La reconversion, parent pauvre des politiques d…
L’établissement des marchés de capacités est en marche. Vivement critiqués car favorisant les investissements dans des moyens de production considérés comme polluants, et accusés de distorsion de la concurrence en défaveur des opérateurs d’effacement, ces mécanismes sont pourtant soutenus en Europe
Les mécanismes de capacité, bien que critiqués, sont pourtant soutenus en Europe par les gestionnaires de réseaux, les gouvernements et la Commission Européenne qui les jugent nécessaires pour la sécurisation de l’approvisionnement électrique. C’est dans ce contexte de tension que Tempus Energy, opérateur Britannique de gestion de la demande, a déposé une plainte devant le Tribunal de l’Union Européenne à l’encontre du mécanisme de capacité Britannique, et a obtenu son annulation le 15 novembre 2018. Aujourd’hui, Tempus Energy s’attaque au mécanisme de capacité Polonais avec une nouvelle plainte. Les mécanismes de capacité en Europe sont-ils menacés ? Présentation des mécanismes en Europe et retour sur l’affaire Tempus Energy en Grande-Bretagne et sur ses potentielles conséquences en France et en Europe.
La France est un pays très thermosensible, avec 2.4 GW appelés en plus pour chaque degré en moins en dessous de 15°C. Cette thermosensibilité hivernale est due à un mode de chauffage majoritairement électrique. Les 3 plus grands pics historiques de consommations ont été atteints au cours de ces 10 dernières années lors de journées de grand froid : 102,1 GW le 08/02/2012, 96,7 GW le 15/12/2010 et 96,6 GW le 28/02/2018. Ces pics hivernaux représentent plus du double de la consommation moyenne estivale.
La consommation totale tend à stagner depuis 10 ans, l’augmentation de la population et des nouveaux usages électriques étant compensés par les progrès réalisés en efficacité énergétique et par l’effet de la crise économique. Cependant, les phénomènes de pointe de consommation risquent de continuer voire s’accentuer dans les prochaines années avec l’accélération du développement des usages non thermosensibles : multiplication des véhicules électriques et des appareils (électroménager, appareils connectés) que l’on active ou recharge le soir en rentrant chez soi [i].
Les moyens de production de pointe sont donc nécessaires pour assurer l’approvisionnement durant les périodes de pic de consommation afin d’éviter une défaillance du réseau (jusqu’à un potentiel black-out) qui serait coûteux à l’économie.
Dans un marché energy only parfait, la forte demande lors des pointes de consommation devrait entraîner une hausse importante des prix SPOT de l’énergie, envoyant un signal aux investisseurs qui se traduirait par la construction de nouveaux moyens de production de pointe. Cependant, cette architecture de marché fixe le prix de l’électricité sur le coût marginal du dernier moyen de production appelé (merit order), rendant difficile aux moyens de production de pointe de couvrir leurs coûts d’investissements lorsqu’ils sont appelés, notamment lorsque des moyens de production de pointe déjà amortis sont appelés (bas de la pointe). A contrario, les installations de base et de semi-base touchent alors une rente infra-marginale qui permet de couvrir leurs coûts d’investissements.
En sus des difficultés à couvrir leurs coûts d’investissements, les moyens de production de pointe doivent faire face à la pénétration des énergies renouvelables intermittentes et fatales (solaire et éolien) dont le coût marginal est quasi nul et qui sont appelées en priorité, diminuant les durées d’appel des moyens de production de pointe et diminuant ainsi la rentabilité des installations déjà amorties, au point de pousser les producteurs à fermer les installations les moins rentables.
La pénétration de ces énergies intermittentes contribue en outre à augmenter le risque de défaillance du réseau en cas d’absence des conditions nécessaires à leur fonctionnement lors des pics de consommation (vent et ensoleillement faibles).
Ce phénomène général de baisse de la rentabilité des moyens de production de pointe est appelé le « misssing money ». C’est pour combattre ce phénomène et sécuriser l’approvisionnement électrique en France lors des pics de consommation en hiver que le mécanisme de capacité a été mis en place.
