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Distribution: Système U et Auchan, les défis du rapprochement

Le 11 septembre 2014, Système U et Auchan, deux acteurs majeurs de la grande distribution en France, annonçaient un accord de coopération à l’achat.

Le 11 septembre 2014, Système U et Auchan, deux acteurs majeurs de la grande distribution en France, annonçaient un accord de coopération à l’achat. En prenant en compte les parts de marché de chacun des acteurs majeurs de la grande distribution en France en août 2014, le groupement Système U – Auchan devient ainsi le premier acheteur de France dans le domaine alimentaire, en réunissant une part de marché total de 21,6%, contre 20,4% et 19,9% respectivement pour Carrefour et E. Leclerc.

Ce rapprochement, qui entend jouer sur les complémentarités entre Système U et Auchan, intervient néanmoins dans un contexte économique et réglementaire défavorable. La guerre des prix ayant lieu depuis deux ans et demi ainsi que la morosité du pouvoir d’achat ont pesé dans ce rapprochement. De plus, l’adoption en première lecture de la loi Macron en février dernier va complexifier ce rapprochement.

Le début d’une coopération en septembre 2014 : le rapprochement des achats

Intérêt du rapprochement

La première étape de la coopération entre Auchan et Système U a été la mise en commun des achats par l’intermédiaire du rapprochement des centrales d’achat. Ainsi, en septembre 2014, Système U annonce donner mandat à Eurauchan, la centrale d’achat d’Auchan, pour réaliser les achats à son compte. Le rapprochement des achats, qui ne devait concerner, en septembre 2014, que la « négociation à l’achat des marques internationales et nationales, à l’exception des produits frais traditionnels » selon Serge Papin, s’est étendu depuis début 2015 aux produits premier prix.

Le principal intérêt de ce mouvement est la massification des volumes, permettant ainsi d’atteindre une part de marché équivalente à celle des deux leaders en France, Carrefour et E. Leclerc.

En parallèle, la possibilité de synergies logistiques est également à l’étude, permettant ainsi d’identifier les impacts qu’aurait l’alignement des deux systèmes logistiques vis-à-vis des fournisseurs et des magasins. Le rapprochement au niveau des centrales d’achat tend en effet également à se compléter d’un rapprochement des systèmes logistiques. Par exemple la mise en commun d’entrepôts peut être envisagée, permettant ainsi d’effectuer des économies d’échelle et des réductions des niveaux de stock. De plus, du fait des négociations communes, le nombre de fournisseurs communs aux deux enseignes augmentera, permettant une réorganisation de la chaîne d’approvisionnement : un même fournisseur pourra ainsi optimiser les tournées de livraison sur l’ensemble des entrepôts des deux enseignes.

Influence de la loi Macron sur le rapprochement au niveau des achats

Nécessairement, l’augmentation des volumes achetés par la centrale d’achat Eurauchan a pour objectif de renforcer sa position vis-à-vis des fournisseurs lors des négociations. Néanmoins, en février dernier, la loi Macron a été adoptée avec pour objectif de lutter contre les positions dominantes de la grande distribution. L’association entre Auchan et Système U est de ce fait particulièrement concernée par ce projet de loi, notamment sur deux points clés la constituant :

  • L’augmentation des amendes en cas de pratiques restrictives de concurrence : L’amende est portée à 5 % du chiffre d’affaires France d’une enseigne qui aurait abusé de sa position vis-à-vis des fournisseurs lors des négociations commerciales.
  • Le rapprochement de centrales d’achats notifiées à l’Autorité de la Concurrence : Les enseignes qui voudraient rapprocher leurs centrales d’achats ou massifier leurs achats doivent prévenir l’Autorité de la concurrence deux mois avant leur opération, afin que celle-ci en analyse les conséquences.

Les synergies attendues d’une entente plus complète annoncée début 2015

Une stratégie marketing à repenser

Le choix de rapprocher deux enseignes telles que Système U et Auchan n’est pas anodin. La puissance de frappe de chacun des distributeurs est inégalement répartie sur le territoire, surtout si l’on pousse l’analyse en fonction du type de magasin. Alors que les 126 hypermarchés Auchan sont majoritairement situés dans le Nord et L’Ouest, Système U n’en compte que 70 plutôt implantés dans l’Est.

La puissance des Hypermarchés Auchan sur le non alimentaire pourrait permettre d’augmenter le chiffre d’affaire au m² des HyperU lors de leur passage sous la nouvelle enseigne. Cela réclamera des ajustements tant en termes d’agencement que d’approvisionnement magasin. Outre les aménagements évidents dus au changement d’enseigne, l’augmentation de la part du non alimentaire dans les rayons des anciens HyperU imposera de revoir l’agencement des rayons et le parcours client. En effet, l’ensemble des assortiments Auchan comprend une large part de non alimentaire qu’il faudra parvenir à proposer aux consommateurs. Ainsi la surface auparavant principalement dédiée à l’alimentaire sera réduite ce qui impliquera de revoir la profondeur ou la largeur de gamme.

