La reconversion, parent pauvre des politiques d…
A l’heure du digital et des solutions de paiement innovantes, le chèque semble toujours trouver sa place en 2019 dans le portefeuille des français.
Les 79% de français qui ont eu recours à leur chéquier en 2018, oublient peut-être qu’il est l’un des moyens de paiement les plus risqués. Il représente pourtant à lui seul 40% des montants fraudés alors qu’il couvre à peine 9% des volumes de paiements.
Les banques ont, quant à elles, bien conscience du centre de coût que représente ce produit, que ce soit pour sa distribution ou pour son encaissement encore trop souvent manuel. Un enjeu stratégique de performance se présente ainsi aux acteurs bancaires, d’autant plus que le chèque ne favorise ni la transparence des opérations, ni la lutte contre la fraude.
Dans ce contexte, quel avenir entrevoir pour le chèque ?
Les banques sont dans une impasse, contraintes de faire vivre le chèque tant que les clients l’utiliseront. Elles possèdent, en effet, une marge de manœuvre extrêmement limitée sur ce produit de paiement :
Face à ces contraintes légales, et à ces enjeux de performance, de coûts et de contrôles, les banques ont toutefois entrepris une double dématérialisation : celle du traitement et des process de clearing qui permet l’automatisation et l’externalisation, et celle des offres produit qui permet de « digitaliser » le contact du client à ce produit.
Le Royaume-Uni, depuis fin 2017, va notamment plus loin que la France en permettant une dématérialisation complète, se passant du chèque papier lors du traitement et du clearing de ces paiements. L’impact sur l’offre est conséquent outre Atlantique : la seule photographie prise par le client particulier via l’application mobile suffit pour déposer son chèque et en recevoir le crédit en compte (service néanmoins disponible uniquement pour les chèques de moins de 500 GBP dans une limite journalière de 750 GBP), sans contrainte de gestion et d’envoi papier. La place française pourrait envier la situation de ses homologues britanniques s’ils n’étaient pas en train d’essuyer un dur revers en matière de fraude.
En France, la dématérialisation reste fatalement limitée par l’obligation légale de procéder à la réconciliation des chèques papiers physiques avec leur version numérique. Cette étape est une sécurité avérée contre les tentatives de fraude et contre la possibilité d’une aliénation du fichier numérique : le chèque papier est existant, consultable, et toute falsification y est plus facilement identifiable que sur un scan plus ou moins pixelisé. Cela induit qu’une gestion papier est toujours indispensable – et donc des ressources Back Office allouées –, bien qu’en partie externalisable. Mais, au-delà des process, la contrainte de cette réconciliation touche aussi les offres que les banques peuvent proposer aux clients, particuliers comme entreprises. Ces dernières auraient pu présenter une proposition de valeur très attractive, si tant est qu’il n’eut toujours été nécessaire de remettre le chèque papier à sa banque. La valeur ajoutée de la dématérialisation actuelle se limite ainsi, pour le client, à assurer un crédit en compte plus rapide (date de valeur à réception du fichier numérique pour les entreprises et à réception de la photo du chèque pour les particuliers).
Cette transformation, source d’optimisation opérationnelle, permet au chèque de mettre un pied dans le numérique. Elle n’est pas une fin en soi, mais plutôt une phase de transition nécessaire dans la rencontre et la fusion entre deux mondes, celui de la banque d’hier et de la banque d’aujourd’hui où le digital, l’innovation, la transparence et l’instantanéité sont souverains ; monde au sein duquel le chèque n’aura vraisemblablement pas sa place.
En parallèle de cette dématérialisation, les banques se lancent petit à petit dans la revue stratégique du produit afin d’amplifier cette réduction naturelle des volumes. Petit à petit, car les marges de manœuvre sont limitées et il n’est pas toujours évident de solliciter des ressources sur ce produit « mourant » qui ne génère pas (ou trop peu) de revenus.
Des quick-wins sont possibles pour les chefs de produits chèques à cet effet (liste potentiellement non exhaustive).
La première, la plus efficace mais aussi celle sur laquelle on peut le moins compter car elle ne dépend pas directement des banques : un mouvement du régulateur pour entériner la fin du chèque, un changement du Code Monétaire et Financier, l’abolition des instruments papiers… Sans cela, les banques proposeront toujours des chéquiers par effet de marché et les clients continueront toujours à utiliser le produit, surement de moins en moins, mais un reliquat subsistera, aussi infime puisse-t-il être.
La seconde, indispensable dans ce contexte concurrentiel, mais qui nécessite un effort conséquent de la part des banques : adopter une démarche proactive et opter pour des produits innovants de substitution. Être en mesure de proposer une offre omnicanale pour clients particuliers comme pour clients entreprises, et faire du digital, de l’instantané et de la transparence, les fers de lance de la banque de demain. Les solutions digitales constituent des opportunités stratégiques que les banques doivent saisir pour présenter une proposition de valeur différenciante en accentuant les efforts en matière d’UX et d’IU. La généralisation de l’usage de l’Instant Payment ou prochainement du Request-to-Pay constituent de bonnes opportunités pour venir réduire drastiquement les volumes de chèques, mêmes si les propositions de valeur présentent des inconvénients à cet égard, comme par exemple l’Instant Payment qui se limite aux paiements inférieurs à 15,000 euros.
En définitive, il ne semble aujourd’hui pas possible de remplacer le chèque par une nouvelle solution unique qui couvrirait exhaustivement tous les cas d’usage tant ces derniers sont diversifiés. Cependant, l’implémentation de différentes solutions digitales permettrait de couvrir ce spectre pour faciliter, à terme, une transformation des usages clients.
Le défi majeur est de trouver une alternative à l’un des principaux cas d’usage du chèque, le paiement sans connaissance de l’IBAN bénéficiaire, pour lequel aujourd’hui encore aucune solution digitale sérieuse n’est proposée massivement. L’enjeu est de concentrer les efforts sur les solutions à fonctionnalité « Alias », qui permettent à l’utilisateur de procéder au paiement sans avoir à sa disposition cette information bancaire et en ne connaissant que le nom, l’adresse postale, le numéro de téléphone et/ou l’adresse mail du bénéficiaire. Des solutions sont déjà disponibles sur le marché, comme par exemple PayLib (uniquement retail, non SEPA) ou encore Beneficiary-Self Management de HSBC (solution Corporate, en pilote), mais aucune ne semble constituer une proposition suffisamment solide pour jouer ce rôle de palliatif du chèque.
La difficulté au développement de telles offres est de taille, notamment face aux risques de fraude et de criminalité financière, mais il semble que ces propositions soient les seules à même de permettre la disparition totale et définitive du chèque.