La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La 5G tient plus d’une révolution que d’une évolution et apporte des innovations plus ambitieuses que les précédentes générations. Outre la fourniture de meilleurs débits, la 5G s’attaque au monde du tout connecté – voitures autonomes et IoT notamment – et à la saturation annoncée du spectre.
2G, 3G, 4G, les évolutions technologiques dans les réseaux mobiles se sont succédées répondant ou permettant l’émergence de besoins croissants des utilisateurs en termes de débits, de capacité et de consommation de données.
A l’heure du streaming vidéo en très haute qualité (4K et bientôt 8K) et du multi-écrans, la 5G semble s’inscrire dans la continuité des standards précédents, répondant ainsi à ces besoins de plus en plus gourmands en capacité réseau.
En réalité, la 5G tient plus d’une révolution que d’une évolution et apporte des innovations bien plus ambitieuses et larges que les précédentes générations. En effet, outre la fourniture de meilleurs débits aux utilisateurs, la 5G s’attaque au monde du tout connecté – voitures autonomes et IoT notamment – et à la saturation annoncée du spectre.
Le paysage technologique est en pleine mutation et ne se cantonne plus aux utilisations classiques de la data. De nouvelles technologies et de nouveaux usages font progressivement leur apparition et leurs besoins en connectivité dépassent la simple notion de débit. Réalité virtuelle, cloud computing, véhicules autonomes, télé-chirurgie ou encore Internet des Objets, ces nouvelles avancées technologiques soulèvent de nombreux défis pour les opérateurs télécoms - que la 4G+ ne peut adresser seule.
Ces applications ont des besoins en connectivité bien différents : alors que la réalité virtuelle requiert une grande bande passante pour offrir une bonne expérience utilisateur, les communications entre véhicules autonomes doivent quant à elles être absolument fiables et quasi-instantanées pour pouvoir être en mesure de mitiger les risques d’accidents de circulation. Pour sa part, l’IoT (Internet of Things) nécessite un réseau capable de communiquer simultanément avec un grand nombre d’objets, tout en consommant très peu d’énergie pour assurer une grande durée de vie des batteries.
Pour satisfaire ces besoins hétérogènes, trois principales catégories de performances à atteindre pour la 5G ont été définies par l’UIT [i] :
eMBB : enhanced Mobile BroadBand, répondant à des besoins de très haut débit
URLLC : Ultra Reliable Low Latency Communications, adressant les besoins de connexion ultra rapides et fiables
mMTC : massive Machine Type Communications, qui concerne les communications liées aux objets connectés.
Comme décrit sur le schéma ci-dessus, les standards de télécommunications sont développés pour atteindre des niveaux de performances fixés par l’UIT. Trouver les technologies qui permettront d’y arriver requiert un long travail de recherche, mené conjointement par des chercheurs, équipementiers, opérateurs et institutions internationales.
Après trois années, ce travail de standardisation vient d’être finalisé pour l’eMBB et l’URLLC en vue d’un premier déploiement commercial (lors de la release 15 du 3GPP [iii] de juin 2018). Pour le mMTC, il faudra attendre la release 16 prévue fin 2019 pour avoir des spécifications associées à des niveaux de performances satisfaisants.
Les formes d’onde et les techniques d’accès aux ressources réseau sont deux aspects fondamentaux des communications numériques. Ils déterminent la manière avec laquelle l’information est transmise et comment la ressource radio est partagée entre les utilisateurs. En 2G par exemple, la ressource radio est distribuée à la fois en fréquence et en temps : une bande de fréquence de 25 MHz est divisée en 124 canaux de 200 KHz chacun. Ensuite, 8 utilisateurs se partagent à tour de rôle un même canal pendant la durée de leur connexion.
