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Depuis le début de l’année 2017, un projet en Suisse d’enfouir une ligne à haute tension a suscité de nombreux débats. En France, plusieurs projets de construction de lignes aériennes de haute ou très haute tension suscitent l’opposition des résidents, qui souhaitent l’enfouissement.
Depuis le début de l’année 2017, un projet en Suisse d’enfouir une ligne à haute tension a suscité de nombreux débats. Alors que la population est globalement contre de nouveaux projets aériens, les habitants suisses étaient également contre l’enfouissement dans le cas où cela alourdirait leur facture d’électricité. En France, plusieurs projets de construction de lignes aériennes de haute ou très haute tension dans le Nord ou dans les Hautes-Alpes suscitent l’opposition des résidents, qui souhaitent l’enfouissement.
Comment la France se situe-t-elle par rapport à ses voisins européens en matière d’enfouissement du réseau à haute tension ? La technologie souterraine est-elle prête à remplacer durablement les lignes aériennes ? Décryptage.
Alors que l’enfouissement est aujourd’hui quasiment total pour les basses tensions, qui correspondent aux réseaux de distribution, il l’est beaucoup moins dans les haute et très haute tensions.
En France, RTE[i] s’est néanmoins engagé à ce que la longueur du réseau de lignes aériennes n’augmente pas[ii]. Ainsi, dans un contexte d’augmentation du nombre de lignes, deux solutions s’offrent à RTE : l’enfouissement de nouvelles lignes, ou la mise en souterrain de lignes existantes afin de compenser la construction des nouvelles.
Même si la part de l’enfouissement reste très faible, avec un taux d’enfouissement de 2,7% des lignes de plus de 110 kV, RTE semble avoir privilégié l’enfouissement ces trois dernières années. Les lignes à haute et très haute tensions sous terre devraient donc continuer de se développer dans les années à venir.
RTE précise néanmoins que la technologie souterraine reste exceptionnelle pour les lignes à 400 kV. Elle est surtout envisageable en courant continu pour des distances supérieures à quelques kilomètres. A l’exception des nouvelles lignes à très haute tension de 400 kV qui restent donc aériennes, RTE a donc tendance à enfouir les nouvelles lignes de tensions inférieures.
Une comparaison au sein de l’Europe montre que les taux d’enfouissement des lignes à haute tension restent assez bas chez les voisins de la France[iii]. Le Danemark est le champion européen dans la matière, avec un taux d’enfouissement de 23%. Les Pays-Bas suivent, loin derrière, avec 10%. La situation au Danemark s’explique par une prise de conscience politique face à l’opposition populaire concernant les lignes aériennes. Depuis 2008, le pays a mis en place un plan massif d’enfouissement du réseau à haute tension, qui consiste à enfouir toute nouvelle ligne de de tension comprise entre 132 et 150 kV, la mise en souterrain du réseau aérien existant à ces tension à horizon 20 ans, et une meilleure intégration dans le paysage du réseau à 400 kV si l’enfouissement n’est pas possible. Ce plan a été estimé à six milliards d’euros, dont un à deux milliards pour l’enfouissement du réseau existant de 132 et 150 kV.
De manière générale, la raison principale expliquant des taux d’enfouissement plus élevés dans certains pays est politique. Comme le Danemark, l’Allemagne a par exemple également opté pour l’option souterraine en 2015 sous la pression populaire. Les pouvoirs publics, sous pression des habitants concernés, justifient alors la décision plus coûteuse initiale par une vision à moyen ou long terme.
Un autre facteur pouvant expliquer un taux d’enfouissement important est le câblage sous-marin qui permet de relier des parcs éoliens offshore au réseau terrestre, d’où un taux globalement plus élevé pour les pays disposant de ceux-ci.
Les transporteurs d’électricité constatent des surcoûts considérables pour l’enfouissement de lignes à haute ou très haute tension. Swissgrid, le transporteur suisse d’électricité, fait état d’un coût deux à dix fois plus important pour l’enfouissement[iv], et TenneT, le transporteur néerlandais, trois à huit fois plus important. De son côté, RTE indique que les coûts d’investissement sont comparables pour les lignes de 63 à 90 kV, deux fois plus importants pour une ligne de 225 kV et huit fois plus importants pour une ligne de 400 kV. En 2015, l’Agence de coopération de régulateurs de l’énergie (ACER) a publié un rapport avec ses propres valeurs, calculées à partir de projets terminés, et résumées dans la figure ci-dessous. Selon le voltage, le coût d’enfouissement d’une ligne est quatre à huit fois plus important que la mise en aérien[v].