Le principe général des mécanismes de capacité est de rémunérer non plus seulement sur la base de l’énergie fournie, mais également sur la base de la capacité mise à disposition pour répondre au besoin en période de pointe. Le but est d’éviter la fermeture des moyens de production de pointe et de favoriser l’investissement dans de nouvelles installations lorsque cela est nécessaire (prix de capacité élevé). En France, le fonctionnement est le suivant :
En plus du mécanisme actuel décrit ci-dessus permettant de rémunérer les capacités existantes, un nouveau cadre spécifique pour l’investissement dans de nouvelles capacités doit être mis en œuvre en 2020 (Appels d’Offre Long Terme AOLT), avec de nouvelles règles d’accès. Ces AOLT seront organisés par le gouvernement lorsqu’un bénéfice sera identifié pour la collectivité, 4 ans avant la première année de livraison. Le gouvernement construira une courbe administrative de demande en fonction du besoin estimé et des bénéfices apportés par chaque volume de capacité supplémentaire. Suite à l’appel d’offre, les offres techniquement admissibles seront classées par ordre de prix croissant afin de créer une courbe d’offre de nouvelles capacités. L’intersection des deux courbes définira le prix garanti, les offres retenues étant celles dont le prix est inférieur au prix garanti (détails disponibles ici [ii]). Les lauréats bénéficieront du prix garanti de capacité pour une durée de 7 ans, leur assurant un revenu régulier. Ce prix garanti permet ainsi de faciliter l’élaboration de plans d’investissements. Les AOLT seront ouverts à tout type de fournisseur de capacité sans distinction sur la technologie utilisée (production, gestion de la demande).
De nombreux autres pays européens ont également mis en place des mécanismes de capacité, dont les objectifs et les principes varient d’un pays à l’autre [iii].
Rémunération de la capacité (marché ciblé) : Un sous-ensemble de fournisseurs de capacité du marché reçoit un paiement pour la capacité mise à disposition, en plus des revenus perçus pour l’énergie fournie.
Réserves stratégiques (marché ciblé) : Réserves de capacité (production ou gestion de demande) conservées en dehors du marché de l’électricité pour utilisation en cas d’urgence uniquement. Les réserves stratégiques sont fournies via des appels d’offres ouverts à tout type de fournisseur de capacité (production ou gestion de demande).
Obligations de capacité (marché ouvert décentralisé) : Les fournisseurs d’électricité ont des obligations de capacité, et doivent se fournir en certificats de capacité auprès des fournisseurs de capacité sur un marché dédié ou de gré à gré. Les revenus perçus par les fournisseurs de capacité complètent les revenus perçus pour l’énergie fournie.
Enchères sur la capacité (marché ouvert centralisé) : Un acheteur unique se procure la capacité totale nécessaire auprès des fournisseurs de capacité (production ou gestion de demande) sur un marché de capacité. L’enchère détermine le prix de la capacité, ce revenu venant compléter les revenus perçus pour l’énergie fournie.
Rémunération de la capacité (marché ouvert centralisé) : Tous les fournisseurs de capacité (production ou gestion de demande) du marché reçoivent un paiement pour la capacité mise à disposition, en plus de leurs revenus pour l’énergie fournie.
En 2014, la Grande-Bretagne a mis un place un mécanisme de capacité de type « Enchères sur la capacité » après que le mécanisme ait été validé par la Commission Européenne.
Deux enchères sont réalisées chaque année par National Grid, le gestionnaire du réseau électrique Britannique : une pour l’année de fourniture N+1 (nommée « T1 ») et une pour l’année de fourniture N+4 (nommée « T4 »). Dans les deux cas, l’objectif est de signer des contrats de garanties pour s’assurer que suffisamment de capacités seront disponibles pour faire face à la demande pour une année de livraison. Le T1 permet d’ajuster le besoin en capacité suite au T4 qui a eu lieu 3 ans auparavant ; les capacités vendues sur le T1 sont donc plus faibles que sur le T4. Le niveau de capacité total nécessaire est déterminé par National Grid. Les enchères se font descendantes : un prix élevé de départ est annoncé, puis chaque fournisseur de capacité annonce le volume qu’il peut fournir pour ce prix. Le processus est ensuite répété en faisant diminuer le prix par pas décroissants jusqu’à ce que le volume offert par l’ensemble des fournisseurs soit en adéquation avec le volume nécessaire. Le prix fixé est alors appliqué à l’ensemble des fournisseurs de capacité. Le coût total de chaque enchère est alors divisé entre les fournisseurs d’électricité au prorata de la consommation de leurs clients aux heures de pointe en hiver, entre 16h et 19h les jours de semaine entre les mois de Novembre et de Février (méthode de recouvrement des coûts). L’objectif est de pousser les fournisseurs à inciter leurs clients à moins consommer en période de pointe.
