La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Dans le cadre des petits-déjeuners du Club IoT de Sia Partners, la société ITNOVEM, maillon central de la Fab IoT SNCF revient sur la stratégie IoT mise en place par le Groupe SNCF en présence de Julie Haillet (DG ITNOVEM) et Louis Blériot, directeur de mission Systèmes et Services embarqués.
ITNOVEM est une filiale technologique de e.SNCF, véritable centre d’expertises de la transformation numérique du groupe et intégrateur privilégié de solutions innovantes. Notre rôle est d’accélérer les projets dans le domaine de l’internet industriel, le tout en mode agile. Nous proposons également nos services auprès de clients externes en tant qu’intégrateur de solutions dans le domaine de l’IIoT avec une sensibilité métier dans le domaine du transport, des infrastructures et des bâtiments. Du besoin au déploiement en passant par la maintenance, nous délivrons les projets clé en main en assurant un service de qualité.
Comment avez-vous intégré cette nouvelle vague technologique qu’est l’IoT ?
Au sein du groupe, nous avons identifié quatre axes sur lesquels l’IoT nous permet d’obtenir de nombreux bénéfices :
Expérience Client : individualisation de l’offre de services, fluidification des flux, intermodalité, …
Asset Management : diminution du nombre d’indisponibilités du réseau, efficience des interventions, …
Agent Augmenté : amélioration de la santé et de la sécurité des agents en intervention, efficacité des agents, …
Opérations : réduction des dépenses énergétiques, amélioration du taux d’utilisation des moyens, …
Ces nouveaux services sont possibles grâce aux capacités de l’IoT et à la multitude de capteurs et de données associées. Pour en arriver là, nous sommes passés par plusieurs étapes. La première démarche a été l’évangélisation de l’entreprise sur l’IoT. Désormais, nous commençons à avoir une réflexion plus globale pour adresser les projets de bout en bout. Nous sommes au service des métiers pour accélérer la transformation et faciliter le passage du POC à l’industrialisation.
En quoi l’IoT est devenu une priorité stratégique pour la SNCF ?
Nous sommes un groupe international disposant d’un parc considérable d’actifs qu’il s’agisse de matériel roulant, du réseau ferré ou d’immobilier (industriel, gares, tertiaire) – et ce parc doit être fréquemment vérifié et contrôlé. Alors, l’ensemble des données que nous pouvons récupérer de ces actifs et les analyses que nous pouvons faire par-dessus est essentiel dans un souci d’excellence opérationnelle. Dès lors, le besoin latent en services IoT est évident. De ce fait, la SNCF se devait d’avoir une approche robuste permettant de simplifier l’industrialisation post-POC des projets, de faciliter la collaboration entre les différents acteurs, de réussir l’intégration avec l’existant et de sécuriser l’exploitation des parcs d’objets connectés.
Ainsi, depuis 3 ans, les projets IoT se sont structurés autour de la Fab IoT, l’entité au sein de la Direction du Digital, et autour du développement de centres d’expertises spécialisés sur les enjeux technologiques. Aujourd’hui, la SNCF fournit un effort conséquent pour accélérer l’industrialisation des projets dans un objectif de transformation et d’excellence opérationnelle.
Afin d’améliorer la satisfaction des clients et de répondre aux exigences des autorités organisatrices, SNCF se doit d’assurer une qualité de service supérieure. Cela passe par l’amélioration du confort en gare et par un taux de disponibilité élevé des équipements. À ce titre, la SNCF souhaite surveiller l’état de fonctionnement de ses escaliers mécaniques.
► Solution : une pince ampèremétrique permet de mesurer l’état de fonctionnement de l’escalier mécanique. Cette information est récupérée puis transmise à la plateforme loT SNCF toutes les dix minutes. En cas de problème, une alerte est envoyée aux agents en gare.
Concrètement, aujourd’hui, quels sont les effectifs de la communauté IoT au sein de SNCF ?
50 personnes travaillent à temps plein à la Fab IoT / ITNOVEM pour accompagner les projets. Nous retrouvons différents profils comme des intégrateurs, des chefs de projet, des spécialistes, … Ils sont soutenus par un réseau de plus de 200 experts internes et travaillent avec les DSI métiers qui montent également en compétence sur le sujet. Au total, c’est plus d’un millier de personnes qui ont développé une appétence pour l’IoT et qui s’entraident pour rester à la pointe de la performance.
Vous parlez d’un réseau interne mais qu’en est-il de vos partenaires ?
