La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les acteurs de la distribution ont fait de leurs expérimentations dans la livraison par drone un atout communication et laissent miroiter à leurs consommateurs un service innovant et accessible. Pourtant, de nombreuses limites complexifient sa généralisation à l’échelle nationale.
Science-fiction il y a encore quelques années, la livraison par drones est en passe de devenir une réalité. De nombreux acteurs de la distribution s’intéressent de près aux possibilités offertes par ces aéronefs, capables d’effectuer des distances de plusieurs kilomètres rapidement et à moindre coût. L’intérêt est d’autant plus important qu’il permettrait de répondre aux problématiques du « dernier kilomètre », point dur de la livraison car extrêmement coûteux (le prix unitaire du transport augmente à mesure que le produit se rapproche de son destinataire). L’utilisation de drones pour transporter les colis sur la dernière partie du trajet permettrait en particulier d’atteindre les destinations les plus isolées ou difficiles d’accès, pour lesquelles la livraison par une personne est trop chère ou trop compliquée.
Il faudra certainement encore plusieurs années avant que les drones de livraison deviennent des objets du quotidien, pour des raisons techniques, légales, sociales. Cependant, les entreprises mènent d’ores et déjà des expérimentations en la matière. Tour d’horizon des principales avancées…
Que ce soit aux Etats-Unis, en Chine, ou en Europe, plusieurs grandes entreprises sont dans les starting-blocks et préparent le moment où des évolutions de réglementation rendront possible les livraisons de colis par drones.
Les multiples projets présentent des caractéristiques différentes, que ce soit en termes de cible (livraison à des particuliers, livraisons d’urgence, livraison dans les zones inaccessibles…), de modalité de livraisons (dépôt du colis sur le sol, en point de collecte, colis parachuté…), ou encore de caractéristiques techniques et capacités de livraison (autonomie, vitesse, charge supportée).
Enfin, ces projets sont portés par différents types d’acteurs : retailers, logisticiens, mais aussi acteurs technologiques.
- Sur le créneau depuis la naissance de cette idée, le géant américain Amazon possède un programme dédié à la livraison par les airs, Amazon Prime Air, qui travaille notamment sur un service rapide de livraison par drone. L’ambition est de pouvoir livrer le client en moins de 30 minutes, directement à son domicile, en posant le colis sur le sol. Une première livraison a été réussie en décembre 2016 près de Cambridge au Royaume Uni.
- JD.com opère quant à lui une flotte de 30 drones de livraisons dans des régions reculées de Chine. Le dépôt se fait sur une aire dédiée dans le village, où un livreur prend le relais et effectue la livraison. Mais l’entreprise souhaite encore élargir ses capacités de livraison, et entend opérer des drones capables de transporter une tonne de marchandises dans un rayon de 300km.
D’autres tests sont également en cours ou à leurs débuts chez des acteurs comme Cdiscount (projet Pelican), Walmart ; ou encore Domino Pizza, 7-eleven, Speedburger, qui ont fait appel à la startup Flirtey pour effectuer des livraisons pilotes.
- Depuis plusieurs années, l’Allemand DHL teste son Parcelcopter. Ici encore la livraison se fait par l’intermédiaire de stations de dépôt (SkyPort), mais avec la particularité d’être entièrement automatisée : l’insertion d’un colis dans la station déclenche la prise en charge par le drone, sans intervention humaine. Des essais ont été menés, et réussis, en 2014 (livraisons de médicaments sur une ile de mer du Nord), et en 2016 (livraisons en zone montagneuse sous diverses conditions météorologiques). Le drone en est aujourd’hui à sa version 3.0.
- UPS s’intéresse également à ce mode de livraison : en 2016, l’entreprise a aidé à financer le démarrage d’un projet au Rwanda. Les drones, fabriqués par la startup américaine Zipline, livrent des poches de sang à différentes cliniques, sur commande par SMS et après autorisation rapide d’accès à l’espace aérien.
UPS mène aussi ses propres expérimentations aux Etats-Unis, et a utilisé les drones de CyPhy Works pour effectuer des livraisons sur Children’s Island dans le Massachussetts en 2016. Enfin, l’entreprise travaille désormais sur le concept de drones lancés depuis un camion en mouvement, permettant ainsi d’effectuer une livraison aérienne pendant que le camion effectue une autre livraison (le camion et son drone HorseFly sont fournis par la société WorkHorse)
- En France, DPDgroup, filiale de La Poste, a obtenu en décembre 2016 d’expérimenter une ligne régulière de livraison par drone. Sur autorisation de la DGAC (direction générale de l'aviation civile), la Poste livre des colis une fois par semaine à une pépinière d’entreprises située dans une zone isolée du Var (trajet de 15 km sur un couloir aérien délimité). Les phases de décollage et d’atterrissage sont sécurisées grâce à un terminal de livraison, qui permet au client de retirer le colis.
La maison mère de Google, Alphabet Inc. n’est pas en reste puisque sa filiale X planche sur le projet Wing : son drone de livraison dépose le colis sur le sol, mais cette fois en le descendant à l’aide d’un treuil.