La plupart des contrats de garanties ont une durée d’un an, c’est notamment le cas pour les installations déjà construites et les opérateurs de gestion de la demande. Cependant, une petite partie des enchères est consacrée à des contrats de 3 ans pour les installations existantes nécessitant des travaux de remise à neuf et des contrats de 15 ans pour la construction de nouvelles installations. Les producteurs bénéficient alors du prix de l’enchère durant toute la durée des contrats, ce qui facilite les plans d’investissement [iv].
En échange des contrats de garanties, les producteurs doivent mettre à disposition leurs capacités lors des périodes de pointe. En cas d’échec de leur part, une amende est appliquée.
Ce système garantit un revenu régulier aux producteurs, leur assurant une rentabilité minimale même lorsque les moyens de pointe ne sont pas appelés.
Le mécanisme Britannique a ainsi fonctionné pendant 4 ans avant d’être annulé le 15 Novembre 2018 sur décision du Tribunal de l’Union Européenne suite à une plainte déposé par Tempus Energy, un opérateur Britannique de gestion de la demande.
Le Tribunal reproche à la Commission d’avoir validé le mécanisme sans avoir mené d’étude préalable approfondie sur ses impacts sur la concurrence. Conformément aux réclamations exprimées par Tempus Energy, la Commission fait notamment part de doutes quant au traitement discriminatoire ou désavantageux de la gestion de la demande au sein du marché de capacité selon les griefs/critères détaillés dans la note en fin d'article (l’arrêt complet du Tribunal est consultable ici [v]).
En attendant les résultats d’une enquête plus approfondie sur chacun des points retenus décrits ci-dessus, la conséquence de l’annulation du mécanisme de capacité Britannique est la suspension de tous les paiements liés aux contrats de capacité, ce qui représente environ 900 M£ par an [iii].
En France, les risques de voir une annulation du mécanisme de capacité pour les mêmes raisons que dans le cas Britannique sont faibles. En effet, le mécanisme de capacité Français permet à ce jour de rémunérer les installations déjà existantes en respectant l’équité entre producteurs et opérateurs de gestion de la demande.
Grief 1 contre le mécanisme Britannique sur la durée des contrats de capacité : Pas de risque en France, tous les fournisseurs de capacité peuvent en théorie vendre leurs certificats librement sur les différentes années de livraison. Les enchères étant limitées à quelques années de livraison, les opérateurs de gestion de la demande ne sont pas pénalisés comparé aux producteurs qui pourraient vendre des certificats sur de longues périodes.
Grief 2 contre le mécanisme Britannique sur la méthode de recouvrement des coûts : Pas de risque, les fournisseurs d’électricité payent en fonction de la consommation de leurs clients en PP1 (vraie période de pointe).
Grief 3 contre le mécanisme Britannique sur les conditions de participation au marché de capacité : Difficile à dire, le seuil minimal de capacité est de 1 MW en France contre 2 MW en Grande-Bretagne et 100 kW aux Etats-Unis. Le seuil Français est donc inférieur au seuil Britannique mais reste 10 fois supérieur au seuil américain, qui a servi de référence dans le cas de l’affaire Tempus Energy. Aucune enquête approfondie n’ayant été menée pour justifier que ce seuil ne constituerait pas un obstacle au développement des offres de gestion de la demande, cela pourrait potentiellement constituer un grief à l’encontre du mécanisme Français.
Concernant les AOLT, le seuil de capacité minimum qui sera défini pour la participation sera également un facteur très important. Une attention particulière devra être apportée aux nouvelles règles des AOLT et à leurs interactions avec le mécanisme actuellement en place pour éviter de créer une situation risquant de mener à une annulation du mécanisme Français.
En Pologne, Tempus Energy continue sa croisade contre les marchés de capacité et a intenté le 14 mars 2019 une nouvelle action au Tribunal Européen contre le mécanisme de capacité Polonais, qui est similaire au mécanisme Anglais. Les critiques de Tempus Energy portent sur les barrières d’entrée pour les opérateurs de gestion de la demande et sur la durée maximale des contrats auxquels ces opérateurs ont accès, à savoir 5 ans (1 an en pratique selon Tempus), contre 15 ans pour les producteurs [vi].
