La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les CSR se placent au bout de la chaine de valorisation comme des déchets ne pouvant pas être recyclés en l'état des conditions techniques et économiques actuelles. Ils peuvent cependant être mieux valorisés, notamment d’un point du vue énergétique que l’ensemble des déchets actuellement incinérés.
La Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte de 2015 a fixé des objectifs ambitieux de réduction des déchets (-10% au global d’ici 2020 par rapport à 2010) et d’enfouissement (-50% d’ici 2025 avec une première étape de -30% d’ici 2020 par rapport à 2010). Or, à ce jour, bien que la ressource en déchets non dangereux à haut pouvoir calorifique (>12 MJ/kg) habituellement stockés dans des sites dédiés existe et pourrait être plus largement utilisée, un grand nombre d’obstacles subsistent à la mise en œuvre de solutions adéquates. En résulte une incertitude sur la réalisation des projets et des objectifs.
Les CSR, ou combustibles solides de récupération, sont définis comme des «combustibles destinés à être valorisés énergétiquement dans des installations de production de chaleur ou d’électricité intégrées dans un procédé industriel de fabrication ou dans des installations ayant pour finalité la production de chaleur ou d’électricité»[1]. Bien qu’ils aient une visée de valorisation énergétique, ce sont toujours des déchets. L’ADEME estime que d’ici à 2025, au minimum 2,5 Mt/an de ces résidus devront être valorisés pour respecter les objectifs de la loi[2]. Il est à noter qu’aujourd’hui 35% des entrants globaux d’un centre de tri finissent en centre de stockage. Il est envisagé de baisser ce taux à 18% en 2025. L’atteinte de cet objectif suppose une diminution tous les 5 ans d’environ 30% des déchets admis en centre d’enfouissement.
Les CSR se placent au bout de la chaine de valorisation comme des déchets ne pouvant pas être recyclés en l'état des conditions techniques et économiques actuelles. Ils peuvent cependant être mieux valorisés, notamment d’un point du vue énergétique que l’ensemble des déchets actuellement incinérés. Des innovations technologiques permettant d’augmenter en amont la quantité de déchets recyclés réduirait de surcroit l’enfouissement.
Le principal débouché actuel des CSR est l’utilisation en four de cimenterie en se substituant aux énergies fossiles afin de produire du ciment.
Ces CSR sont produits par rapport à des critères stricts de qualité : pouvoir calorifique, taux de chlore, % d’humidité et granulométrie. Ces contraintes limitent leur utilisation en substitution d’autres énergies fossiles (gaz, fioul, charbon ou coke de pétrole) dans des installations déjà existantes.
Toutefois, comme le note la FNADE[3] (la Fédération Nationale des Activités de Dépollution de l’Environnement) « le maillage des cimenteries ne couvre pas la totalité du territoire français : le CSR est un combustible produit localement pour une production locale d’énergie. »
Historiquement, l'industrie cimentière en a été le premier consommateur et reste aujourd'hui le seul utilisateur de volumes significatifs. En 2016, la consommation avoisinait les 260 000 tonnes. La FNADE ajoute « qu’à court terme, avec la réalisation d'investissements programmés tels de nouveaux ateliers CSR, le redimensionnement d'ateliers existants, ou la mise en place de by-pass chlore, et l'évolution prévisionnelle de leur mix combustible, ils prévoient une capacité de valorisation de CSR de 550 000 t en 2020, avec au-delà un objectif de 1 Mt à terme ». La signature d’une convention tripartite entre le Syndicat National des Entreprises de Démolition (SNED), le Syndicat des Recycleurs du BTP (SRBTP) et la Fédération des Entreprises du Recyclage, secteur Bois (FEDEREC Palettes & Bois), visant à augmenter de 90% la quantité de déchets de bois utilisés dans les processus de production du ciment à l’horizon 2020 par rapport à 2015 va dans ce sens[4]
L’infographie ci-dessous montre que la valorisation énergétique des combustibles solides de récupération est tout à fait compétitive par rapport aux solutions classiques de gestion des déchets types stockage ou incinération.
Cette compétitivité est néanmoins à nuancer.
En effet, elle est très dépendante du coût de production intrinsèque du CSR. Sur ce point, l’hypothèse la plus favorable (40€/t) correspond à la mise place d’une filière à partir des refus de tri de Déchets d’Activités Economiques (DAE). Un cas moins favorable à partir de la filière Ordures Ménagères résiduelles pré-triées (collecte sélective des matériaux recyclables) abouti à un cout de production d’environ 70€/t.
Par ailleurs, le coût de transport est estimé ici à 10/t pour 50km. Cela nécessite donc que l’offre de CSR potentielle adresse une demande locale de consommation. De plus, il est admis que les déchets doivent être valorisés sur le même département pour des raisons réglementaires.
Le prix de vente du CSR est ici représenté par un prix négatif de 30€/t. Il résulte du coût d’opportunité pour le gestionnaire de déchets de se séparer de son combustible vis-à-vis d’une solution de stockage classique. Dans le cas où le prix de la production de CSR serait supérieure à 40€/t, la compétitivité du prix de vente diminuerait. Le gestionnaire de déchets aura tout intérêt à demander un aide à l’investissement pour la mise en place de la chaine de production et/ou d’accroitre la qualité de son produit fini (granulométrie, humidité, taux de chlore) pour en augmenter sa valeur.
