La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La distribution des produits bancaires reste en France principalement à la main des acteurs traditionnels du marché.
La France possède en effet le 4e réseau bancaire parmi les 27 pays membres de l'UE et se place au 7ème rang pour la densité de son réseau d'agences avec environ 600 pour 1 million d'habitants. Pour autant, le recours à des intermédiaires progresse à l'instar des courtiers en prêt immobilier, avec une croissance annuelle supérieure à 10%. Cette évolution des modes de commercialisation pourrait bien s'amplifier du fait de la récente mise en place du statut d'IOBSP et de la professionnalisation du secteur qu'elle induit...
Les produits et services bancaires peuvent être distribués en propre par les acteurs bancaires qui les « fabriquent », mais également par certains intermédiaires, non titulaires du statut d'établissement de crédit (ni de celui d'établissement de paiement). Depuis la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, ceux-ci sont regroupés sous le terme d'Intermédiaires en Opérations Bancaires et Services de Paiement (IOBSP).
Cette notion s'applique à « toute personne physique ou morale qui, à titre habituel, contre rémunération ou toute autre forme d'avantage économique, présente, propose ou aide à la conclusion des opérations de banque ou de services de paiement, ou effectue tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation » (art. L. 519-1, I du CMF). Ce statut est assorti d'un certain nombre d'obligations visant à un meilleur encadrement de l'activité (inscription sur un registre unique tenu par l'Orias, justification d'honorabilité, de solvabilité et de capacité professionnelle).
Cette récente évolution réglementaire est liée à la publication de deux rapports (Delmas-Marsalet en 2005 et Deletré en 2009) qui ont mis en lumière la fragmentation de la réglementation et recommandé un renforcement des obligations des intermédiaires financiers (dans l'information et le conseil aux clients), ainsi qu'une harmonisation des différents statuts.
La France compte à ce jour environ 25 000 IOBSP immatriculés. Comment s'insèrent-ils dans le paysage bancaire ? Le décret d'application (paru au J.O. le 28 janvier 2012) de l'article 36 de la loi susmentionnée distingue quatre catégories d'IOBSP. Cette classification est utile pour appréhender les différents acteurs en présence :
Les IOBSP sont amenés à intervenir principalement sur la partie aval de la chaîne de valeur bancaire, à savoir la commercialisation de produits et services conçus et gérés par des établissements de crédit.
A ce jour, les banques françaises sont massivement propriétaires de leur réseau d'agences. Ainsi, elles supportent en direct l'ensemble des charges liées à la distribution (salaires, infrastructures, animation commerciale...) De plus, la commercialisation de services bancaires reste principalement cantonné à l'univers de l'agence traditionnel.
En fonction des enjeux auxquels elles vont être confrontées, les banques pourront « utiliser » différemment le statut d'IOBSP. Deux principaux cas d'utilisation peuvent ainsi être distingués : la création d'un réseau d'agences franchisées ou la distribution des produits bancaires via des enseignes non bancaires.
Dans le premier cas, la banque choisit de nouer des liens avec plusieurs entrepreneurs portant le statut d'IOBSP de façon à constituer un réseau d'agences franchisées. En fonction de ses orientations stratégiques, la banque pourra utiliser ce réseau de différentes façons. Premièrement, la mise en place d'un tel partenariat devrait permettre une diminution des coûts de distribution via une réduction du réseau en propre. Cette substitution devrait s'avérer avantageuse notamment dans les zones à faible densité de population où la rentabilité des agences est faible. Elle peut également permettre de toucher de nouvelles cibles géographiques en optimisant le maillage du territoire.
BNP-Paribas Fortis a ainsi réussi en Belgique, à l'aide des 350 agents indépendants affiliés, à faire de sa filiale Fintro l'une de ses meilleures vitrines commerciales. Celle-ci, devenue sa deuxième marque retail, possède désormais un portefeuille de 400 000 clients. Le recours à des entrepreneurs permet de plus de dynamiser les ventes en mettant en place des conditions de rémunération assurant la responsabilisation et la motivation des agents, et des structures plus souples notamment en termes d'horaires permettant de toucher une clientèle non captée par l'agence traditionnelle. Une autre option pour les banques pourrait être d'associer ce réseau à une autre marque, positionnée différemment. Les coûts devant être inférieurs à ceux d'un réseau classique, une marque « low cost » pourrait ainsi être créée en limitant le phénomène de cannibalisation du fait de l'existence de deux marques distinctes.
Dans le second cas, la banque pourrait distribuer ses produits dans des enseignes déjà existantes qui auraient acquis le statut d'IOBSP. Dans ce cas, il s'agit d'utiliser ces établissements comme des relais de croissance, ceux-ci permettant de multiplier les points de contact et surtout de capter d'autres populations que la clientèle habituelle de la banque. Ainsi, la distribution des produits bancaires dans des boutiques de téléphone mobile ou des supermarchés attirant une vaste clientèle permettrait d'accroître la force de frappe commerciale de la banque tout en limitant ses investissements. La différence majeure par rapport à la constitution d'un réseau d'agences franchisées réside dans le fait que ces enseignes n'auront pas pour cur de métier la distribution de produits bancaires. En revanche, elles sont bien implantées sur les territoires et possèdent déjà une clientèle bien établie.
