Aller au contenu principal

Le Stif : une alliance des collectivités d'Ile de France pour organiser le transport public

Parmi les 11,5 millions de Franciliens, peu savent ce qu'est vraiment le Stif, malgré les nombreuses campagnes publicitaires pour le faire connaître. Mais, derrière cet acronyme se cache un organisme qui gère la vie des utilisateurs du réseau de transport en commun en moyenne 58 minutes par jour.

Parmi les 11,5 millions de Franciliens, très peu savent ce qu'est vraiment le Stif, malgré les nombreuses campagnes publicitaires pour le faire connaître. Pourtant, derrière cet acronyme se cache un organisme qui gère la vie des utilisateurs du réseau de transport en commun en moyenne 58 minutes(1) par jour. Le Stif ou Syndicat des Transports en Ile de France est un organisme unique en France à la fois de par son mandat et de par son mode de gouvernance. Les projets d'évolution du transport francilien (à commencer par le Grand Paris) dépendant fortement du STIF, nous proposons ici un éclairage sur son mode de fonctionnement et ses pouvoirs.

70 ans d'histoire de l'organisation des transports franciliens

Dans les années 30, face à un phénomène de densification urbaine grandissant, l'Etat Français décide de centraliser l'organisation des transports collectifs de voyageurs en Ile de France. Le 12 novembre 1938 nait le Comité des Transports Parisiens (CTP) majoritairement contrôlé par l'Etat ; c'est le point de départ d'une organisation qui n'a depuis eu de cesse d'évoluer, de se moderniser et de s'adapter aux nouveaux contextes franciliens.

L'année 1948 voit la naissance de la Régie Autonome des transports Parisiens (RATP) et de l'Office Régional des transports Parisiens (ORTP) qui, grâce à la loi du 21 mars relative à la réorganisation des transports de la région, succède au CTP le 1 janvier 1949. L'ORTP est à son tour remplacé en 1959 par le Syndicat des Transports Parisiens (STP), un établissement public, qui, dans son rôle et sa constitution, rappelle fortement le Stif d'aujourd'hui. Le STP coordonne alors l'activité de toutes les entreprises de transport de voyageurs parisiens (RATP, SNCF et plus de quatre-vingt entreprises privées), modernise et améliore le réseau et anticipe les besoins de transport au travers des plans de déplacements urbains. A ce titre le STP intervient pour la rédaction du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région de Paris (SDAURP) de 1965 qui préfigure le projet de réseau régional express (RER). L'Etat, alors majoritaire du STP intervient de manière cruciale pour diriger ce plan RER dont la réalisation sera en partie terminée dès 1979.

Constitué par l'Etat, la Mairie de Paris et les départements de la Seine, Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, le STP accueille en son sein les 6 nouveaux départements franciliens en 1968: l'Essonne, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, le Val-d'Oise et les Yvelines. De plus l'établissement acquiert son autonomie financière et est désormais dirigée par le Préfet de Région.

Trois nouvelles modifications vont ensuite se succéder. Tout d'abord, la compétence du STP se voit élargie en 1991 à l'ensemble du territoire de la région Ile de France, c'est-à-dire que chaque département de la grande couronne est désormais représenté à part entière au conseil d'administration et que la carte Orange couvre dorénavant la totalité de l'Ile-de-France. Ensuite, le décret du 6 juillet 2000 vient modifier en profondeur les mécanismes de fonctionnement du STP puisqu'il oblige dorénavant les acteurs publics que sont la RATP et la SNCF à améliorer leur qualité de service et leur gestion interne. Ainsi la couverture des dépenses des opérateurs de transport n'est plus garantie et dépend du respect des objectifs et des engagements adoptés par contrat entre les parties. Enfin le 13 décembre 2000 le Stif est créé en application de la loi solidarité et renouvellement urbain ; puis jusqu'en 2006 (initialement prévue en 2005) on assiste au retrait progressif de l'Etat et au transfert de la direction vers le Président du Conseil Régional. Ainsi, l'Ile-de-France fut la dernière région à prendre le contrôle du transport ferroviaire régional.

Un pilotage -presque - total du transport public en Ile-de-France

Le Stif est unique en France, car il représente l'alliance des collectivités pour le transport public par excellence. En effet il est administré par un conseil d'administration mixte composé d'élus appartenant à tous les niveaux de collectivités territoriales et d'un représentant de la chambre régionale de commerce et d'industrie (2).

Figure 1. Composition du conseil du Stif

Le Stif organise, coordonne et finance les transports publics de voyageurs en Ile de France, qui sont assurés par la RATP, la SNCF (Transilien) et des entreprises de bus privées, regroupées dans l'association OPTILE. A ce titre, il définit les conditions d'exploitation, fixe les tarifs, définit les contrats d'engagement et de rémunération pour les transporteurs, décide des grands investissements publics prévus au contrat Plan Etat/Région et de leur modalité de réalisation, assure le contrôle de la maitrise d'ouvrage et cofinance l'amélioration de l'offre grâce aux amendes de circulations routières dont il est affectataire à 50%. Plus récemment le Stif a aussi reçu la charge d'organiser le fonctionnement des transports scolaires, le transport des personnes à mobilité réduite et le transport public fluvial.

