La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les coulisses du rapprochement entre Transdev et Veolia Transport
Mercredi 22 juillet, la Caisse des Dépôts (CDC), actionnaire à 69.6% de Transdev, a annoncé qu'elle allait entrer en négociation avec Veolia Environnement en vue d'un rapprochement entre Transdev et Veolia Transport. A terme, une nouvelle entreprise détenue à parité devrait être créée. Cette nouvelle entreprise serait alors le leader mondial du transport public, avec un chiffre d'affaires mondial de 8.9 milliards d'euros (avant les prévisibles cessions d'actifs) dont 3.6 milliards d'euros en France, largement devant Keolis (42% de parts du marché urbain pour Veolia-Transdev contre 35% pour Keolis).
Veolia va ainsi reprendre la participation de la RATP dans le capital de Transdev, épilogue d'un partenariat industriel raté entre Transdev et la RATP.
Initié en janvier 2002, le partenariat entre Transdev et la RATP devait accroître leurs activités de transport en France et à l'étranger via un « co-développement » équilibré. Ce partenariat apparaissait très prometteur car l'alliance d'un expert des moyens de transports légers type tram avec un spécialiste du métro permettait de proposer une gamme complète de solutions. De plus, cela devait permettre aux deux entreprises de renforcer leurs moyens de développement et ainsi d'avoir un meilleur poids de négociation face aux autorités organisatrices.
Pour Transdev, l'objectif premier était de croître pour se renforcer face aux concurrents français et internationaux. Pour la RATP, cela initiait son développement hors de l'Ile-de-France, rendu possible fin 2000 par la loi SRU. Cela permettait également d'avoir un partenaire qui savait traiter les appels d'offres, compétence cruciale dans le secteur du transport public.
Par cet accord, la RATP devenait actionnaire à 25% de Transdev. Transdev devenait également actionnaire à 25% de RATP France, devenue alors RATP Développement.
Mais début 2008, la RATP souhaitait sortir du capital de Transdev, « poussée dehors » par le Président de Transdev, Philippe Segrétain, qui a toujours été opposé au partenariat entre les deux entreprises. Il considérait le statut de la RATP ainsi que sa culture du service public comme un frein au développement de Transdev. Fin 2008, Philippe Segrétain est parti à la retraite, laissant présager pour la RATP une amélioration des relations avec Transdev.
Néanmoins, force est de constater que le partenariat n'a jamais vraiment porté ses fruits et que les synergies attendues ne se sont jamais concrétisées. Aucun appel d'offres important n'a été gagné (échecs à Lille, Lyon, Toulouse) et les seuls contrats obtenus à l'étranger sont des niches (tram de Florence) ou sont non rentables (bus de Casablanca, Düsseldorf).
Malgré une certaine complémentarité géographique, les deux entreprises se sont même retrouvées dans une situation où elles étaient à la fois partenaires et concurrentes. Pour Transdev il n'y avait alors que deux issues : soit le partenariat est approfondi pour créer un grand acteur français du transport public, soit le partenariat se termine. Le statu quo a pourtant perduré, la RATP annonçant qu'elle ne souhaitait pas mettre fin à son partenariat avec Transdev, malgré l'echec de la coopération industrielle.
En février 2009, la CDC officialise son souhait de « défaire en 2009 les liens d'actionnariat avec la RATP ». La RATP change alors de position et s'oriente vers la fin de son partenariat avec Transdev. La crise économique empêchant la CDC de reprendre la part de la RATP, ce sont donc Veolia et Keolis qui se sont portées candidates à une entrée au capital de Transdev, avec les résultats que l'on connaît aujourd'hui.
Au-delà des considérations « politiques » avancées par les différentes parties dans la presse, d'autres arguments ont plaidé en faveur de l'offre de Veolia. En particulier la complémentarité entre les deux entreprises. En effet, Transdev est très présent sur l'urbain (trams), et Veolia plutôt sur l'interurbain (cars, trains). Qui plus est, au niveau des réseaux, Transdev est surtout présent en Grande-Bretagne, aux Pays-bas, en Italie et au Portugal, et Veolia en Allemagne, au Benelux ainsi que dans les pays scandinaves. A contrario, les activités et implantations géographiques de Keolis ont été jugées trop similaires a celles de Transdev.
La mise à fin de la participation de la RATP va nécessiter de nombreuses négociations. La RATP a posé ses conditions. Elle souhaiterait en particulier conserver les actifs italiens et portugais de Transdev, pour renforcer ainsi sa position extra-francilienne. Un point crucial va également concerner la valorisation de sa participation. Les négociations, qui devraient aboutir début 2010, s'annoncent dores et déjà serrées.
De manière générale, dans ce secteur où les marges sont faibles, croître est devenu crucial. Cela représente des économies d'échelle (par exemple pour amortir le coût des réponses aux appels d'offres ou encore les investissements dans l'innovation) et un accroissement du pouvoir de négociation avec les autorités organisatrices.
Pour ces deux entreprises en particulier, cela devrait également faire naître de nombreuses synergies et perspectives de développement vu leur complémentarité - si toutefois les leçons sont tirées de l'expérience Transdev - RATP - et la convergence de leurs objectifs. Par exemple l'entrée dans le marché des TER en France.
Concernant Veolia Transport, cette opération lui conférera un poids suffisant pour pouvoir entrer en bourse, ce qui - selon Veolia - contribuera à une meilleure valorisation de son activité transport. Et la consolidation de la CDC au capital de Veolia mettra ce dernier plus à l'abri d'un éventuel rachat.
Pour la CDC, ce rapprochement s'intègre parfaitement dans son objectif d'investisseur qui est d'assurer le développement à long terme de ses filiales.
Les collectivités locales ont émis quelques inquiétudes suite à l'annonce de cette fusion. Elles craignent de voir le champ de la concurrence se restreindre (certains parlent déjà d'oligopole), ce qui augmenterait la pression sur elles. Néanmoins de nouveaux entrants étrangers arrivent sur le marché français (Deutsche Bahn, CFF, l'opérateur hongkongais MTR...), ce qui devrait raviver la concurrence et rassurer Bruxelles.
Reste maintenant à suivre la mise en oeuvre effective du projet de fusion pour observer comment ce nouvel acteur mènera son intégration industrielle, retiendra ses cadres (notamment ceux de Transdev attachés à un actionnariat public), et rassurer les collectivités locales clientes.