La stratégie devra ainsi être élaborée en fonction des spécificités et des enjeux de l'acteur bancaire (expansion géographique, dotation en ressources humaines, positionnement,...) mais aussi des coûts identifiés (comparaison des coûts de production avec les coûts de transaction).
La mise en place d'une telle stratégie n'est pas neutre en termes de coûts et de risques. La mise en place de partenariats nécessite ainsi la réalisation de plusieurs étapes.
La première étape consiste en la recherche et la sélection du partenaire. Celle-ci est importante car, en cible, celui-ci effectuera les opérations pour le compte de la banque. Dans le cas où la banque constitue son propre réseau d'agences franchisées, les compétences et la motivation du partenaire seront primordiales. Si, en revanche, elle utilise des enseignes existantes, la notoriété et l'image du partenaire seront les principaux critères de sélection.
Un contrat devra être établi entre les deux parties permettant de préciser les rôles et responsabilités de chacun ainsi que le modèle de rémunération. Les textes sur les IOBSP ne permettent pas aujourd'hui de dégager une répartition claire des responsabilités. Seules des règles de bonne conduite sont énoncées dans le décret paru le 28 janvier 2012. La part de risque portée par chacune des parties devra être précisée, de même que le schéma délégataire à suivre pour les activités de crédit. Comme évoqué précédemment, la négociation, notamment sur le modèle de rémunération, sera également influencée par le poids de chacun des acteurs. Il est ainsi fort probable que le modèle de rémunération adopté pour le réseau d'agents franchisés sera différent de celui établi avec une grande enseigne nationale.
Des questions d'organisation devront également être réglées, notamment sur le degré d'intégration des systèmes d'information et les procédures à mettre en place. Afin de rendre les processus plus fluides entre le producteur et le distributeur et de garantir une plus grande réactivité, un partage des pratiques, des référentiels et des systèmes pourra s'avérer nécessaire. Cet alignement étant néanmoins coûteux, sa réalisation devra être examinée à la lueur des enjeux associés en identifiant les risques liés à la discontinuité du processus (satisfaction client, perte d'information, coûts des interfaces de communication,...). Plus la volumétrie de transactions sera importante entre les deux parties, plus les exigences d'intégration seront fortes. Mais les coûts seront d'autant plus élevés que les systèmes seront complexes. Il est ainsi à prévoir que cette intégration sera plus difficile à réaliser dans le cas d'enseignes existantes que lors de la mise en place d'un réseau d'agents franchisés.
Lors de la mise en place du partenariat, se posera également la question du transfert de compétences. La formation des distributeurs est d'autant plus importante que le statut d'IOBSP est désormais assorti d'une obligation de capacité professionnelle (fonction de la catégorie). Prenons l'exemple d'une banque qui s'allie avec un opérateur téléphonique pour la distribution d'un produit bancaire. Deux options pourront être envisagées : la formation des salariés de l'opérateur ou le détachement des salariés de la banque pour commercialiser les produits au sein des points de vente de l'opérateur téléphonique. Dans le cas du réseau d'agents franchisés, le recrutement de ces derniers devra notamment se baser sur leur qualification afin de limiter la problématique de montée en compétences.
Enfin, la relation avec les partenaires devra être pilotée. Des contrôles devront être mis en place ainsi que des indicateurs de performance. En effet, les partenaires distribueront les produits, diffuseront l'information commerciale, participeront à la conclusion d'opérations bancaires. Plus le nombre de partenaires sera important, plus le suivi et les contrôles à mettre en uvre seront complexes.
Chaque acteur devra ainsi suivre une démarche précise pour mettre en place le partenariat le plus adapté à ses spécificités et enjeux, et, plus important encore pour être en mesure de le piloter.
Si les possibilités de partenariat existent déjà aujourd'hui, elles restent principalement limitées à l'activité de courtage. Le développement commercial des acteurs bancaires est réalisé sur la base d'une croissance interne en s'appuyant notamment sur la multiplication des canaux. L'externalisation via le partenariat reste plutôt cantonnée aux activités de back-office (gestion du surendettement par exemple). Il est vrai que, concernant la distribution des produits et services bancaires, les barrières à l'entrée sont fortes, notamment du fait des exigences réglementaires.
Néanmoins, au vu des contraintes de coût, des réflexions menées actuellement sur le rôle de l'agence et des évolutions réglementaires concernant le statut d'IOBSP, pourquoi ne pas parier sur la mise en place de partenariats comme cela existe déjà dans le monde de l'assurance (avec les agents généraux) ou dans d'autres pays...