En parallèle l’enseigne Simply Market pourrait devenir supermarché Système U. En effet le réseau de proximité est plus développé par la marque U.

Des synergies envisageables au niveau des systèmes d’information.

Mutualiser les systèmes d’information des deux enseignes pourra être source d’économie, après une phase forcement complexe d’analyse, de choix du système adapté, de mise en place et de conduite du changement. Cette mise en commun pourra s’étendre sur plusieurs échéances en fonction des besoins opérationnels et de la complexité d’adaptation des systèmes.

Quelques pistes et leurs problématiques :

Les difficultés attendues de l’accord au vu des différences de modèle économique

Associés U et franchisés Auchan deux types de fonctionnement différents

Dans le commerce associé les membres profitent de la puissance du réseau dont ils sont également actionnaires ; en effet pour devenir membres ils doivent acheter des parts dans le groupement de commerçants. Cela leur permet de choisir la façon dont ils souhaitent gérer leur magasin et la politique d’entreprise qu’ils appliquent. Eventuellement ils peuvent être liés à la société mère par contrat pour l’utilisation de certains moyens communs (enseigne, approvisionnement, informatique, …).

Cela vaut pour les membres du groupe U, en revanche Auchan fonctionne par système de franchise. Les franchisés achètent leur magasin mais ne participent pas au capital de l’entité mère. En contrepartie d’un certain pourcentage du chiffre d’affaire ils profitent de la puissance du groupe, du programme de fidélité, des animations commerciales. En outre ils sont moins indépendants car ils doivent suivre une charte propre à l’enseigne (politique de promotion, assortiments …).

La problématique se pose donc pour le changement d’enseigne éventuel des magasins : quels seront les choix des franchisés Auchan et des adhérents de System U ?

La solution possible à date est la suivante pour les SuperU, avec un passage en HyperU pour rester dans le groupement.

 

Un contexte économique et juridique défavorable

La collaboration doit encore être validée par les autorités française et européenne de la concurrence car une trop forte concentration dans une zone de chalandise pourrait entraîner un déséquilibre de la concurrence.

La notification des opérations de concentration à l’Autorité de la concurrence est déjà obligatoire et entraine une procédure de contrôle de cette opération. La procédure examine les impacts sur la concurrence et le bien fondé du rapprochement ou de la fusion des entreprises, en fonction notamment des gains d’efficacité qui viendraient compenser l’atteinte faite à la concurrence et éviteraient une hausse des prix. A son issue l’autorité pourra accepter ou non le rapprochement ou le changement d’enseigne. Au niveau de la grande distribution l’analyse devra être faite zone de chalandise par zone de chalandise pour vérifier qu’une enseigne ne monopolise pas l’ensemble des magasins accessibles pas les consommateurs.

L’adoption de la loi Macron comme contexte juridique majeur

La loi Macron d’injonction structurelle, dont l’adoption en première lecture par l’Assemblée Nationale a eu lieu le 17 février dernier, renforce ce contexte défavorable au rapprochement entre Système U et Auchan. Elle va donner la possibilité à l’Autorité de la concurrence de contraindre une enseignes à revendre un magasin, y compris les murs, en cas de position dominante, supérieure à 50 % de parts de marché, en ultime recours.

Le secteur de la grande distribution fait en outre face à une situation de guerre des prix qui dure depuis l’été 2013. Selon une étude de Kantar Worldpanel, publiée en septembre 2014, les prix dans les hypermarchés et supermarchés ont baissé de près de 1,5% entre août 2013 et août 2014. Sur les marques nationales, cette baisse atteint même près de 2,4%.

Source: Kantar World Panel / Les Echos

Une vision nécessairement globale

Le rapprochement des deux enseignes n’intervient pas dans un contexte idéal, tant économique que réglementaire. Les distributeurs devront faire face à deux types de défis. Tout d’abord préserver leurs marges dans un contexte de baisse des prix et de faible inflation, ensuite se conformer aux nouvelles réglementations dont ils risquent de faire office d’exemple. Les précédents décevants de certains concurrents pourront servir d’exemples à ne pas suivre tels que E. Leclerc et Système U qui créent Lucie (L’Union des Coopérateurs Indépendants Européens) en 1999, qui subsistera moins de 2 ans

Ainsi en dehors de la réorganisation logistique magasin et de l’approvisionnement, SystèmeU et Auchan devront s’attarder sur des facteurs clés de succès sortant du périmètre habituel de leur cœur de métier. La formation et la conduite du changement auprès des salariés, la revue de leur stratégie marketing et la mise en place de systèmes d’informations communs sont sans doute la partie immergée de l’iceberg pour permettre un rapprochement dans des conditions optimales.