Pour des raisons d’amélioration de débit, la 4G avait adopté le CP-OFDM [ii] (Cyclic Prefix-Orthogonal Frequency Division Multiplexing) comme forme d’onde, qui consiste à diviser la bande de fréquence utilisée en plusieurs bandes de plus petites tailles, appelées sous-porteuses, et à répartir l’ensemble du signal à transmettre sur chacune de ces sous-porteuses. Pour une même largeur de spectre, le CP-OFDM permet d’obtenir de meilleurs débits que les formes d’ondes des générations précédentes, et est robuste vis-à-vis des perturbations radio, notamment celles apportées par les interférences entre symboles transmis (grâce au préfixe cyclique introduit), et celles dues aux trajets multiples que peut prendre un signal avant d’atteindre le récepteur. La 5G NR se basera également sur le CP-OFDM pour les communications descendantes (entre la station de base et le terminal), mais aura recours à différentes variantes pour adresser plus spécifiquement les besoins de chacune des grandes familles d’applications pour les communications montantes (entre le terminal et la station de base) [ii]. Pour l’IoT notamment, d’autres formes d’ondes basées sur une unique porteuse donc moins énergivores sont envisagées pour les communications montantes, étant donné que l’objectif principal recherché est moins celui du haut débit que de communications frugales et ponctuelles. [ii]
Par ailleurs, si les ressources radio étaient pour le LTE partagées entre utilisateurs en temps et en fréquence (Multiplexage OFDMA), deux utilisateurs pourront utiliser les mêmes fréquences au même moment avec la 5G NR (5G New Radio, nom donné au nouveau standard 5G). [ii] Appelé NOMA (Non Orthogonal Multiple Access), ce mode d’accès radio se base sur la différence de puissance du signal transmis aux mêmes fréquences pour pouvoir décodé par les utilisateurs. Le message destiné à l’utilisateur ayant un mauvais rapport signal/bruit est envoyé avec une grande puissance, tandis que celui destiné à l’utilisateur avec un bon rapport signal/bruit est envoyé avec une puissance plus faible. La somme des signaux arrive à chacun des récepteurs, qui commencent alors par décoder le signal de plus haute puissance à l’aide de l’estimation de leur matrice de canal (la matrice de canal quantifie les conditions radio de chacun des utilisateurs et est obtenue lors de la connexion à la station de base). Le décodage se fait successivement jusqu’à obtenir le signal qui est destiné au bon utilisateur (les différences de puissance font en sorte qu’à une certaine étape du décodage, le reste du signal, destiné à d’autres utilisateurs, est vu comme un bruit et n’est donc pas pris en compte).
A noter qu’en 3G déjà, le CDMA (Code Duplexing Multiple Access) permettait aux utilisateurs d’utiliser les mêmes fréquences au même moment grâce à une « clé unique » attribuée à chacun des utilisateurs. Cette technique n’est pas applicable aux fréquences prévues pour la 5G car le codage du signal nécessite une fréquence 10 fois supérieure à celle du signal, ce qui se heurte à des limitations matérielles.
Les communications numériques utilisent des bandes de fréquence, pour transmettre les données. Chaque bande de fréquence dispose de propriétés « physiques » différentes : plus la bande de fréquence est élevée, plus le débit de données sera élevé. Par contre, plus la fréquence est élevée, plus la portée du signal est réduite – la puissance nécessaire à la transmission augmente avec la fréquence – et plus le signal est complexe à traiter.
Comme la 5G adresse des besoins bien plus larges, les acteurs envisagent d’élargir le spectre actuellement utilisé par les opérateurs télécoms.
Ainsi, la bande 700 MHz est considérée pour ses propriétés intéressantes pour l’IoT [ii] : moins d’énergie requise et une plus longue portée. Par ailleurs, de par ses propriétés physiques, cette bande de fréquence sera également très utile dans les zones peu denses pour les usages classiques de données mobiles (à l’instar de la bande 800 MHz actuellement en 4G).
Pour le haut du spectre, la bande pressentie pour illustrer au mieux la diversité des cas d’usages adressés par la 5G en Europe est celle des 3400-3800 MHz [ii], car considérée comme offrant un bon compromis entre portée et débit, et permettant de répondre à différentes typologies de besoins. La plupart des efforts sont donc concentrés sur cette bande, notamment à horizon 2020 où les premières solutions commerciales sont censées être déployées.
Enfin, des bandes situées plus haut dans le spectre (au-delà des 6 GHz) sont aussi à l’étude [ii]. Appelées bandes millimétriques, elles offrent un potentiel important pour atteindre de très hauts débits, supérieurs à 20 Gbits/s. Elles souffrent cependant d’une très forte sensibilité aux obstacles et d’une faible portée. Ces freins peuvent cependant être limités en utilisant du massive MIMO et du beamforming (voir paragraphe suivant). Par ailleurs, si la 4G n’aurait pas permis d’utiliser ces bandes millimétriques à leur plein potentiel, la 5G NR apporte une nouvelle innovation technique qui permet d’y arriver. En effet, il est maintenant possible de modifier l’écart en fréquence entre les sous-porteuses utilisées en CP-OFDM, en fonction de la bande de fréquence opérée [ii]. Auparavant fixé à 15 kHz pour la 4G, car en adéquation avec des bandes de 5 MHz de largeur, cet écart entre sous-porteuses aurait induit une complexité trop élevée pour traiter le signal, étant donné que les bandes millimétriques considérées sont bien plus larges sur ces fréquences.
