie pas toutes les nuances à résonance négatives qu’enveloppe la gare avec sa dégradation rapide, ses rénovations coûteuses ou en tant que lieu concerné par les risques. La gare reste pourtant un espace d’intelligence de l’espace urbain qui régule les flux de voyageurs, efficace et disponible.
En introduisant la nouvelle société digitale ainsi que la Smart City et la Smart Gare, où le recueil et le croisement des données permettraient une ville plus adaptée à ses habitants, Patrick Ropert veut affirmer que le nouvel enjeu de la gare est la captation et l’utilisation des flux de données. Il souligne alors la vocation de la gare de par sa position unique dans le système d’interconnexions. Grâce au digital, l’usager pourra se réapproprier la gare avec des boutiques et commerces qui s'adapteraient à la demande.
Fort de cet exposé, City Booster s’attache ensuite à dresser les nouvelles fonctionnalités que peut englober la gare au sein de la ville: de booster économique à nouveau lieu de culture, en passant par levier essentiel du développement durable et booster d’un urbanisme partagé, Patrick Ropert revient sur chacun de ces points.
Tout d’abord poids lourds de l’économie, les gares, qui s’ouvrent aux commerces, renforcées par le modèle du mall qui s'essouffle, peuvent aller plus loin en étant un fort levier d’investissement. Ainsi, les travaux de rénovation et de modernisation qui y sont réalisés génèrent de grandes valeurs ajoutées sur les commerces et le secteur immobilier qui les entourent. Enfin, les gares sont des hubs de mobilité dans le réseau mondial des mégalopoles qui séduisent toujours plus.
La gare est aussi un lieu de voyage de collectif dans la culture où son principal atout est qu’elle n’est pas un lieu segmentant. Souvent banalisée car elle est un « lieu du quotidien », son architecture elle-même y est pourtant complexe. La gare peut même se positionner comme un « booster culturel » en accueillant par exemple des jeunes talents. La gare possède alors un rôle de facilitateur et de « vitrine de la ville ».
Afin de s’ouvrir au modèle anglo-saxon du Transit-Oriented Development (TOD), la ville doit par ailleurs faire face à de nouveaux défis tout en maintenant une qualité de vie pour ses habitants. Pour ce faire, elle doit se rapprocher d’un modèle de développement durable. La gare, avec la responsabilité de devenir le cœur d’une nouvelle centralité urbaine, doit faire de même. La gare de demain n’est donc plus seulement efficace, elle est aussi un milieu de vie agréable et exemplaire de lieu de vie durable.
Patrick Ropert pose aussi la question du défi urbain, qu’il définit comme “faire en sorte que les projets et les usagers se rejoignent afin de réussir la ville”. La gare y répond en se positionnant en tant que facilitateur urbain, à la fois lieu privilégié d’aménagement et aménagement à part entière.
Patrick Ropert se penche enfin sur la limite à laquelle la gare va se heurter dans son réinvention. A ses yeux, la gare va jouer un triple rôle: au-delà d’être un lieu d’accueil des mobilités, qui est son rôle historique, la gare va aussi devenir une gare factory et un booster individuel. Et pourquoi, dans un monde de connexion digitale grandissant, ne pas devenir un endroit de déconnexion?
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