La reconversion, parent pauvre des politiques d…
A l’horizon 2020, entre 50 et 80 milliards d’objets seront connectés et 40% des données échangées le seront entre machines sans intervention humaine.
A l’horizon 2020, entre 50 et 80 milliards d’objets seront connectés et 40% des données échangées le seront entre machines sans intervention humaine. Les enjeux autour des applications et des transformations induites par l’Internet des Objets prennent de plus en plus d’importance pour l’ensemble des secteurs économiques, et plus particulièrement dans le secteur du transport et de la logistique.
Dans le secteur ferroviaire, le transport de voyageurs a été le premier à bénéficier des avancées technologiques et à connaître une révolution digitale afin d’améliorer les services aux clients tout en simplifiant le métier des agents. Le fret n’a pas encore fait l’objet d’une telle transformation et connaît donc un potentiel de développement encore conséquent. En effet, les spécialistes s’accordent sur un défaut principal : l’inadéquation entre l’offre et les besoins des utilisateurs, notamment en France.
Cela s’explique par la volonté, depuis une quinzaine d’années, de favoriser les investissements sur le transport de voyageur, et cela au détriment du fret. En découle un manque d’investissement dans le fret ferroviaire qui a pour conséquence un démantèlement des services et des outils, un abandon commercial et opérationnel d’un certain nombre de territoires et in fine une chute du trafic : aujourd’hui en France, 90% des marchandises passent par la route.
Pourtant ce déclin n’est pas irréversible : certains pays savent tirer parti du fret, notamment l’Allemagne qui affiche 40% d’augmentation de trafic en dix ans. L’intégration du digital par les opérateurs historiques dans leur production et dans leur modèle économique a contribué grandement à ce développement en leur permettant d’optimiser l’utilisation du matériel et du réseau.
Les enjeux opérationnels, qui concernent à la fois les opérateurs, les chargeurs et les détenteurs de wagons, sont majeurs : il s’agit de répondre aux pressions toujours plus importantes des clients finaux, tant en termes de services (notamment le track & trace des camions, conteneurs ou wagons) que de compétitivité tarifaire, en optimisant l’usage des flottes.
Le fret ferroviaire de demain sera donc connecté, afin de devenir plus agile, plus performant, et de mieux s’adapter aux évolutions rapides du marché à un coût toujours compétitif.
Le fret ferroviaire n’a pas encore effectué sa révolution digitale, dans un secteur où l’offre souffre trop souvent d’un manque de maturité face à la demande. Cela s’explique par plusieurs facteurs : On observe dans un premier temps une offre trop souvent sous-dimensionnée sur les axes majoritaires, avec une quantité de sillons et une fréquence de flux trop faibles qui obligent les chargeurs à se tourner vers d’autres alternatives. En second lieu, le manque de flexibilité du système ferroviaire, avec des sillons qui sont parfois réservés plus d’un an à l’avance, n’encourage pas les entreprises à recourir au fret. Par ailleurs, les délais proposés sont souvent jugés trop importants par les chargeurs qui sont contraints de s’adapter à l’opérateur plutôt que l’inverse.
Enfin, le déficit de traçabilité est une contrainte pouvant être rédhibitoire puisque les chargeurs n’ont quasiment aucune information de suivi pour assurer le pilotage du flux avec le risque que certains wagon soient temporairement « perdus » dans la nature.
La digitalisation de l’activité de fret, qui se concrétise par une traçabilité de l’infrastructure de transport et de sa cargaison, bénéficie à l’ensemble des acteurs impliqués dans la chaîne de valeur.
Les opérateurs de fret sont ainsi capables d’améliorer l’alignement de l’offre de transport en proportion des besoins réels mais aussi de suivre en temps réel certains indicateurs clés (température, chocs, poids) afin d’avoir une meilleure visibilité sur les conditions de chaque wagon.
Du côté des chargeurs, l’intérêt réside dans un gain de temps évident : les opérateurs s’adaptent à leur demande afin de leur proposer une offre sur mesure. Par ailleurs, cela permet de suivre la cargaison à la trace : les chargeurs sont ainsi moins exposés aux pertes et peuvent mieux anticiper auprès de leur client final d’éventuels retards de livraison. En dernier lieu, c’est pour les détenteurs de wagon un moyen d’anticiper les pannes et donc les opérations de maintenance qui en découlent, en plus de pouvoir mieux gérer la mise à disposition des wagons grâce à une connaissance parfaite de leur situation géographique ainsi que de leur état.