A terme, le STIF aura la responsabilité d'attribuer les marchés de transport public à l'issue de procédures d'appels d'offres. Mais cette perspective est bien lointaine puisque les lignes de bus ne seront libéralisées qu'en 2024, les lignes de tramway en 2029 et les lignes ferroviaires (dont celles de métro) en 2039...

Cela dit, le STIF n'a pas tout à fait l'exclusivité de l'organisation du transport francilien, pour trois raisons. D'abord l'Etat est fortement impliqué en tant que propriétaire d'une part des deux exploitants RATP et SNCF, et d'autre part des deux gestionnaires d'infrastructure RATP(5) et RFF . Ensuite l'Etat participe au financement du transport public au travers du contrat de projet Etat-région. Enfin, l'Etat tente de garder la maîtrise de certains grands projets, comme le métro automatique du Grand Paris ou (feu ?) la ligne Charles de Gaulle Express. Néanmoins, concernant « Grand Paris Express » (fusion des projets Grand Paris de l'Etat et Arc Express de la Région), les divergences entre l'Etat et le STIF s'aplanissent.

L'organisation des transports publics est un sujet délicat car le découpage des responsabilités est traditionnellement très morcelé. Au-delà des problèmes d'affectation budgétaire ce sont les rivalités économiques et politiques qui bloquent souvent les projets pendant des années. Ainsi le Conseil Economique et Social Régional (CESR) a souligné, dans un rapport présenté en octobre 2007, que le rôle et la compétence du STIF devaient être revus pour qu'une stratégie efficace et coordonnée des transports puisse être réellement mise en oeuvre. Il souligne en particulier la multiplicité de décideurs aux intérêts parfois divergents : municipalités (à l'origine d'initiatives structurantes comme le VELIB et établissant des règles spécifiques de partage de la voirie), État (décideur pour les autoroutes et principales routes), préfecture (en charge de la réglementation des taxis).

Figure 2. Budget du Stif

Développement des Syndicats Mixtes de Transport en province

La loi de décentralisation du 13 août 2004 découpe strictement les responsabilités des différents niveaux de collectivités territoriales en attribuant à la région le SRIT (schéma régional des infrastructures et des transports) et l'organisation des transports ferroviaires, aux départements l'organisation des transports non urbains, et aux communes l'organisation des transports urbains. Cependant les Syndicats Mixtes de Transport (SMT), voulus par la loi de solidarité et renouvellement urbains (SRU) votée en 2001, offrent la flexibilité nécessaire à ces autorités organisatrices de se regrouper pour la création de systèmes de transport intégrés.

 

Conclusion

Le SMT constitue un nouvel outil de coopération caractérisé par une grande souplesse (procédure de création, modes de fonctionnement). Il permet de coordonner, sur un périmètre donné, les actions des différentes autorités organisatrices compétentes pour assurer la cohérence du système de déplacement (information, tarification) et de favoriser l'intermodalité. Depuis lors, les SMT fleurissent en France, notamment autour des grandes agglomérations : Sytral pour le Grand Lyon, Tisséo à Toulouse, le SMIRT pour la région de Lille, .... On entrevoit ainsi une possibilité réelle de mettre en place des « alliances tarifaires » tel que cela se pratique depuis longtemps en Allemagne, en Autriche et en Suisse au bénéfice des usagers.

 

Sources :

(2) Le STIF est géré par un Conseil d'administration, composé d'administrateurs élus. Ceux-ci sont nommés pour la durée de leur mandat au sein des collectivités qui les nomment, et sont renouvelés (ou maintenus) après chaque élection des conseillers régionaux ou généraux. Le Conseil d'administration comprend également un représentant de la chambre régionale de commerce et d'industrie d'Île-de-France et un représentant des présidents des établissements publics de coopération intercommunale (3) élu par le collège des présidents des établissements publics de coopération intercommunale de la région d'Île-de-France au scrutin majoritaire à deux tours ainsi qu'un représentant du Comité des Partenaires du Transport Public Source.

(3) Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont des regroupements de communes ayant pour objet l'élaboration de « projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité ». Ils sont soumis à des règles communes, homogènes et comparables à celles de collectivités locales. Les communautés urbaines, communautés d'agglomérations, communautés de communes, syndicats d'agglomérations nouvelles, syndicats de communes et les syndicats mixtes sont des EPCI.

(4) Il rassemble des représentants des organisations syndicales des salariés, des organisations patronales et des organismes consulaires, des associations d'usagers des transports publics et des collectivités ou de leurs groupements non membres du STIF. Les membres du comité sont nommés par arrêté du ministre chargé des transports.

(5) c.f. le débat en 2009 à l'Assemblée pour le transfert à la RATP du patrimoine du métro appartenant au Stif.