Nous allons monter un club utilisateur avec l’ensemble des partenaires faisant partie de notre écosystème. Seront présents des industriels, des fournisseurs, des acteurs R&D, des écoles, des start-ups. L’objectif de ce club est d’animer une réflexion sur les cas d’usage mais aussi de s’allier dans une logique de business développement. Nous n’en sommes qu’au début et il est nécessaire d’avancer ensemble pour aller plus vite.
Comment identifiez-vous de nouveaux cas d’usage ?
Le niveau de maturité n’est pas le même pour tous les métiers, ce qui nécessite de la pédagogie et un accompagnement spécifique pour amener les équipes à identifier leurs besoins en IoT. Ce premier niveau d’approche top-down permet ainsi d’insuffler la transformation numérique au sein de SNCF. Nous pouvons nous appuyer sur l’écosystème des « 574 », les maisons du digital du Groupe hébergeant l’ensemble des centres d’expertises pour la transformation numérique, qui favorise la collaboration avec les métiers afin de définir ensemble de nouveaux cas d’usages. Arrivés à un niveau de maturité suffisant, les métiers sont en capacité de revenir vers nous avec leurs besoins identifiés dans une approche bottom-up. Nous avons ainsi en visibilité l’ensemble des projets pouvant émerger.
Quelles sont les expertises que vous avez développées en interne ?
Nous avons mis en place des centres d’expertises sur les différents enjeux technologiques et projets comme la maîtrise de la couche plateforme IoT, les objets connectés (électronique embarquée, CEM…) et prochainement sur le déploiement qui est un sujet central pour passer du POC à l’industrialisation. Notre objectif est de couvrir les compétences techniques pour masquer aux métiers la complexité de réalisation et qu’ils puissent ainsi se concentrer sur la partie projet. Notre organisation matricielle nous donne cette agilité qui permet de proposer un accompagnement sur-mesure et renforce notre capacité à accélérer tous les projets.
Vous avez fait le choix d’une plateforme IoT unique, pourquoi cette décision ?
À l’époque, seule la couche plateforme nous paraissait mature dans l’écosystème IoT. Nous avons fait le choix de partir sur la plateforme Watson IoT d’IBM en ajoutant une couche de gestion pour pouvoir passer la main aux métiers. L’enjeu était de pouvoir gérer les interconnexions avec le SI SNCF tout en préservant la cohérence globale.
Voyages SNCF est confronté à la problématique d’absence de mesure de niveau d’eau claire ce qui a plusieurs conséquences : indisponibilité des sanitaires, retards et transbordements pour absence d’eau, impossibilité de contrôler la qualité des remplissages par les sociétés prestataires.
► Solution : Mise en place sur les 7 réservoirs d’eau claire du TGV d’un capteur de pression 4-20 mA Jumo pour mesurer la hauteur d’eau. Le retour sur investissement d’un tel projet est réel puisqu’un train dont le niveau d’eau est trop faible ne peut rouler soit autant d’indemnisations voyageurs en moins.
Quels ont été les critères de sélection de la plateforme ?
Nous avons réalisé un benchmark de plus de 20 fournisseurs. La réflexion nous a amené à ne sélectionner que des technologies open source afin de pouvoir activer la réversibilité vers une autre plateforme. En effet, nous devions nous assurer que notre production sur les interfaces pouvait être portée ailleurs car cette surcouche nous permettait de répondre à nos besoins spécifiques. Enfin, nous avons mené des démonstrations sur 5 solutions avec un accès à des environnements de test pour se mettre dans les conditions d’utilisation et ainsi pouvoir faire notre choix final.
Comment les projets sont-ils choisis et répartis ?
Les directeurs de mission sont chacun positionnés sur une thématique (réseau, smart building, solutions & services embarqués, initiatives régionales) et couvrent plus de 120 cas d’usage. Ils font ensuite appel aux différentes forces internes et externes pour répondre au besoin métier et démontrer la viabilité technico-économique du cas d’usage. Le ROI du projet doit apparaitre en moins de 5 ans pour être validé car le marché évolue très vite.
Nous mettons souvent en avant les difficultés techniques des projets IoT, est-ce encore un obstacle au sein de la SNCF ?
Le sujet technique est maîtrisé, la difficulté est d’amener les équipes terrains à s’approprier cette nouvelle technologie. Nous bouleversons les processus, nous transformons le quotidien ce qui génère de l’angoisse. Au final, nous n'arrivons à dégager de la valeur qu’à partir de l’adoption complète des nouveaux processus métiers, passés les effets de la courbe d’expérience. Il y a un vrai besoin d’accompagnement du changement pour amener les agents à gérer les appréhensions sur les nouveaux gestes métiers et la charge de travail.
