La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Tendance de fond ou axe de communication : quels sont les nouveaux modes de distribution dans l’agro-alimentaire ?
Historiquement, la distribution reposait sur le partage, parfois jugé inéquitable, de la valeur entre les différents maillons de la chaîne. L’industriel agroalimentaire achète les produits d’un producteur, les transforme ou les reconditionne et les revend à un distributeur qui en assure la commercialisation auprès des consommateurs.
Ce fonctionnement bien établi est de plus en plus remis en cause. Les industriels souhaitent capter une plus grande part de la valeur alors que de leur côté, les producteurs s’organisent afin de sécuriser leur revenu et de rassurer des consommateurs toujours plus exigeants sur la qualité et la provenance de leur alimentation.
Complément d’offre, changement de cap stratégique, coup marketing… Au-delà de la captation de valeur, les raisons poussant les industriels à élaborer de nouveaux modèles de distribution sont nombreuses. Focus sur les principaux modèles annexes mis en place par les industriels de l’agro-alimentaire.
L’exemple le plus classique est celui des industriels ayant ouvert leur boutique en propre. En parallélisant la vente en propre et la distribution classique via des distributeurs spécialisés, les marques s’offrent non seulement une visibilité et une présence de marché plus importante mais également une source de revenus supplémentaire.
Surtout, ces marques peuvent, par ce biais, placer leurs boutiques au cœur de leur stratégie et ainsi induire un changement (plus ou moins radical) du positionnement et de l’univers de référence de la marque.
Illustration phare de ce concept, la marque de confiserie M&M’s (groupe Mars). Cette dernière a su capitaliser sur un marketing mix performant dont la nouvelle stratégie de distribution a été la clé du succès. Ses boutiques, connues sous l’appellation M&M’S World et situées dans des localisations à forte affluence touristique (Leicester Square, Times Square, Las Vegas…) offrent une véritable vitrine à la marque et lui permettent de créer un environnement totalement dédié à ses confiseries. Egalement, ce développement permet à la marque de commercialiser de nombreux produits annexes flaggés M&M’s, assurant une source de profit additionnelle non négligeable.
La notion de Pop-Up Store est apparue en 2004 aux Etats-Unis. Elle définit un magasin installé de manière éphémère, caractérisé par une petite surface, une structure légère et facilement démontable et une durée qui peut aller de seulement quelques heures à plusieurs mois. Le lancement d’un Pop-up store peut s’inscrire autour d’un évènement marquant qu’il s’agit de commémorer. En 2010 par exemple, Danone avait lancé dans le cadre des 40 ans de Danette un ‘bar à Danette’ avec à la carte 16 variétés de ses fameuses crèmes desserts que le consommateur pouvait personnaliser à sa guise avec différents toppings (céréales, sucreries, fruits…).
La création d’un magasin éphémère peut également accompagner le lancement d’un nouveau produit : là encore, Danone s’était illustré en installant un stand éphémère, le Danio corner, au sein-même du hall d’embarquement de la Gare de Lyon afin de présenter son nouveau produit Danio autour d’animations variées et de distributions de bons de réduction.
Enfin, un magasin éphémère peut s’inscrire dans une saisonnalité précise comme l’illustre Magnum qui avait ouvert un magasin éphémère dans le quartier du Marais à Paris, du 15 avril au 11 septembre 2016. L’opération, déjà menée dans plusieurs villes comme Amsterdam, Londres ou encore Singapour, proposait aux visiteurs de créer leur propre glace et de la partager sur les réseaux sociaux via le hashtag « MagnumParis ».
L’opération n’est pas anodine puisqu’une étude LSA montre que le marché des glaces enregistre une progression de ses ventes de 13% à cette période précisément, permettant à Magnum de s’assurer une visibilité sur la période phare sur laquelle la marque réalise son chiffre d’affaire.
Les objectifs sont multiples pour les industriels qui décident de lancer un Pop Up Store. Il s’agit dans un premier temps d’aller au contact direct de leur cible, d’interagir directement avec le client final et de l’initier au produit en lui permettant de le toucher, de le tester ou d’y gouter.
La boutique éphémère s’inscrit toujours autour d’un concept fort et novateur, et propose aux visiteurs une expérience d’achat unique. Dans un contexte où le client fuit de plus en plus les boutiques, la séduction du client devient un enjeu majeur.
Finalement, plus que de contribuer directement au chiffre d’affaire des industriels, les Pop-up stores se définissent comme un véritable outil marketing. Les marques incitent les visiteurs à partager leurs expériences sur les réseaux sociaux pour créer le buzz autour du côté éphémère de ces magasins. Souvent relayés dans les médias et dans les blogs, ils contribuent sur le court terme à véhiculer une image de marque moderne, forte et impactante auprès de la cible.
Plus rare, le choix d’une commercialisation grande échelle uniquement en propre et sans passer par la case distributeur traditionnel est également fait par certains industriels. Par ce biais, ces derniers s’assurent alors une maitrise totale des coûts, des circuits logistiques et des approvisionnements.