Ce surcoût, principalement dû au fait que la technologie des lignes aériennes est bien plus mature que celle des câbles souterrains, impacte logiquement la répartition des différents coûts pour le projet. Les matériaux, qui représentent 47% des coûts dans une infrastructure aérienne, passent à 57% du coût total pour une infrastructure souterraine.
Le risque d’avarie est environ dix fois moins élevé pour les lignes enfouies que pour les lignes aériennes. Cependant, si un problème devait survenir à une ligne enfouie, sa durée d’indisponibilité peut être jusqu’à vingt fois plus importante que celle d’une ligne aérienne, de par la complexité d’intervenir sur une ligne souterraine.
Les coûts d’entretien et de maintenance sont également moins élevés pour des lignes souterraines. De par l’entretien plus important que nécessite une ligne aérienne, ces coûts d’exploitation peuvent revenir jusqu’à quatre ou cinq fois plus cher que pour un câble souterrain, selon la durée de vie des infrastructures. Là encore, alors que la durée de vie des câbles est généralement considérée d’une quarantaine années, celle-ci se rapprocherait en réalité d’une soixantaine d’années. Une durée de vie allongée est dès lors avantageuse pour la technologie souterraine qui bénéficie de coûts d’exploitation plus faibles.
Cependant, ce coût de maintenance est peu pris en compte au moment de la décision d’enfouissement ou non des lignes. C’est principalement le coût d’investissement qui importe. D’autres facteurs entrent également en jeu et sont souvent repris par le public en France pour tenter de s’opposer aux lignes aériennes. Une analyse complète en cycle de vie, plutôt que par coûts d’investissements, rendrait de facto le câble souterrain bien plus compétitif face aux lignes aériennes.
Les taux de perte plus faibles – qui coûtent environ deux fois moins en souterrain qu’en aérien – ainsi que la préservation du paysage et les effets sur l’homme sont les arguments les plus repris par le public pour justifier l’enfouissement. Ces paramètres sont difficiles à chiffrer en termes de coût, ce qui rend toute analyse coûts-bénéfices compliquée pour comparer des projets de lignes aériennes ou souterraines en incluant ces facteurs.
Néanmoins, en France, les petites communes peuvent trouver un avantage dans la construction d’une ligne aérienne sur leur territoire. En effet, l’Etat fixe à 2 318€ par an et par pylône supportant une ligne de tension comprise entre 200 et 350 kV, l’indemnité à verser à la commune d’installation par l’installateur, et à 4 631€ par an et par pylône supportant une ligne de plus de 380 kV[vi]. Un pylône installé peut donc couvrir 1 à 2% du budget d’une commune de moins de 500 habitants par exemple.
Le facteur complémentaire en faveur de l’aérien, repris par le public suisse notamment, est le coût pour le consommateur. En effet, le surcoût d’investissement inévitable pour l’enfouissement d’une ligne, est souvent répercuté sur la facture des consommateurs, via une augmentation du tarif d’utilisation du réseau de transport.
Néanmoins, la volonté du public se fait de plus en plus entendre, avec certains pays qui ont d’ores et déjà décidé d’enfouir des lignes malgré des coûts plus élevés, et la recherche pour des technologies souterraines moins chères évolue, surtout en courant continu et à tensions supérieures à 400 kV[vii] d’après l’ENTSOE.
Notes & Sources
[i] RTE : Réseau de Transport d’Electricité, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France
[ii] RTE, http://www.rte-france.com/fr/article/un-recours-accru-la-technologie-souterraine
[iii] Chaque pays ayant son propre seuil de tension pour définir la haute tension, la comparaison a été effectuée pour les tensions supérieures à 110 kV.
[iv] Swissgrid, « Câblage souterrain dans le réseau à très haute tension »
[v] ACER, Rapport « Unit Investment cost indicators and corresponding reference values for electricity and gas infrastructure : Electricity infrastructure », août 2015
[vi] Ministère de l’Economie, TFP Imposition forfaitaire sur les pylônes, http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/196-PGP.html
[vii] ENTSO-E, « Technologies for Transmission System »