En Allemagne, la Commission Européenne, qui a validé le mécanisme de capacité, reconnait elle-même que le mécanisme Allemand semble avoir été pensé principalement pour les capacités de production, et que les conditions de participation posent une barrière d’entrée disproportionnée aux opérateurs de gestion de la demande, créant un désavantage comparé aux producteurs d’électricité. La Commission cite à titre d’exemple deux critères ayant potentiellement un effet discriminatoire à l’encontre des opérateurs de gestion de la demande : le seuil minimum de 10 MW de capacité requis pour participer au mécanisme avec interdiction d’agréger les sites de production/d’effacement, et l’obligation d’avoir l’installation connectée à un réseau de tension supérieure à 110 kV [vii]. Si aucune action n’a été intentée contre le mécanisme Allemand pour le moment, le risque de voir éclater une affaire similaire à celle de Tempus Energy est important.
En Grèce, le risque de voir se déclarer une affaire similaire à celle de Tempus Energy est également important. Le gouvernement Grec a lancé une consultation publique pour la mise en place d’un mécanisme de rémunération de la capacité long-terme qui permettra de favoriser les investissements dans de nouvelles capacités. Le mécanisme proposé est vivement critiqué par ClientEarth, une organisation publique de défense de l’environnement qui opère en Europe et qui a été impliqué dans les affaires Tempus Energy en Grande-Bretagne et en Pologne [viii]. Les critiques formulées sont clairement dans la continuité des griefs retenus dans le cadre de l’affaire Tempus Energy :
Au-delà des distorsions de concurrence qui font l’objet des plaintes de Tempus Energy et ClientEarth, la critique de fond porte également sur le fait que les mécanismes de capacité fournissent des subsides aux unités de production de pointe polluantes (centrales à flamme au gaz en Grande-Bretagne et au charbon en Pologne, en Espagne, en Allemagne et en Grèce)[vi]. Cette critique de fond, légalement non valide au regard des objectifs de neutralité technologique et de sécurisation de l’approvisionnement électrique, constitue néanmoins un élément de contestation supplémentaire à l’encontre des mécanismes de capacité.
D’autres critiques pointent également du doigt le fait que les mécanismes de capacité rémunèrent inutilement les moyens de production de base qui n’ont pas besoin de revenus supplémentaires pour fonctionner. Par exemple dans le cas Britannique, EDF recevra 150 M£ par an pour la capacité fournie par ses centrales nucléaires, alors que ces centrales fonctionnent en base et qu’elles ne feront rien de plus en période de pointe qu’en période hors pointe. EDF recevrait donc un « bonus » payé par les consommateurs [ix]. Les mécanismes de capacité de type marché ouvert coûteraient donc plus cher qu’un mécanisme de type réserve stratégique, où l’argent ne serait pas « dilué » parmi tous les producteurs mais concentré sur quelques installations.
Les trois exemples cités ci-dessus montrent qu’une attention particulière devra être portée sur le résultat du cas Britannique, qui fera sans doute office de jurisprudence en Europe et qui conditionnera les formes que pourront prendre les mécanismes de capacité. En fonction du résultat de cette affaire, d’autres cas pourraient en effet se déclarer au sein de l’UE. Cependant, si l’affaire Tempus Energy a conduit à l’annulation du mécanisme Britannique et représente aujourd’hui une menace pour d’autres mécanismes en Europe, elle pourrait également devenir le moteur d’un meilleur encadrement et d’une meilleure coordination du développement des mécanismes de capacité au niveau Européen.
Un article rédigé par Rémy Savelli.