Le ferroviaire est une industrie très réglementée notamment en termes de sécurité, est-ce le cas aussi pour ses projets IoT ?
Oui, la SNCF est dans l’obligation d’obtenir les certifications nécessaires pour installer du matériel notamment quand celui-ci est intégré à nos actifs roulants. Afin d’éviter la redondance des démarches de certification pour chaque objet, nous avons développé un capteur « couteau-suisse » (gyromètre, accéléromètre, GPS, …) réutilisable pour plusieurs cas d’usage. Par ailleurs, pour tout autre objet, l’objectif est d’intégrer des technologies les moins intrusives et qui ont le moins impact possible pour éviter de refaire des certifications plus lourdes. Par exemple, nous utilisons l’activation d’un voyant de défaut d’une porte plutôt que le monitoring du mécanisme d’ouverture dans le cadre du projet « Porte Corail », soit un simple capteur de tension électrique. Par cette technique de contournement de la mesure, nous sommes en capacité de déployer plus facilement et plus rapidement une solution tout en restant conforme aux normes.
Dans le cadre du programme Télédiag, la Direction Sécurité Voyages, l’Ingénierie du Matériel (le PIM d’Hellemmes et de Périgeux), en étroite collaboration avec Intercités souhaitent engager des solutions innovantes et économiques en matière de sécurité sur les portes des trains Corail actifs.
► Solution : l’installation de capteurs sur les portes des trains Corail afin de détecter les dysfonctionnements des portes (ex : ouvertes et /ou non bloquées) lorsque le train est en mobilité. La valeur ajoutée du service réside dans le croisement des données collectées par les capteurs avec les données du plan de transport afin de transmettre l’information au bon agent présent dans le bon train.
Quand nous parlons d’IoT, nous arrivons rapidement à la question de la cybersécurité. Comment gérez-vous cette dimension ?
La cybersécurité doit être géree de bout en bout avec une attention à chaque étape du traitement de la donnée. Nous intégrons ainsi la cybersécurité dès le cadrage du projet afin de choisir la meilleure solution tout en identifiant rapidement les risques. Au sein du groupe, nous disposons de plusieurs ressources dédiées à ce sujet qui formeront à terme un véritable centre d’expertise. Nous serons ainsi amenés progressivement à proposer des offres sur étagère comme les tests de sécurité.
Nous parlons beaucoup de maintenance prédictive, quel est votre retour d’expérience sur le sujet ?
Aujourd’hui, la maintenance est plus préventive que prédictive, avec par exemple des capteurs qui mesurent directement les fatigues comme sur les moteurs. Ceci résulte du fait que nous ne disposons pas d’un historique de données nous permettant de produire des fonctionnalités de maintenance prédictive efficaces mais nous nous dirigeons bien sûr vers ce type de service. En assurant ainsi la supervision des équipements comme sur le projet « Escaliers Mécaniques », nous accumulons des données historisées qui devraient à terme nous permettre de mettre en place des POC de maintenance prédictive. En attendant d’avoir un historique suffisant, nous proposons du croisement de données permettant de donner de l’information à valeur aux métiers. Nous utilisons notamment les données météo combinées avec les remontées des capteurs qui permettent certaines anticipations.
Comment gérez-vous l’intégration de ces nouveaux services « IoT » avec vos outils et infrastructures actuelles hérités de ce que nous pouvons appelés « M2M » ?
Nous opérons un rapprochement entre ces deux « technologies ». Par exemple, dans le cadre de notre projet « Usine du futur », nous faisons évoluer nos logiciels SCADA (système d’acquisition et de contrôle de données), ce qui constitue un défi technique énorme du fait de la diversité et de l’hétérogénéité des solutions existantes complexifiant le sujet – chaque site industriel dispose de son écosystème d’outils propre. Nous souhaitons capitaliser sur notre plateforme IoT pour faire le lien avec l’ensemble des outils déjà en place et les nouveaux capteurs. Nous aurons alors une vision d’ensemble harmonisée permettant d’assurer un suivi de parc simplifié. Une autre difficulté est celle de la sûreté avec la connexion de la plateforme aux différents réseaux informatiques des systèmes industriels qui constituent autant de brèches potentielles nous rendant plus vulnérable.