La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La méthode choisie par les chambres de compensation européenne pourrait être un véritable accélérateur pour la liquidité du marché dérivé en €STR, condition sine qua none à l’adoption du nouvel index.
Comme il a été souligné lors de la première partie de notre saga sur la transition IBOR, là où la zone euro faisait preuve d’un certain retard lors du début du processus de transition vers les index monétaires, la méthode choisie par les chambres de compensation européenne pourrait être un véritable accélérateur pour la liquidité du marché dérivé en €STR, condition sine qua none à l’adoption du nouvel index. Ce n’est pas le cas pour toutes les devises. En ce qui concerne les dérivés en dollar, le taux utilisé actuellement par les chambres de compensation pour le discounting et la rémunération du collatéral est le Fed Fund (sauf pour CME qui utilise déjà le SOFR pour les produits dérivés SOFR). La transition vers le SOFR (nouveau taux sans risque et futur remplaçant du LIBOR USD) s’annonce plus compliquée.
La méthodologie de changement de courbe de discounting se présente comme plus complexe de l’autre côté de l’Atlantique. LCH et CME, les deux principales chambres de compensation, ont mené des consultations demandant à leurs principaux clients de se prononcer pour une méthode de transition des taux d’actualisation et de rémunération du collatéral la plus adaptée. Un consensus semble se dégager vers une transition « one shot » ou « big bang » où le taux d’actualisation (et de la rémunération du collatéral) des flux de l’ensemble des dérivés compensés en dollar basculerait du Fed Funds au SOFR. Il y a également une volonté de place de s’assurer de la coordination des différentes chambres de compensation dans leur processus de bascule afin de garantir une transition efficiente.
L’échelle du changement est massive, bien que les taux utilisés dans les swaps ne changent pas, la modification des taux d’actualisation et de rémunération du collatéral a un impact direct sur la valeur de marché du produit dérivé, ainsi que sur l’exposition de l’entité qui réalise le swap. La relation entre SOFR et Fed Funds n’est pas « fixée », contrairement à l’EONIA et l’€STR, ce qui empêche une résolution d’un éventuel transfert de valeur par une simple compensation en cash et nécessite la mise en place d’une solution plus poussée.
En effet, si la mise en place d’une compensation liquide permet de rétablir l’équilibre initial au moment de la transition entre SOFR et EFFR, le profil de risque est altéré. L’exposition liée à l’actualisation en Fed Funds devient une exposition en SOFR. L’objectif annoncé des deux principales chambres de compensation est de palier à cette altération par la mise en place de swap de base SOFR – EFFR. Ces swaps permettraient aux membres des chambres de compensations de retrouver leur profil de risque initial – pré-transition, en Fed Fund.
La possibilité d’une méthodologie de compensation s’appuyant uniquement sur des swaps de base n’est cependant pas celle qui semble être privilégiée par les deux chambres. La tarification de ces swaps peut entrainer un transfert de valeur en fonction du spread choisi au moment de la transition. LCH et CME ont aussi relevé que ces swaps ne seront utiles qu’aux membres qui couvrent systématiquement les risques liés à l’actualisation et à la rémunération du collatéral, la compensation en cash restera l’option idéale pour les autres. Les deux chambres semblent donc s’accorder sur la nécessité d’une méthode de compensation composite entre swap et cash.
Si CME a rejoint récemment LCH sur la date annoncée (17 Octobre 2020) de la transition vers le SOFR comme taux d’actualisation et de rémunération du collatéral, il reste de nombreuses divergences méthodologiques concernant la marche à suivre. LCH prévoit de mettre en place un procédé d’enchères pour ses membres (les modalités sont encore en cours de discussion) afin de définir la tarification des swaps de compensation, ce procédé est similaire à celui utilisé en cas de défaut d’un membre dans l’objectif de réattribuer son portefeuille de produits dérivés. De l’autre côté CME veut utiliser les prix de marché pour définir les spreads des swaps de compensations. La seconde hétérogénéité méthodologique concerne les clients ne désirant pas recevoir de swaps de compensation. CME prévoit de fournir à l’ensemble des membres concernés des swaps de bases et de leur offrir par la suite la possibilité de se décharger de ces positions sur le marché ou via un processus d’enchère. LCH, de son côté, permettrait à certains de ses clients d’éviter d’entrer dans ces swaps de compensation en ne choisissant uniquement qu’une compensation directe et liquide. Les détails procéduraux restent encore à définir et le positionnement de chaque chambre présente des avantages et des inconvénients.
Un système d’enchère permettrait de dépasser un manque de liquidité éventuel sur le marché au moment de la transition mais pourrait aussi être déséquilibré si la demande et l’offre sont différentes (c’est-à-dire sile nombre de participants « long » et « short » n’est pas similaire). Il semble cependant évident que les acteurs de marchés bénéficieraient grandement d’une convergence des méthodologies de compensation afin d’assurer une transition plus fluide. L’alignement des dates de transition des deux chambres de compensation laisse penser que d’autres rapprochements possibles sont à venir.
Les contours de la transition entre le Fed Fund et le SOFR pour l’actualisation et la rémunération du collatéral restent partiellement à définir. Cette étape est cruciale dans le cadre plus global de la transition vers les nouveaux indices, en particulier dans la création d’une liquidité robuste sur le marché des dérivés en SOFR. Tout comme la transition entre l’EONIA et l’€STR, une coordination des acteurs de marchés et des chambres de compensation est indispensable afin de minimiser les risques opérationnels.