La reconversion, parent pauvre des politiques d…
"Les marges des banques françaises sous pression malgré la croissance des revenus" : Etude réalisée par l'Observatoire des banques de Sia Partners.
Depuis maintenant 2 ans l’économie française, à l’image de celle de la Zone Euro, démontre sa capacité de résilience dans un contexte socioéconomique rythmé par les difficultés financières (inflation, hausses des taux directeur de 2% à 4% sur 2023) et géopolitiques (guerre en Ukraine et au Proche-Orient). L'inflation annuelle en France en 2023 s'est établie à + 4,9 % (contre 5,2 % en 2022). La politique monétaire de la zone Euro s’avère à présent efficace pour contrer l’inflation et préserver le pouvoir d’achat des français.
En 2023, la BCE a remonté ses taux directeurs 6 fois, entrainant l’augmentation des taux des crédits aux entreprises et aux particuliers. Ces hausses successives ont eu un impact direct sur la production de crédits et notamment les crédits immobiliers : celle-ci a chuté de plus de 40%. L’économie nationale connaît quant à elle une période de croissance ralentie. Elle se montre néanmoins plus performante que celle des pays voisins avec un taux de croissance de +0.9%, contre +0.5% pour la Zone Euro.
C’est lors d’une année 2023 difficile, marquée par un marché immobilier national en contraction que les banques ont su, globalement, démontrer la résilience de leur modèle économique. En effet, les principales banques françaises (BNP Paribas, Groupe BPCE, Groupe Crédit Agricole, Société Générale, Crédit Mutuel et La Banque Postale) ont atteint un Produit Net Bancaire (PNB) total cumulé de 155,6 Mds € un résultat plutôt stable comparé à l’année précédente mais qui cache derrière lui une disparité notable des performances des grands groupes bancaires français.
Cette année encore, BNP Paribas s’impose comme leader dans le secteur et enregistre le plus haut PNB à 45,9 Mds €. Un résultat en légère hausse (+1%) par rapport à l’année précédente, soutenu par les performances des branches Commercial, Personal Banking & Services amortissant le recul des départements Global Markets et d’Investment & Protection Services pénalisés entre autres par le secteur immobilier.
De son côté Société Générale enregistre au T4-23 une baisse de son PNB de 9,9% (vs T4-22) et termine l’année avec un PNB en retrait de 7,6 %. L’accumulation des 113 M€ de « pertes nettes sur autres actifs » en 2023 et 3,29 milliards en 2022 en plus de la vente des activités russes expliquent principalement ce résultat. D’autant plus que le PNB du pôle Banque de détail en France, Banque privée et Assurances s’est dégradé de presque 13%.
Même constat pour le Groupe BPCE qui affiche un recul de 7,3% de son PNB annuel par rapport à 2022 – particulièrement touché par la hausse des taux et de l’évolution du coût du passif sur l’épargne réglementée et non réglementée. Il s’agit de la banque la plus exposée à cette charge. Le groupe BPCE conservait en effet plus de 62 Mds€ de Livret A et LDDS - représentant environ 2Mds€ de rémunération à servir à ses clients. A noter néanmoins que certaines filiales finissent l’année en hausse (Global Financial Services : +3% avec notamment l’activité de Banque de Grande Clientèle : +7%).
A l’inverse, le Groupe Crédit Agricole voit son PNB croître de +4,8 % atteignant 36,5 Mds € - et ce en dépit d’une performance décevante au dernier trimestre, due notamment à la forte sinistralité climatique côté Assurance, l’effet de base IFRS 17 et la hausse des coûts de refinancement et des ressources clientèles.
De son côté, Crédit Mutuel publie des résultats records, avec un PNB qui atteint 18,7 Mds €, réaffirmant ainsi la robustesse de son modèle diversifié de bancassurance universelle. Cette croissance du PNB a été soutenue en 2023 par la banque de financement (+33,7 %) et les activités de marché (+36 %) au sein de Crédit Mutuel Alliance Fédérale.