Exemple à nouveau parlant, Nespresso. En 1998, l’entreprise qui connaît depuis son lancement douze années plus tôt un succès plus que mitigé (ciblage professionnel uniquement) lance son site de vente en ligne, à l’heure où cette-dernière n’en est qu’à ses débuts. En 2000, la marque ouvre sa première boutique à Paris et confirme ainsi sa capacité à innover en distribuant elle-même ses produits.
Depuis, Nespresso connaît un succès incontournable avec plus de 6 milliards de capsules vendues chaque année et plus de 300 boutiques réparties dans le monde.
La marque est pionnière puisqu’elle se présente à la fois comme une marque de produits qu’elle fabrique, et comme une marque de services qu’elle propose à travers son propre réseau de boutiques offline et online.
Le e-commerce est le moyen le plus simple et direct pour un industriel de rentrer en contact direct avec ses clients. Le digital permet, sans investissements importants dans un réseau de vente physique de désintermédier les distributeurs classiques et de s’approprier la vente et la relation client.
Au Royaume-Uni notamment, Unilever, Mars et Reckitt Benckiser travaillent avec la plateforme INS à la mise en vente de leurs produits directement auprès des consommateurs britanniques. Les économies générées dans la chaîne de valeur pourraient permettre de proposer aux clients des prix inférieurs de 30% à ceux de la grande distribution. Cette marketplace reposerait sur la blockchain afin de garantir une sécurité et une traçabilité maximum des transactions.
Ce type d’initiative est un relais de croissance important pour les industriels. En effet, de récentes études menées par Nielsen prévoient que d’ici à 5 ans, les ventes en ligne de PGC dépasseront les ventes physiques. A condition que les industriels parviennent à s’approprier cette évolution en s’adressant directement à leur client.
Bien que vitrine des produits car porteurs de la marque, les industriels de l’agro-alimentaire ne sont pas les seuls à tenter de disrupter le modèle de distribution actuel. Les acteurs en amont de la chaîne, producteurs de matières premières agricole, start-ups et coopératives agricoles ont lancé des initiatives afin de maîtriser la relation client et la distribution de leur produits.
Les Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysannes (AMAP) ont été lancée en France en 2001. En 2015 on en dénombrait plus de 2000 réparties dans toutes les régions françaises comptabilisant plus de 250 000 adhérents au total.
L’objectif des AMAP est de préserver l’existence et la continuité des fermes de proximité dans une logique d’agriculture durable, c’est-à-dire une agriculture paysanne, socialement équitable et écologiquement saine. Les adhérents achètent directement les produits auprès des paysans producteurs à un prix équitable.
Les producteurs deviennent donc distributeurs afin de sécuriser leurs revenus et de rassurer les consommateurs sur la provenance de leurs aliments.
En 2008, UNICOR, coopérative d’agriculteurs aveyronnais, a lancé sa propre enseigne de supermarché : Les Halles de l’Aveyron commercialisant les produits de l’agriculture aveyronnaise en circuit direct aux consommateurs. Depuis 2014, la coopérative a ouvert deux points de vente en Ile-de-France.
Un autre exemple notable d’initiative portée par une coopérative paysanne, « l’enseigne » Cœur Paysan. Ce magasin d’un nouveau genre est né fin 2016 en Alsace, à Colmar. 35 exploitations agricoles se sont associées au sein d’une SAS pour racheter, rénover et rouvrir un ancien magasin.
Aujourd’hui, Cœur Paysan rassemble 42 producteurs sur 400 m² pour offrir aux clients des produits locaux mis en vente sans rémunération d’aucun intermédiaires entre les producteurs (assurant eux même la vente en magasin) et les consommateurs.
D’autres initiatives similaires fleurissent en France avec par exemple une coopérative de 23 producteurs fermiers des Vosges qui utilise le concept de la distribution par Drive.
Toutes ces initiatives ont des objectifs communs : augmenter les revenus des agriculteurs et rassurer les consommateurs grâce à une traçabilité efficace et transparente.
Les premiers maillons de la chaine de valeur de la distribution agro-alimentaire, producteurs comme industriels, cherchent donc de plus en plus à se détacher du modèle de distribution traditionnel. De nombreuses initiatives sont observées et viennent d’acteurs divers et variés.
Les distributeurs dits « traditionnels » font ainsi face à un risque accru de désintermédiation, le client pouvant de plus en plus facilement être en contact direct avec les producteurs / industriels.
Face à cette tendance, ces distributeurs se doivent de réagir sous peine de voir leurs performances économiques atténuées, plus ou moins significativement. Certaines parades sont cependant observées chez certains d’entre eux, qui se positionnent en amont de la chaine de valeur. Les distributeurs deviennent alors producteurs et industriels, comme par exemple Intermarché, qui possède ses propres chalutiers, usines de charcuterie, abattoirs ou encore conserverie de légumes.