L’utilisation de bandes couvrant à la fois le bas et le haut du spectre sera à la base d’une fonctionnalité essentielle de la 5G : le Network Slicing. Cette spécificité de la 5G consiste à créer au-dessus d’une architecture physique commune, des réseaux virtuels qui seront chargés de répondre aux différents cas d’usage. La gestion de ces réseaux sera dynamique, allouant les capacités réseaux en fonction des besoins, et ce en temps-réel, et pouvant basculer d’une bande de fréquence à une autre au gré des évolutions des besoins des utilisateurs [ii]. Cette innovation est possible grâce à deux innovations majeures des télécoms : le SDN [iv] et le NFV [v], à la base de la virtualisation des réseaux.
Le MIMO (Multiple-Input Multiple-Output) est une technologie que l’on retrouve déjà en LTE (ou 4G+). Elle consiste à accroître à la fois la portée de transmission et la quantité de données transmises à un récepteur pendant le même laps de temps en augmentant le nombre d’antennes émettrices et réceptrices. Actuellement limité à 4 antennes en émission et 4 en réception pour des raisons techniques et de spectre (les bandes de fréquence utilisées en LTE imposent des contraintes et limitations techniques de conception au niveau des terminaux), le massive MIMO considéré pour la 5G pourra atteindre les 256 antennes utilisées simultanément [ii]. Couplé à du beamforming, correspondant au fait de diriger intelligemment des faisceaux de signaux en tenant compte des obstacles, de sorte à diminuer les interférences (notamment dans le cadre de communications directes entre machines), le massive MIMO permettra d’améliorer les débits, l’efficacité spectrale et l’efficacité énergétique des réseaux de télécommunications.
Les Small Cells sont une technologie, déjà existante mais déployée à petite échelle, qui consiste à implémenter dans toutes sortes de zones urbaines (stations de bus, lampadaires, panneaux publicitaires…) des antennes pouvant émettre de la donnée à très haut débit et à courte portée (en émettant principalement dans les bandes millimétriques). Servant à soutenir les stations de base qui couvrent de grandes zones en data mais peu efficaces pour communiquer dans des endroits en indoor ou trop denses en termes d’utilisateurs, les Small Cells seront un complément pour améliorer l’efficacité des communications dans ces zones. De ce fait, les Small Cells aideront à atteindre l’objectif de multiplier par 100 la capacité du réseau en termes de trafic et permettront par exemple de fournir du très haut débit à un stade de football, chose impensable aujourd’hui.
Les besoins de l’IoT sont spécifiques et assez antagonistes de tout ce qui a pu se faire en termes d’évolution des réseaux mobiles. Si chaque génération a apporté une amélioration de débit, au prix d’une consommation énergétique plus élevée, la 5G souhaite sur ce point adresser des besoins opposés : moins de débit avec une consommation énergétique la plus faible possible, tout en augmentant la capacité à adresser un plus grand nombre d’objets.
Ce sont sur ces critères que sont apparues les solutions LPWA (Low Power Wide Area, pour basse consommation et longue portée). Ces technologies prennent une part grandissante du marché de la connectivité des objets connectés, grignotant des parts de marché au « M2M ». En France, elles sont notamment représentées par Sigfox, développée par la start-up toulousaine éponyme, et la technologie LoRa promue par Orange ou Objenious, filiale de Bouygues Télécom dédiée aux objets connectés. Ces technologies ont les défauts de leurs avantages : leur frugalité énergétique et réseau les empêchent de répondre à des besoins plus élevés en débits comme l’envoi d’image ou des besoins de connectivité sans latence.
En réaction à l’émergence des technologies LPWA, le 3GPP a formalisé dès 2016 lors de sa 13ème publication (ou release 13) [ii] deux nouveaux standards permettant d’adresser les besoins de l’IoT, capitalisant sur les technologies des réseaux mobiles GSM et LTE, et ayant pour objectif de s’imposer comme références. Dénommées NB-IoT (pour NarrowBand-IoT) et LTE-M (ou eMTC, pour enhanced Machine-Type Communications), ces deux technologies sont complémentaires. La première est en concurrence directe avec Sigfox et LoRa, car étant peu énergivore, adressant un grand nombre d’objets connectés, et offrant des débits limités (<100 kbits/s). Pour sa part, le LTE-M adresse une autre catégorie d’objets connectés, nécessitant des temps de latence plus faibles, une mobilité et criticité plus élevées et des communications plus denses (systèmes de sécurité, e-santé, tracking d’objets…). Au prix d’une consommation énergétique plus élevée mais toutefois plus limitée que les technologies cellulaires classiques (2G, 4G), le LTE-M permet de garantir des débits avoisinant le Mb/s [ii]. La spécificité de ces deux standards est d’utiliser des bandes de fréquence de faible largeur, dites étroites, qui sont responsables des faibles débits atteignables (200 kHz pour le NB-IoT et 1,4 MHz pour le LTE-M, à comparer avec la 4G qui utilise des largeurs de bande entre 5 et 20 MHz) [ii].