La livraison par drones se heurte à 3 catégories de freins :
- Technique
- Légale
- Sociale
Du point de vue technique, tout d’abord, le drone de livraison doit être autonome. Paradoxalement, c’est sans doute ce point qui posera le moins de problèmes aux logisticiens. La preuve en est que nombreux sont ceux qui ont démontré la fiabilité de leurs logiciels embarqués via les initiatives mentionnées ci-dessus.
Toutefois, le poids des colis embarqués et le rayon d’action des drones sont liés et contraints par les performances de la batterie. L’autonomie des drones commerciaux actuels est très limitée, ce qui définit un très faible rayon d’action puisqu’il faut prendre en compte le trajet du retour. Des solutions sont envisagées : Amazon innove, ce qui est devenu sa marque de fabrique, et a déposé des brevets pour plusieurs systèmes qui visent à réduire les consommations d’énergie des drones et augmenter leur portée.
A l’image de la solution de Zipline, la firme imagine de parachuter ses colis pour faire économiser au drone la phase d’atterrissage et de décollage, et de le rendre plus rapidement disponible pour la livraison suivante.
De son côté, IBM pense de son côté à un ingénieux système de transbordement du colis entre 2 drones en cours de vol. Le rayon de livraison possible autour de l’entrepôt s’en trouve donc doublé, voire illimité si l’on dispose de relais.
Amazon se positionne également sur les relais à drones en tant que précurseur avec ses « ruches », des immeubles d’où ils pourraient facilement atterrir et décoller. La firme de Seattle envisage même d’utiliser des ballons de type zeppelin qui pourraient être utilisés selon le besoin comme relais ou comme entrepôt mobile, pour couvrir par exemple rapidement un évènement sportif ou culturel.
En attendant de pouvoir mailler un territoire de relais, ou d’améliorer l’autonomie des batteries, d’autres acteurs ont testé des solutions intermédiaires, comme le fourgon d’UPS qui embarque les drones pour optimiser des tournées classiques.
Les deux dernières difficultés techniques sont liées. Il s’agit de maitriser l’atterrissage du drone et de sécuriser le colis. La principale valeur ajoutée du livreur est actuellement le dernier mètre : le trajet entre le camion de livraison et la délivrance en main propre du colis, ou son dépôt dans une boite aux lettres. Dans leur niveau actuel de développement, les drones se déchargent de leur colis dans un jardin. Afin d’éviter les dangers d’un atterrissage risqué pour le drone et le client qui attend son colis, nous avons vu plus haut la solution de Flirtey et un système de treuil.
Toutefois, ce procédé n’est pas adapté à la desserte de zones urbaines denses. En agglomération, la solution qui se dessine est de créer des consignes disposant d’une zone d’atterrissage sur leur toit pour réceptionner les colis et les stocker, comme les solutions La Poste ou Skyport évoquées plus haut. Le destinataire peut venir récupérer son colis en s’identifiant sur la consigne automatique. Sur ce terrain, le drone est concurrencé par les robots coursiers de Starship, Marble ou dispatch. Ces robots livreurs, plus robustes, présentent l’avantage d’amener le colis directement au pied de l’immeuble du client, lui évitant de se déplacer jusqu’à la consigne.
La législation française a établi une distinction entre les drones selon leur usage. Dans le cas d’une activité commerciale, elle impose des contraintes :
- Au pilote : il doit suivre un cursus de formation qui aboutit à la délivrance d’un brevet théorique de pilote, d’une déclaration de niveau de compétence, et suivant les cas, d’une licence.
- À l’aéronef : ils doivent disposer d’une attestation de conception, d’une marque d’identification s’il pèse plus de 25kg, et d’un livret d’entretien à jour.
- À l’activité : la déclaration de l’activité doit être renouvelée tous les 2 ans auprès des autorités compétentes, et tenue à jour dans un manuel d’activité. Une assurance est également obligatoire
- Et éventuellement à chaque mission : obtenir les autorisations de vol auprès des autorités compétentes.
Toutefois, ce cadre légal n’inclut pas encore d’activités « autonomes » autre que les aérostats captifs (ballons en vol stationnaire reliés au sol par un câble). Il est également beaucoup plus restrictif dans d’autres pays où les drones doivent rester à portée de vue de son pilote par exemple.
La problématique de gestion du trafic aérien qui doit être intégrée dans l’intelligence des systèmes de pilotage n’est également que très peu traitée. C’est précisément l’objet du centre de recherche d’Amazon en France.
Ainsi, les drones restent-ils pour l’instant un phénomène marginal dans le paysage logistique.
Une fois la fiabilité des systèmes démontrée, un travail non négligeable reste alors à mener sur l’opinion publique pour une bonne acceptation du service. A ce jour, en plus d’être accusé de représenter une menace pour l’emploi, de nombreuses critiques émanent concernant les risques de piratage, d’interception de colis, de chute de drones, etc.
En ce sens, il n’est pas innocent de voir que beaucoup de tests se font en premier lieu pour des raisons d’urgence médicale : livraisons de médicaments, de poches de sang, etc. L’urgence et le besoin imposent une bienveillance à la fois des autorités et du grand public vis-à-vis de la solution.
Cependant, au vu des investissements réalisés, nul doute que ce service est appelé à prendre de l’ampleur à moyen terme.