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La fin de la parité CHF/EUR et la place financière suisse

Le 15 janvier dernier, la BNS a annoncé deux mesures majeures : l’abandon immédiat du cours plancher de 1,20 CHF pour un euro et l’instauration d’un taux de dépôt négatif de -0,75%. Cette décision a surpris tous les acteurs économiques y compris la Banque Centrale Européenne.

Quelles sont les motivations de la BNS ?

Cette annonce ne doit pourtant rien à au hasard. En effet, la perspective d’un assouplissement monétaire massif par la BCE a amené les dirigeants de la BNS à devancer cette décision d’abandon de la parité. Pas plus tard que le 22 janvier 2015, la BCE a mis en place un programme de rachats d’actifs publics et privés pour un montant de 60 milliards d’€ par mois entre mars 2015 et septembre 2016. La baisse de l’euro, couplée au maintien de la parité, aurait fait subir de lourdes pertes à la BNS qui possède d’importantes réserves de devises dont une part non négligeable est libellée en euros.

La deuxième décision, de réduire les taux d’intérêt, va conduire à une baisse de la rentabilité des banques orientées sur le marché domestique suisse. Les premières estimations tablent sur une baisse de la rentabilité de l’ordre de 15 à 20% du fait d’un effet de ciseau puisque les coûts sont libellés en CHF et leurs revenus en EUR dans la grande majorité.

Quels impacts concrets de la nouvelle donne monétaire sur les banques et l’industrie de la gestion d’actifs ?

Les banques de premier rang, que sont Julius Baer, Crédit Suisse et USB, sont les plus impactées mais ce sont les plus petits établissements qui vont se trouver les plus fragilisés (baisse des encours de l’ordre de 20%). Cette pression supplémentaire sur les établissements helvétiques s’inscrit dans un contexte déjà particulièrement tendu où ces institutions font déjà face à l’accroissement de la gestion de fortune « onshore » et la fin du secret bancaire.

D’un point de vue macroéconomique, selon la banque UBS, le taux de croissance de l’économie suisse devrait se situer à 0,5% en 2015 contre une estimation de 1,8% avant la décision de la BNS.

Les taux d’intérêts négatifs introduits dès le 15 janvier 2015 représentent la principale menace pesant sur la profitabilité des établissements financiers suisses. Ils compriment les marges, réduisent les possibilités d’investissements, menacent la rentabilité des rendements et conduisent à une baisse des encours sous gestion. Cette diminution se répercute alors directement sur les droits de garde ou les commissions des banques dont l’assiette de calcul se base sur le montant des actifs gérés. De plus, les recettes afférentes aux clients étrangers des banques suisses sont généralement calculées en dollars et en euros. Leur rapatriement et leur conversion en francs suisses affaiblissent la rentabilité des établissements et érodent la performance. La combinaison de ces deux phénomènes va conduire à une baisse de 5 à 20% des recettes, voire 30% pour les institutions les plus fragiles.

Quelle répercussion sur leurs clients ?

Face à ce « tsunami monétaire », les institutions suisses n’ont pas tardé à réagir. Avec un taux à -0,25%, les banquiers privés auraient dû verser en 2015 quelques 40 millions de CHF en intérêts négatifs, soit environ 7% de leurs bénéfices bruts et 25% de leurs profits nets. Avec un taux à -0,75%, il faut multiplier ces chiffres par trois. Le statut quo était intenable et tous les établissements ont imposé un taux d’intérêt négatif de 0,75% aux avoirs en compte de dépôts supérieurs à 100 000 CHF. Pour éviter la fuite des dépôts, la banques suisses précisent que seules les grandes entreprises cotées sont concernées et non pas les petites et moyennes entreprises ni la clientèle privée (surtout étrangère car par définition très volatile).

La Suisse se dirige-t-elle vers un changement de « business model » au sein de ses gestionnaires d’actifs et de ses banques privées ?

La litanie des conséquences peut faire peur : baisse des salaires, gel des embauches, plan de licenciement, érosion des marges, développement des investissements à l’étranger, externalisation d’activités. Dans tous les cas, il faut s’attendre à de nombreuses réductions de coûts au niveau des activités de back-office notamment par le recours à des externalisations y compris intragroupe vers l’étranger. Le front office ne sera pas en reste avec une baisse significative des bonus et la réduction des équipes commerciales. Ainsi le spécialiste de la banque privée Julius Baer a annoncé le lancement d’un vaste programme de réduction des coûts d’environ 100 millions CHF comprenant la suppression de 250 postes en Suisse sur un total de 5250 personnes au niveau mondial.

Si les grandes banques parviendront sans trop de difficultés à survivre à cette nouvelle donne économique et financière, les plus petites devront trouver des marchés de niche. A titre d’exemple, le nombre de banques privées a reculé de 182 à 139 entre 2005 et 2013, il est très possible que d’ici cinq ans, la Suisse ne compte plus qu’une centaine de banques privées.

 

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