La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Leader mondial de l’industrie cosmétique et troisième annonceur mondial, L’Oréal se doit d’adapter sa stratégie et son organisation à la digitalisation des comportements de ses consommateurs.
Lubomira Rochet, qui a rejoint le Groupe en 2014 en tant Chief Digital Officer, impulse l’accélération des projets de transformation digitale autour de trois principaux enjeux : la distribution, la relation client et la multiplication des points de contact. Le Groupe se transforme pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs et saisir les opportunités liées au digital et à la data. L’objectif est clair : faire évoluer une culture historiquement centrée produit pour aller vers une culture centrée sur le consommateur et l’expérience client. Nouvelle organisation digitale, recrutements de spécialistes, formations internes, rachats et internalisation des compétences sont autant d’initiatives portées par L’Oréal pour répondre à cet objectif.
Cette expérience L'Oréal a été réalisée suite à l'entretien de Sia Partners avec :
Nicolas Pauthier, Global VP HR, Equipe CDO
« Au-delà des outils, une transformation digitale est avant tout une transformation humaine qui nous amène à repenser nos organisations et nos modes de fonctionnement. Il s'agit de faire évoluer notre modèle marketing tout en renforçant certaines expertises spécifiques, dont la Data fait naturellement partie. »
Nicolas Pauthier, Global VP HR
Thibauld Berly, Global Precision Advertising & Analytics Director
Le verbatim :
« Mettre la data et donc les consommateurs au coeur de la stratégie, c'est instaurer un nouveau mode de travail collaboratif, au-delà des silos organisationnels. La data nourrit nos campagnes de communication, nous permet d'avoir une couverture utile plus étendue de nos cibles et d'être plus pertinent à moindre coût. L'Oréal réinvente la cosmétique à l'ère digitale : la cosmétique centrée consommateur. »
Thibauld Berly, Global Precision Advertising & Analytics Director
Une collecte des données complexe. L’Oréal réalise 95% de ses ventes en magasins et ne détenait historiquement que peu d’informations sur ses consommateurs finaux. La quasi-totalité des données collectées sont issues du média et correspondent à des données de connaissance client. Les sites web des 32 marques du Groupe permettent aussi de récolter des informations consommateurs. Opérationnellement, la data permet d’accélérer les prises de décision : les lancements de produits par exemple qui se basaient historiquement sur des focus groupes ont été remplacés par des analyses web et des KPI digitaux. Afin d’harmoniser les données sur l’ensemble du Groupe, de s’aligner sur le même langage et pour permettre des analyses entre les marques en interne, un projet d’harmonisation des KPI via un tableau de bord – le cockpit – a été lancé.
La donnée au service de l’investissement média. La data permet également d’optimiser les mix média et d’adresser les publicités les plus pertinentes à la bonne audience au moment le plus opportun, via la programmatique, thématique prise en main par le Groupe depuis 2012. Sur certains sujets data comme celui des DMP (Data Management Platform), L’Oréal préfère une approche pragmatique et progressive : lancements de projets pilotes et développement de use cases permettant de valider en amont le véritable apport business et de s’assurer de la garantie de l’éthique.
La gouvernance de la donnée. Par ailleurs, L’Oréal affiche une volonté forte de maitrise et de contrôle des sujets qui touchent de près ou de loin à la data, notamment en raison des enjeux de sécurité et de protection des données personnelles. Le COMEX est particulièrement impliqué sur le sujet de la protection des données. Pour une entreprise qui a l’habitude régulière de travailler avec des agences, il est clair que « contractualiser ses propres outils d’Adtech et être propriétaire des datas offre bien plus de confort sur ces questions », explique Thibauld Berly. Au-delà de ces enjeux de sécurité et de protection des données personnelles, un contrôle accru sur les technologies et des données offre plus de transparence sur les coûts média et un gain de flexibilité dans les négociations avec les différents partenaires (agences média, fournisseurs technologiques…).
La montée en compétence sur le digital et la data. Le sujet de la data a été initialement pris en main par une équipe d’experts centralisée au sein de l’équipe CDO, avec l’ambition très claire de diffuser dès que possible la compétence dans les pays. A cette fin, L’Oréal mise à la fois sur le recrutement (près de 1,000 experts digitaux en trois ans) et des formations internes (Digital upskilling), « un levier indispensable pour faire monter très vite en compétence les équipes » selon Nicolas Pauthier. Les profils digitaux sont répartis dans différentes fonctions : marketing digital, e-commerce et les métiers plus « experts » comme les spécialistes Analytics, CRM et Média. Afin d’aider les équipes RH partout dans le monde à recruter les meilleurs talents digitaux et mieux comprendre le contenu de ces nouveaux métiers, l’équipe Digital RH a développé des outils propres et fourni une HR digital toolbox à l’ensemble des filiales dans le monde.
L’adoption d’une culture customer-centric. Cette transformation digitale amène la culture de l’entreprise à évoluer d’une culture centrée produit vers un modèle centré sur le consommateur. Ce mouvement se voit notamment avec l’acquisition d’acteurs tels que NYX qui a notamment permis aux autres marques d’apprendre à gérer la notion d’influenceurs sur le Web ou apporter une expertise e-commerce. Pour Thibauld Berly, « Les entreprises qui ont réussi dans le digital sont celles qui ont dépassé le produit pour l’expérience ». C’est avec ce changement de paradigme que L’Oréal adopte le digital, tout en assurant la maitrise des outils associés grâce aux données. Mais il ne faut pas perdre de vue que le marketing de la beauté reste un marketing intuitif et il s’agit donc de trouver le bon équilibre.
La transformation est en cours pour L’Oréal et le Groupe de cosmétique entrevoit également de nouvelles opportunités dans les relations avec les distributeurs. Dans un avenir proche, de nouveaux partenariats pourraient en effet voir le jour entre les distributeurs qui possèdent des données issues des points de vente et l’Oréal qui possède une force de frappe inégalable pour amener du trafic en point de vente qu’ils soient digitaux ou physiques.
Cas d’usage :
L’Oréal a lancé l’an dernier un programme pilote sur le precision advertising permettant de tester des campagnes d’activation de la data grâce à une approche d’A/B testing. Les résultats ont été compilés sous forme de Golden Rules, partagées avec l’ensemble du marketing groupe. Ce programme a permis d’améliorer la portée (reach) pour un coût inférieur tout en entrainant un meilleur engagement final du consommateur et en limitant son exposition à des publicités intrusives. Ce programme a démontré la limite des KPI traditionnellement utilisés par les équipes. Insuffisants, ces derniers ne permettaient pas de prendre les bonnes décisions. Aujourd’hui la mise en place de nouveaux indicateurs permet d’optimiser les prises de décision mais également de limiter les fraudes (au clic, à l’impression, manuelle, robots…).
Consultez la liste des Itinéraires Digitaux 2016 publiés et à venir ici