Sources :
[i] Site du Ministère de la transition écologique et solidaire, article sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, 27 mars 2019 - Lien
[ii] Code de l’énergie, Livre 3, Titre 3, Chapitre 5, Section 8 : Dispositif de contractualisation pluriannuelle - Lien
[iii] ACER, Annual Report on the Results of Monitoring the Internal Electricity and Natural Gas Markets in 2017 - Electricity Wholesale Markets Volume, 22 octobre 2018 – Lien
[iv] Rapport provisoire National Grid sur les enchères de capacité pour l’année de livraison 2021, 20 février 2018 – Lien
[v] Arrêt du Tribunal de la Cour de la Justice Européenne, 15 Novembre 2018 – Lien
[vi] Article Tempus Energy, 15 mars 2019 – Lien
[vii] Lettre de la Commission Européenne à l’Allemagne précisant la décision de valider la proposition de mécanisme de capacité Allemand, 21 avril 2017 – Lien
[viii] Lettre de réponse de ClientEarth à la consultation publique pour la mise en place de mécanisme de rémunération de la capacité long-terme dans le marché Grec de l’électricité – Lien
[ix] Article energypost.eu - UK “capacity market” is not a market – it’s state aid (£1 billion/year), 26 janvier 2015 – Lien
Alors que les contrats d’une durée de 1 an sont accessibles à tous les fournisseurs de capacité quel que soit le moyen employé (production, stockage, effacement), les contrats de 3 et 15 ans ne sont pas accessibles aux opérateurs de gestion de la demande, ce qui pourrait constituer une distorsion de la concurrence contraire au règlement Européen. Pour le gouvernement Britannique et pour la Commission Européenne, cette inégalité est justifiée par le fait que les contrats de 1 an sont préférables afin de faire jouer la concurrence, tandis que les contrats de 3 et 5 ans (délivrés en plus petites quantités) sont nécessaire pour sécuriser les coûteux investissements dans les moyens de production (les opérateurs de gestion de la demande n’ayant pas ce même besoin d’investissement).
Le Tribunal Européen conclut, au regard de l’objectif du mécanisme de capacité qui est la sécurisation de l’approvisionnement en électricité, que la mise en place de contrats de durée supérieurs (3 ans et 15 ans) est nécessaire et justifiée pour favoriser les investissements dans de nouvelles capacités (aide aux nouveaux entrants). Toutefois, toujours au regard de l’objectif de sécurisation de l’approvisionnement, le Tribunal conclut également que « les opérateurs de gestion de la demande sont dans une situation équivalente à celle des producteurs », et qu’il « incombait donc à la Commission de vérifier si la limitation de l’offre de contrats de capacité d’une durée supérieure à un an aux seules capacités de production permettait malgré tout au marché de capacité d’être neutre sur le plan technologique, sans fausser la concurrence entre producteurs et opérateurs de gestion de la demande. ».
La Commission ayant simplement supposé que les opérateurs de gestion de la demande n’avaient pas les mêmes besoins en investissement pour entrer sur le marché que les producteurs et n’ayant pas mené d’enquête pour estimer quantitativement les besoins d’investissement des opérateurs de gestion de la demande, le Tribunal considère que des investigations doivent être menées pour lever les doutes de traitement discriminatoire et désavantageux de la gestion de la demande.
Les règles actuelles peuvent non seulement constituer un frein à l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs de gestion de la demande, mais aussi constituer un frein au développement de nouvelles offres innovantes nécessitant des investissements coûteux, notamment avec le développement des compteurs communiquant et le déploiement des appareils connectés liés qui peuvent par exemple permettre de monitorer et de piloter la consommation du client (Télécommunication client, smart home, etc…).
Le coût total de chaque enchère est divisé entre les fournisseurs d’électricité au prorata de la consommation de leurs clients aux heures de pointe en hiver, entre 16h et 19h les jours de semaine entre les mois de Novembre et de Février. Pour Tempus Energy, cette méthode de calcul n’incite pas à consommer moins lors des pics de consommation, l’impact d’une réduction de la consommation lors des quelques pics annuels étant dilué dans la moyenne effectuée sur tout l’hiver. Tempus Energy réclame à la place un recouvrement calculé sur la base des 3 plus hauts pics annuels de la demande (méthode dite de « triade »), qui récompensera plus les consommateurs s’effaçant lors des réelles périodes de pointe. Pour la Commission Européenne, la méthode de calcul actuelle bénéficie à tous et est un compromis nécessaire entre incitation à la réduction de la consommation et réduction de l’incertitude sur le reste à payer pour les fournisseurs d’électricité. Par ailleurs, la Commission défend que la nature de la méthode de recouvrement n’est pas pertinente dans la décision de validation du mécanisme de capacité au regard de son objectif de sécurisation de l’approvisionnement électrique.
Cependant, c’est bien la méthode de la triade qui a été dans un premier temps considérée par le gouvernement Britannique, avant d’être soumise à consultation publique puis d’être modifiée en faveur de la méthode actuelle. Tempus Energy affirme que ce sont les fournisseurs intégrés verticalement (qui sont également producteurs) qui ont réclamé cette consultation publique et qui ont modifié la méthode de recouvrement à leur avantage. La méthode actuelle a en outre été adoptée sans enquête approfondie sur ses impacts sur le mécanisme de capacité et sur ses impacts sur la concurrence.
