La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le future du marche du conseil
La robotisation est très spectaculaire dans sa version physique, des simples jouets pour enfants aux robots dans les usines ou dans les hôpitaux. Mais le paysage de l’intelligence artificielle n’a plus rien à voir avec les robots des usines automobiles japonaises des années 80. En réalité, son développement est déjà plus impactant dans sa version souterraine, purement algorithmique et logicielle. Nous sommes passés des tâches manuelles aux démarches intellectuelles. Du corps au cerveau. Un point de rupture a été franchi en 2012, avec l’émergence du machine learning : il permet aux « automates » de s’améliorer en développant par eux-mêmes une capacité cognitive. Cette révolution impactera tous les métiers intellectuels : des avocats aux médecins en passant par…les journalistes, tous doivent repenser leur manière de travailler et les services qu’ils offrent à leurs clients.
Pour l’industrie du conseil, cette révolution est double : vis-à-vis de ses clients et en interne. Les consultants jouent déjà un rôle-clé dans la transformation digitale de leurs clients. Ils se situent au cœur de la transition cognitive par la conception et l’accompagnement de programmes d’intelligence artificielle. Ils doivent donc concevoir des programmes d’IA au service de leurs clients et, en même temps, accompagner le déploiement de l’IA au sein même de leur métier. En un mot, changer leur propre modèle.
Pourquoi ?
Tout d’abord, parce que le marché du conseil devient de plus en plus analytics-driven. Les consultants doivent identifier et donner du sens à des sources de données plus nombreuses mais non structurées. Celles-ci sont et seront de plus en plus disponibles sur Internet ou au travers des réseaux sociaux. La montée en puissance programmée de l’open data ouvre des champs quasi illimités avec l’évolution des régulations : celles-ci obligeront toujours plus d’activités – publiques, parapubliques ou privées – à rendre disponibles des données et à permettre de les agréger et de les traiter. Les acteurs du conseil, s’ils savent s’organiser, seront les mieux placés pour en tirer profit.
Ensuite, parce que les meilleurs consultants de demain seront ceux qui ont la capacité à sélectionner les potentialités les plus pertinentes pour leurs clients. Ils seront alors légitimes pour accompagner leurs clients dans l’industrialisation de ces approches et dans leur déploiement. Mais plus que la maîtrise de ces technologies et de leurs dimensions scientifiques, c’est la pertinence des usages qui sera décisive et la mission essentielle des consultants consistera à guider leurs clients en multipliant les propositions de cas d’usage.
Ces démarches peuvent être classées en quatre grandes catégories : l’Optimisation, l’Augmentation, la Prédiction et l’aide à la prise de Décision.
L’Optimisation est la face émergée de l’iceberg. Elle repose sur le potentiel d’automatisation d’un grand nombre de tâches. Elle provoque une angoisse sur l’emploi car c’est là que s’observent des gains de productivité parfois très élevés, bien loin des process classiques d’amélioration continue.
L’Augmentation, c’est l’inverse. Elle permet d’enrichir et d’innover. Elle propose de nouveaux produits et services, aujourd’hui non disponibles ou trop coûteux sans application d’intelligence artificielle. C’est bien un processus fondamentalement créatif qui peut créer des emplois. Les assureurs peuvent aujourd’hui mieux guider leurs clients en les accompagnant vers une conduite apaisée ou en les protégeant davantage sur les risques de cambriolage.
La Prédiction relevait hier encore de la science-fiction, vision Minority Report. Pourtant, il s’agit maintenant de cas concrets, ancrés dans les comportements et les évènements du quotidien. On peut mieux qualifier individuellement les risques de départ des clients. On anticipe des intentions de déménagement au service des commerçants ou de l’aménagement des villes et de ses services futurs. Les sociétés de carte bancaire peuvent prédire les divorces et les étapes clés de la vie des clients en observant les données de paiement. Les fournisseurs d’électricité intègrent la prévision météo dans les a production ou la consommation d’électricité. Les cas de fraude s’anticipent et pourraient aider une révolution de l’assurance-chômage. Il s’agit d’une multitude de cas d’usage dont la maîtrise peut conférer un avantage compétitif majeur.
Enfin, l’évolution de l’aide à la prise de Décision permet d’agir - à la fois au quotidien et dans une planification à moyen terme - sur la base d’analyses de corrélation et de scoring. Ce n’est plus un outil réservé au management, il peut être largement partagé au sein des entreprises. Dans une version sophistiquée - mais déjà existante - l’intelligence artificielle peut prédire les émotions pour améliorer le service client et lui permettre de mieux gérer des clients mécontents. .
L’industrie du conseil doit donc opérer sa propre révolution cognitive, sans avoir peur d’un avenir qui se révélera, j’en suis convaincu, infiniment plus prometteur que certains ne le craignent. A l’image de ce qui se passe dans l’industrie 4.0, il faut développer un Consulting 4.0. Les sociétés de conseil qui resteront à l’écart de cette révolution de l’intelligence deviendront de simples transmetteurs. Ceci ne pourra se réaliser qu’à deux conditions : investir dans le développement de programmes d’IA et diversifier les profils de recrutement en arrimant massivement les Data Scientists aux équipes existantes. Plusieurs scénarios de pénétration de l’IA dans le métier de consultant sont possibles : du simple support à la substitution, en passant par le scénario le plus probable, la collaboration. Avec des variantes : du développement des plateformes industrialisées mises à disposition des entreprises clientes à la constitution d’« usines de cas d’usage » proposées par des consultants experts. La démarche commune consiste à concevoir et déployer des Consulting Bots qui ont vocation à devenir de véritables centres de profit, parfois de petite taille. D’ici trois ans, ces activités pourraient représenter 10% du marché du consulting.
Une chose est certaine : le métier de consultant est aujourd’hui radicalement différent de celui que j’ai connu quand j’ai créé Sia Partners il y a 18 ans. D’ici 3 ans, nous serons plus de 1.500 consultants, toujours en croissance et en même temps, nous aurons développé une centaine de consulting bots. Aucun consultant ne travaillera sans une boite à outils basée sur l’intelligence artificielle. Il faut développer des « consultants augmentés ». Ne plus raisonner en intelligence artificielle (contre intelligence humaine) mais en intelligence augmentée.