Enfin, la Banque Postale affiche une hausse de son PNB (+16,7% vs 2022), expliquée par la bonne performance de sa filiale CNP Assurances. Les résultats de ses activités bancaires sont en revanche plus contrastés. Ils incluent notamment des charges exceptionnelles liées au projet de cessation des activités de Ma French Bank à hauteur de 107 M€.
Avec une variation de +5,2% de son Résultat Brut d’Exploitation (RBE) - qui s’obtient en retranchant du PNB majoré des produits accessoires, le volume des frais généraux et des donations aux amortissements - entre les années 2022 et 2023, Banque Postale et Crédit Agricole sont les seuls parmi les 6 grands groupes à enregistrer un résultat en croissance (+68% et +5% respectivement).
BNP Paribas voit son RBE diminuer d’un peu plus de 4% en un an. La baisse est plus marquée chez BPCE et Société Générale – qui affichaient tout au long de l’année des performances trimestrielles (en comparaison aux mêmes trimestres de l’année précédente) en dessous de celles de BNP et Crédit Agricole. En effet, le Groupe BPCE voit son RBE reculer de 19,8% tandis que Société Générale enregistre une diminution de plus de 28%.
En termes de bénéfice net annuel, BNP Paribas a tout de même affiché un record cette année - près de 11 Mds € ; de même pour Crédit Mutuel qui atteint son record avec un Résultat Net Part du Groupe de 4,6 Mds € et 8,2 Mds € pour le groupe Crédit Agricole.
De leur côté, Société Générale, Groupe BPCE et La Banque Postale enregistrent un bénéfice net de respectivement 2,5 Mds €, 2,8 Mds €, et 1 Md €. Société Générale marque une bonne année 2023 suite à l’arrêt de ses activités de banque et d’assurance en Russie en 2022 tandis que BPCE accuse pour sa part un recul de 26% de son RNPG.
En 2013, les six principales banques françaises – parvenaient à générer, en cumulé, plus de 197 bps de PNB pour un bilan total combiné de 6 590 Mds€. Il y a 5 ans, en 2018 il était à 193 bps. En 2023, celui-ci est tombé à 161 bps avec un bilan total combiné de de 9 070 Mds€ (+2% de bilan pour un PNB quasi inchangé par rapport à 2022).
Au-delà de la baisse des revenus bruts des banques françaises, nous avons analysé les différents postes – Marge Nette d’Intérêts (MNI), Commissions, Revenus sur Opérations Financières (ROF) et Autres – pour comprendre et identifier les facteurs de résilience.
Dans le contexte actuel de volatilité des taux d’intérêt, l’impact des décisions politiques monétaires sur la MNI des banques est cruciale pour la stabilité financière. En effet, les oscillations des intérêts nets dégagés par les groupes bancaires affectent leur capacité à absorber les pertes et à augmenter leurs réserves en capitaux propres - par le biais des bénéfices non
distribués. La MNI des banques est dégradée compte-tenu de la hausse des taux de l’épargne réglementée, les taux d’usure et du recul du crédit qui ne permet pas de renouveler le stock octroyé antérieurement à des taux plus bas.
Pour rappel, la MNI représentait 54% du PNB en 2013, en 2023 elle ne représente plus que 44%. Alors que le bilan total combiné des six principales banques françaises a augmenté de 45% entre les dix dernières années, la MNI s’est réduite de plus de 10%.
Certains groupes ont effectivement préservé leur MNI ou l’ont même fortifié au cours du dernier exercice. C’est le cas du Crédit Mutuel (+3%) et de La Banque Postale (+5%).
Néanmoins les autres groupes bancaires que sont Groupe Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale et Groupe BPCE ont tous constaté une compression de leur MNI - respectivement -4%, -9%, -20% et -25% sur la période 2013 à 2023. Les banques prennent aujourd’hui des mesures pour contrer cette baisse de la MNI, comme la Société Générale qui a annoncé envisager supprimer 900 postes afin d’améliorer son efficacité opérationnelle et de réaliser des économies estimées à 500M€.