Enfin, la rentabilité de la filière est très dépendante de la fiscalité, puisque les CSR ne terminent ni à l’enfouissement ni à l’incinération, ils ne sont pas soumis à la Taxe Générale sur les Activités Polluantes. Cette taxe, qui en 2018 coute 32€/t d’entrants pour les incinérateurs ne valorisant pas l’énergie produite et de 40€/t pour les sites d’enfouissement (48€/t en 2025) augmente chaque année dans le but de faire respecter les objectifs de la LTECV.
Dans la majorité des cas de figure, la FNADE et le SN2E montrent que « la production de CSR à partir de refus de tri à fort contenu énergétique est une alternative au stockage qui selon le contexte régional ne nécessite pas forcément d’aides financières ».
Les trois lauréats récompensés par l’ADEME le 19 décembre 2016 sont les précurseurs du développement de projets CSR. Ils vont permettre de valoriser 244 000 tonnes de CSR sur une année et produire l’équivalent de 821 GWh d’énergie (correspondant au besoin annuel de 54 000 foyers)[5].
Les conditions générales stipulées dans l’appel d’offre sont assez strictes et n’ont permis l’émergence que de 3 nouveaux projets sur les 14 présentés, en dessous de l’objectif initial de 5 projets. Parmi ces conditions, l’usage de chaleur unique en métropole est une contrainte complexe pour les porteurs de projet. La rentabilité économique d’un projet n’est valable qu’avec une unité disponible toute l’année et non que lors de la saison d’hiver.
Le projet de la coopérative agricole DéshyOuest (qui œuvre à la déshumidification du fourrage en été) et de la ville de Laval avec l’alimentation en chaleur de 6400 foyers durant l’hiver fut quant à lui un des pionniers de l’utilisation du CSR. Accompagné à hauteur de 30% de l’investissement par l’ADEME via les fonds chaleur et déchet, ce projet permettra la création de 70 GWh/an de chaleur.
L’utilisation des CSR pourrait être également envisagée dans les centrales à charbon existantes avant leur fermeture programmée en 2022. A granulométrie équivalente, c’est un combustible doté d’un bon pouvoir calorifique qui pourrait s’intégrer facilement dans la chaine d’approvisionnement sans nécessiter de lourds investissements. De plus, avec un coût d’achat négatif, ce pourrait même être une très bonne opportunité économique en vue d’améliorer la marge brute pour les deux acteurs encore en activité en France sur le domaine que sont Uniper et EDF.
Toutefois, le texte réglementaire (ICPE 2971)[6] qui régit l’utilisation des CSR prévoit qu’en métropole, seul l’usage de la chaleur soit possible. Une solution alternative serait de changer de catégorie ICPE et de passer dans le domaine de l’incinération. Or cette solution nécessiterait un lourd travail juridique afin d’obtenir l’autorisation d’exploitation (convaincre la préfecture et la DREAL[7]) et d’importants travaux d’adaptation des installations existantes tant sur le suivi de la combustion que sur le traitement des fumées.
Certaines ONG comme Zerowaste France préviennent dores et déjà des risques de dérives sur l’usage intensif des CSR qui se présentent comme « un nouvel eldorado et surtout comme une façon d'atteindre l'objectif de réduction de la mise en décharge » mais qui selon l’association « ne permettra pas d'atteindre l'objectif de 65% de recyclage en 2025 ». La guerre contre les déchets superflus est donc loin d’être gagnée…
Notes & Sources
[1] Elaboration d’un modèle économique de production de CSR – ADEME 2015 http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/elaboration-modele-economique-prodcsr-201506-synthese.pdf
[2] CSR : quels avantages pour les acteurs ? – 2015 https://www.actu-environnement.com/ae/dossiers/combustibles-solides-recuperation/csr-avantages-stockage-energie-valorisation-dechets-statut.php
[3] Compte rendu de la conférence « CSR, une alternative compétitive aux énergies fossiles » - 2016 : https://www.fnade.org/ressources/documents/1/1303-Conference-CSR.pdf
[4] L’industrie cimentière signe un « green deal » pour la valorisation des déchets de bois - Industrie/Négoce. 2018. https://www.lemoniteur.fr/article/l-industrie-cimentiere-signe-un-green-deal-pour-la-valorisation-des-dechets-de-bois-35329421
[5] [Lauréats] Limiter les quantités de déchets non dangereux enfouis dans des installations de stockage. – 2016 http://presse.ademe.fr/2016/12/laureats-limiter-les-quantites-de-dechets-non-dangereux-enfouis-dans-des-installations-de-stockage.html
[6] l’Installation Classée pour la Protection de l’Environnement (ICPE) n°2971 est une rubrique où sont référencés les différentes exigences (techniques et environnementale) concernant l’utilisation des CSR dans des installations dédiées
[7] Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement