La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Malgré un durcissement notable des exigences réglementaires contraignant l’industrie financière mondiale (et surtout européenne), force est de constater que le nombre de nouvelles réglementations tend quant à lui à se resserrer.
Par ailleurs, c’est dans un contexte économique tendu que le secteur bancaire se transforme, avec l’émergence d’une nouvelle forme de concurrence émanant de nouveaux acteurs non bancaires, bénéficiant à ce stade d’un cadre réglementaire plus souple.
En ce début d’année 2020, Sia Partners dresse un état des lieux des réglementations financières en cours et à venir à différentes échelles (mondiale, européenne, nationale).
En réponse directe à la crise financière de 2008, les banques centrales, appuyées par le Comité de Bâle, continuent de protéger le système financier, notamment via la finalisation de Bâle 3 (dit Bâle 4). L’entrée en application est prévue à partir de cette année, et se poursuivra progressivement jusqu’à 2026. Celle-ci induit la mise en place de nouvelles règles relatives à diverses typologies de risques (crédit, opérationnel, et marché). Le but in fine est d’homogénéiser la prévention globale des risques entre toutes les banques, notamment via :
Avec ces approches dites « avancées », les banques ont la possibilité d’utiliser leurs propres modèles et variables de calcul. Cependant, le régulateur estime que les résultats ne sont pas toujours pertinents en matière de RWA, d’où un réel besoin d’homogénéisation entre les différents modes de calcul. Ainsi, il est désormais demandé aux banques de remplacer leurs méthodes IRB-Avancées soit par des approches IRB-Fondation soit par d’autres approches dites « standardisées ». Ces exigences renforcées, couplées à un calendrier particulièrement serré, entraînent un coût de mise en conformité considérable pour les banques et rend les acteurs non bancaires (non assujettis aux accords) d’autant plus compétitifs.
Par ailleurs, suite au scandale du LIBOR de 2012, la réforme des indices entrera en application sur une période de seulement 2 ans, entre 2020 et 2022. Celle-ci prévoit :
Cette réforme fait suite aux préconisations de l’IOSCO (International Organization of Securities Commissions) et du FSB (Financial Stability Board). En renforçant la fiabilité des indices de référence grâce à une transparente accrue au niveau de leur gouvernance et de leur méthode de calcul, les régulateurs souhaitent rétablir la confiance entre les acteurs du système financier.
Ainsi, à l’échelle mondiale, les régulateurs renforcent leurs exigences introduites par le passé, notamment les accords de Bâle. Le comité assume son profond désir d’aller plus loin dans l’harmonisation de la gestion des risques, tout en intégrant de nouvelles contraintes pour les banques dans le cadre de Bâle 4. En toile de fond, la réforme des indices oblige également de nombreuses lignes métiers à opérer une transition vers les nouveaux indices, et ce dans des délais inédits.
Par ailleurs sur le continent, l’incertitude quant aux conditions de retrait du Royaume-Uni se dissipe avec la victoire du parti conservateur britannique, menée par le Premier ministre Boris Johnson, lors des élections anticipées du 12 décembre 2019. Il peut ainsi promettre la réalisation du Brexit à la fin du mois de janvier 2020, après avoir fait ratifier par le parlement l’accord qu’il a préalablement négocié avec l’UE. Les réglementations européennes devront quant à elles s’appliquer pour une Europe des 27 états membres plutôt qu’une Europe des 28.
Parmi celles-ci, la transposition européenne de Bâle 4, également appelée directive CRR2/CRD5 (publiée en février dernier), dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 28 juin 2021, et qui vise à réduire le risque systémique en renforçant la capacité des banques à faire face à des pertes significatives.
Du coté des banques de détail, DSP2 est entrée en vigueur le 14 septembre 2019 ; ces dernières ont jusqu’au 31 mars 2021 pour se mettre en conformité. Pour rappel, cette directive consiste à sécuriser tous les paiements dépassant 30€ via la mise en place d’un dispositif d’authentification des parties tierces, couplé à l’introduction d’un système d’APIS pour assurer cette communication sécurisée avec chaque banque de détail.
En complément, et dans la continuité de GDPR, la réglementation ePrivacy oblige ces mêmes banques de détail, ainsi que les banques privées, à protéger les données privées de leurs clients pour les services en ligne. La mise en conformité a débuté en 2018 et aboutira l’année prochaine.
Du côté des banques privées et des sociétés de gestion d’actifs, et après MIFID 2, la directive DAC-6 devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2021 et obliger les conseillers fiscaux (par conséquent les banques privées) à plus de transparence dans la déclaration de leurs schémas d’optimisation fiscale. Cette réglementation a fait l’objet de transpositions en droit national fin 2019.
Les fonds d’investissement collectifs (OPCVM) et alternatifs (FIA) ne sont pas laissés pour compte : l’ESMA a récemment publié ses lignes directrices finales concernant la mise en place de stress tests de liquidité, en réponse aux recommandations de l’ESRB de 2018, sur les mesures de supervision à prendre pour faire face aux risques systémiques liés aux asymétries de liquidité et à l'utilisation de l’effet de levier au sein des fonds d’investissement. L’entrée en vigueur de ces stress tests est affichée au 30 septembre 2020.
Par ailleurs, l’autorité bancaire européenne (EBA) renouvelle son exercice de supervision prudentielle (SREP), notamment via :
Concernant l’actualité nationale, la directive concernant la lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme, élaborée conjointement par l’AMF et l’APCR, entre en application en ce mois de janvier. Les banques de l’Hexagone auront alors jusqu’à juillet 2021 pour s’y conformer. Pour ce faire, les régulateurs demandent aux banques d’avoir une connaissance détaillée et actualisée de leurs clients. En complément des éléments déjà demandés dans le cadre de KYC, les banques françaises doivent collecter et/ou mettre à jour des informations portant sur les revenus, les actifs et les transactions de leurs clients, et ce dès l’entrée en relation.
En toile de fond, la loi Pacte introduite en 2017 par le gouvernement Macron, a été promulguée le 22 mai 2019. Pour rappel, cette loi a pour objectif de soutenir la croissance française et voit son champ d’application élargi à différentes industries. Parmi les principales mesures, la possibilité pour les épargnants à la retraite de retirer leur argent en une fois ou encore la possibilité pour les entreprises de lever des fonds en monnaie virtuelle impactent l’industrie financière. Face à ces mesures, les banques de détail, banques privées et autres sociétés de gestion d’actifs doivent s’adapter et anticiper notamment par la mise en place de nouveaux produits et/ou offres de services pour leurs clients.
En synthèse, si l’ambition initiale du régulateur est de rendre le secteur financier plus robuste (et donc plus résistant en cas de crise), le regard que portent les établissements financiers sur ce dernier est mitigé. En effet, cette pression réglementaire entraîne des coûts de transformation non négligeables pour les banques.
Ce constat tend à se poursuivre jusqu’en 2025 au vu des réformes en cours à toute échelle (Bâle 4, Réforme des indices, DSP2, DAC-6, LAB-FT…).
Cela étant, les projets de transformation réglementaire sont devenus l’une des priorités des banques. Devant la contrainte, elles n’hésitent pas à prioriser leurs ressources (humaines et financières) pour se conformer aux réglementations, en mettant en place des programmes et projets ambitieux, et ce malgré un calendrier souvent très restreint.