LTE-M et NB-IoT seront intégrées au standard 5G NR : en faisant dans un premier lieu en sorte que l’architecture réseau 5G permettre une interopérabilité avec les deux technologies, puis en intégrant dans un second temps les transmissions radio du LTE-M et du NB-IoT dans des bandes de fréquence 5G [ii]. N’étant pour l’heure pas à même d’atteindre les niveaux de performances définis par l’UIT, les deux technologies seront toutefois réexploitées et améliorées pour atteindre les niveaux requis, notamment multiplier par 10 l’efficacité énergétique des réseaux, adresser 10 fois plus d’objets au km² et atteindre 10 à 15 ans de durée de vie pour les batteries [ii].
Pour le moment, aucun consensus n’a encore été trouvé quant aux améliorations à mettre en place pour répondre aux besoins de l’IoT. Cependant certaines pistes sont explorées par de nombreux industriels. Qualcomm a par exemple proposé d’utiliser pour ces besoins des bandes de spectre libres, notamment dans les 3,5 GHz et qui permettront d’accroître les débits pour le LTE-M. [ii] Le multi-hop mesh est également investigué et consiste à permettre aux objets de réaliser le rôle de passerelles, pour transporter l’information de la station de base à des objets hors de portée de celle-ci. Le multi-hop mesh optimise également la consommation énergétique de l’ensemble du réseau. [ii] Par ailleurs, les modalités de communications montantes, c’est-à-dire dans le sens de l’objet à la station de base, sont également à l’étude. Qualcomm a développé un nouveau schéma de communications, baptisé RSMA (Resource Spread Multiple Access), qui fait fi de la nécessité de planifier les communications entre les différents objets pour éviter les contentieux, en leur permettant de transmettre la donnée au moment-même où ils en expriment le besoin. [ii] Compatible avec des communications ponctuelles et peu volumineuses, le RSMA permet d’augmenter l’efficacité énergétique (moins de temps d’attente et messages plus courts car éliminant les éléments liés à la planification du réseau), et d’accroître la densité des nœuds du réseau (la planification impose un nombre restreint d’objets aptes à communiquer). Enfin, actuellement parmi les points faibles des deux technologies, les objets sont amenés à communiquer à intervalles réguliers à des fins de synchronisation réseau. Pour l’heure très réguliers : au moins toutes les 3 secondes entre l’objet et le réseau pour obtenir des informations sur son état et savoir si des messages lui sont destinés, cet intervalle pourrait être largement revu à la hausse (jusqu’à 40 minutes) [ii] dans le cas d’applications qui n’en ont pas le besoin, à l’instar de celles qui transmettent à des moments précis et cadencés (compteurs connectés, tracking d’objets…) et ainsi économiser de précieuses réserves d’énergie.
Poussées par de grands acteurs industriels comme Intel, Nokia, Ericsson ou encore Huawei, et dotés de plusieurs avantages, les technologies LTE-M et NB-IoT, et plus largement la 5G pour l’IoT, devraient se faire une place dans le paysage des technologies de connectivité pour l’IoT.
Avant que la 5G ne soit une réalité et ne dispose d’un écosystème large d’appareils comme la 4G aujourd’hui, il reste encore de nombreux défis et chantiers à accomplir. En effet, il faudra encore quelques années pour que soient réalisés la finalisation des spécifications, la mise à jour et le déploiement des éléments réseaux et enfin l’adoption par le grand public et les industriels des appareils 5G.
Néanmoins, plus de 70 opérateurs dans le monde ont déjà lancé des tests sur la 5G et certains prévoient des déploiements et des premiers lancements commerciaux pour 2019. Les opérateurs américains et asiatiques sont très actifs et cherchent à être les premiers à proposer une offre. En France, le président de l’ARCEP a donné son feu vert en début d’année 2018 pour autoriser les opérateurs et équipementiers à réaliser des tests sur les bandes de fréquence 3,5 GHz, et Orange, SFR et Bouygues Telecom ont d’ores et déjà effectué leurs premiers essais. De plus, le 16 juillet dernier, Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique ont présenté la feuille de route de la 5G pour le pays avec pour 2019 la libéralisation de certaines fréquences, 2020 l’attribution de fréquences 5G et la commercialisation d’une offre dans au moins une grande ville française et la couverture des principaux axes de transport pour 2025 (pour les besoins des véhicules autonomes notamment).