La part des commissions dans le PNB des banques françaises reste relativement stable au cours des dix dernières années (entre 25% et 29%). En 2023 le montant global des commissions augmente de 1.4% et représente en moyenne 29% (contre 28% en 2022) du PNB - les banques s’étant engagées en 2022 auprès du gouvernement à modérer leurs tarifs pour ne pas trop peser sur le budget des particuliers (augmentation des frais bancaires plafonnées à 2% - voire une diminution de ces frais bancaires pour les publics fragiles).
Les opérations financières montrent une bonne performance, en particulier pour Groupe Crédit Agricole, La Banque Postale et Société Générale.
De 14% en 2013 à 28% en 2023, les ROF (résultats sur opérations financières) liés aux activités de marché et d’investissement (titres, change, dérivés, …) produisant plus ou moins-values et marges de négociation, représentent une source de revenus nets cycliques conditionnée par la santé et volatilité des marchés.
Par ailleurs, les banques françaises ont su diversifier leurs revenus vers des activités parabancaires – notamment via le déploiement du modèle « banque – assurance ».
A l’exception de Crédit Agricole qui enregistre des pertes sur son activité d’assurance, les banques françaises affichent des résultats stables ou en progression en 2023. BNP Paribas et Crédit Mutuel continuent de performer sur les activités d'assurance. Ces revenus, intégrés dans une offre de services diversifiée, apportent une stabilité financière et maintiennent une relation client en répondant à une gamme élargie de besoins financiers. Enfin La Banque Postale a su tirer profit du modèle multi-partenarial de CNP Assurances en France et à l’international reflétant la résilience et l’adaptabilité de l’institution face aux défis du marché.
Les banques françaises ont fait face à une situation délicate cette année. La hausse des taux a entraîné une augmentation significative de leur coût de financement, dont une grande partie se fait sur le court terme, comme les placements bancaires qui ont augmentés de plus de 4% en quelques mois. Parallèlement, les spécificités françaises sur le marché du crédit font que les banques ont un stock d’actifs à taux fixe important dont les taux avoisinent les 1% (comme les prêts immobiliers). Cet effet ciseau défavorable impacte négativement les marges. Les banques françaises se retrouvent en position moins favorable par rapport à certains de leurs homologues européennes qui bénéficient d'une flexibilité accrue grâce à une plus grande part d’actifs clientèle à taux variables
Les taux d’intérêt en zone euro ont baissé de 0,25% ce 6 juin, allégeant légèrement la pression sur les marges des banques françaises. Toutefois, il semble peu probable que les taux directeurs chutent brusquement ; la BCE devrait les baisser de manière prudente et maintenir des niveaux de taux modérés pour les années qui viennent, ce qui devrait profiter aux activités bancaires.
Il reste cependant de nombreux défis à relever : la gestion des risques dans un contexte de taux élevés, l'ajustement aux nouvelles réglementations et la capacité à saisir de nouvelles opportunités dans un secteur bancaire en pleine transformation.
Le contexte socioéconomique actuel, marqué par une succession de crises, encourage les acteurs financiers à se focaliser sur un avenir à court terme incertain. Cependant, il est crucial de ne pas perdre de vue les objectifs principaux, comme l'engagement des banques françaises à accélérer la décarbonation de leurs portefeuilles.
Au commencement de cette nouvelle année, ce qui représente pour certaines banques le début de leurs nouveaux plans stratégiques, il est pertinent de noter qu'elles ont déjà mis en place des mesures visant à réduire le financement des secteurs fortement carbonés, ainsi que des efforts de préservation de la biodiversité et de l'environnement.
Les banques françaises doivent se préparer à un avenir où la croissance, la technologie et la durabilité seront les piliers de leur réussite à long terme.