La digitalisation appliquée au fret ferroviaire représente un enjeu d’importance dans l’amélioration de la gestion et de la maintenance du réseau. Ainsi, d’après G. Kress (Mobility Data Director chez Siemens), la maintenance prédictive numérisée déclenchée par des capteurs conduit à une augmentation significative de la disponibilité des trains. Reste que les wagons sont amenés à voyager à travers plusieurs pays et que la difficulté consiste à parvenir à les suivre sur des réseaux où les moyens disponibles et les technologies sont inégales. J. Doppelbauer, le directeur général de l’ERA (agence européenne du rail) considère que l’interopérabilité est la clé pour numériser les chemins de fer en Europe : cela implique de promouvoir à la fois la normalisation mais aussi de coordonner l’innovation sur l’ensemble du secteur.
De nombreuses solutions ont été développées spécifiquement pour le fret ferroviaire en s’appuyant sur l’usage des technologies de l’Information et de la Communication.
Ces innovations permettent de couvrir l’activité du fret sur l’ensemble de l’échelle de valeur dans le but d’améliorer significativement l’efficacité du service : gestion et optimisation des infrastructures de transport, augmentation de l’utilisation des moyens de fret, gestion des temps d’arrêt, économie de carburant, augmentation des vitesses de traitement….
Sur le matériel roulant lui-même, une problématique spécifique se pose : comment équiper au meilleur coût, et de façon pérenne, les wagons en moyens de connectivité ? Les contraintes d’alimentation électriques font que les principales solutions étudiées sont basées sur des émetteurs autonomes sur batteries. Au-delà de sa capacité à communiquer avec le sol dans diverses conditions (y compris en zones non couvertes GSM), la digitalisation du matériel roulant implique de faire coopérer fabricants de capteurs et de connectique.
L’Australie fait figure d’exemple en termes de maturité digitale appliquée au fret ferroviaire.
En août 2015, la ARTC (Australian Rail Track Corporation) a annoncé avoir signé un contrat de dix ans avec Telstra afin d’équiper le réseau de fret des dernières innovations digitales. L’ARTC est un leader de la logistique ferroviaire en Australie et exerce une activité de fret généraliste, de transport de charbon, de fer, de minéraux ainsi que de produits agricoles sur un réseau de plus de 8500 kilomètres de voies. En utilisant le réseau de Telstra (Telstra NextG), l’ARTC sera en mesure de bénéficier d’une variété d’applications digitales tel qu’un système d’alerte de proximité afin d’assurer les distances de sécurité, d’un tracker de locomotives en temps réel, de capteurs disposés sur l’ensemble des voies principales et des caténaires, d’un système de navigation par satellite ainsi que d’un système nouvelle génération de management des trains (ATMS) pour optimiser leur gestion.
Les objectifs affichés sont clairs : s’ouvrir à l’innovation, standardiser les systèmes et tendre vers une interopérabilité totale à travers l’ensemble du réseau de fret national.
La compagnie australienne Aurizon’s Central Queensland Coal Network (CQCN) fait figure d’exemple en termes de maturité digitale appliquée au fret ferroviaire. Spécialisée dans le transport de charbon entre les mines et les ports sur un réseau de 2700 kilomètres, elle a dû faire faire au défi de parvenir à se synchroniser avec les cargos en partance pour le Japon, la Corée du Sud ou encore l’Inde. Dans une stratégie d’optimisation du trafic qui précède une phase d’expansion du réseau, l’opérateur a souhaité s’équiper d’une solution qui lui permette de réduire les capacités latentes et d’améliorer le service fourni au chargeur. Le logiciel sélectionné (GE’s Movement Planner) lui permet d’obtenir une vision globale et en temps réel du réseau, en incluant différents facteurs tels que le planning des trains, mais aussi leur mouvement des uns par rapports aux autres. Par ailleurs, il est capable de suggérer des routes alternatives en cas d’anomalies sur le réseau et de contribuer à une optimisation du trafic de l’ensemble des trains évoluant sur le réseau avec une vision prédictive de 12 heures dans le futur.
En Europe, l’Allemagne n’est pas en reste puisque l’opérateur historique DB Schenker Rail s’est ouvert aux innovations digitales dans le cadre de sa stratégie de relance intitulée « Netzwerkbahn ».
Cette stratégie repose sur un système informatisé de réservation précoce qui permet d’agréger les wagons isolés et de constituer au final des convois exploitables pour répondre à la demande.