Le Tribunal Européen conclut que la méthode de recouvrement a un impact sur les volumes de capacité achetés : par exemple, la méthode de la triade favoriserait une diminution de la consommation en période de pointe, entraînant une diminution des volumes nécessaires, et donc une diminution de la facture pour les consommateurs. Le Tribunal reproche également à la Commission de ne pas avoir mené d’enquête pour vérifier si la méthode de recouvrement actuelle, favorable aux fournisseurs intégrés verticalement, pouvait constituer une distorsion de la concurrence et un obstacle à l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs de gestion de la demande.
Tempus Energy reproche au mécanisme de ne pas répondre à l’obligation d’encourager et de fournir des incitations adéquates aux opérateurs de gestion de la demande, à cause des conditions de participation au marché qui sont jugées difficiles pour les opérateurs de gestion de la demande.
Ces difficultés seraient les suivantes :
La participation aux enchères transitoires (T-1 entre 2016 et 2018) a été facilité pour les opérateurs de gestion de la demande, puisqu’ils n’ont pas besoin de certificats de capacité pour vendre leurs capacités. Selon Tempus Energy, les opérateurs de gestion de la demande seraient alors encouragés à participer à ces enchères transitoires au détriment des enchères long terme T-4, ce qui conduirait « à verrouiller le marché en raison des contrats de capacité long terme accordés aux producteurs lors de ces enchères ».
ii. Concernant les interactions entre enchères T-1 et T-4 (grief retenu)
Tempus Energy et la Commission Européenne reconnaissent que les enchères T-1 sont particulièrement importantes pour les opérateurs de gestion de la demande et sont plus adaptées que les enchères T-4 en raison des délais de réalisation des opérateurs. Tempus Energy reproche au mécanisme de ne pas apporter de garanties quant au volume de capacités acheté sur le T-1, ni même d’apporter de garanties sur l’organisation d’enchères T-1, contrairement aux enchères T-4. Par ailleurs, le volume de capacités acheté en enchères T-1 est restreint comparé au volume acheté en enchères T-4, ce qui peut limiter le développement de la gestion de la demande.
iii. Concernant les conditions de participation aux enchère durables (grief retenu)
Tempus Energy considère que certaines conditions de participation au mécanisme de capacité constituent une barrière à l’entrée de nouveaux opérateurs de gestion de la demande sur le marché. Les conditions critiquées sont le seuil minimal de capacité de 2 MW et les garanties de soumission visant à couvrir les incidents de capacité à durée indéterminée, jugées trop élevées.
Bien que les opérateurs de gestion de la demande aient la possibilité d’agréger leurs sites pour atteindre le seuil de 2 MW, Tempus Energy réclame un seuil plus faible à 100 kW comme c’est le cas dans l’exemple Américain sur lequel s’est basé le gouvernement Britannique pour justifier que le mécanisme mis en place favoriserait le développement des offres de gestion de la demande. Les garanties de soumission sont exigées pour les nouvelles capacités de production et opérateurs de gestion de la demande non confirmés lors de tests (le prix des garanties étant de 5650 €/MW). Par ailleurs, dans le cas de sites agrégés, les garanties de soumission doivent être payées sur l’ensemble des 2 MW même si seulement une partie infime de ces 2 MW n’est pas confirmée.
A contrario de Tempus Energy, la Commission juge que le seuil de 2 MW est faible et favorise la participation des opérateurs de gestion de la demande, tandis que les garanties de soumission sont nécessaires compte tenu de l’objectif du mécanisme de capacité qui est la sécurisation de l’approvisionnement en électricité.
Les conclusions du Tribunal Européen :
Le Tribunal Européen conclut que :
Les faits :
Tempus Energy réclame une rémunération supplémentaire pour les opérateurs de gestion de la demande pour les limitations de pertes de transport et de distribution de l’électricité, actuellement non prise en compte dans les rémunérations de capacité fournies par les opérateurs de gestion de la demande. Cette rémunération supplémentaire créerait une incitation visant à améliorer l’efficacité du réseau.
Pour le gouvernement Britannique et pour la Commission Européenne, l’absence de rémunération supplémentaire est justifiée par le fait que le marché de capacité a pour unique objectif de sécuriser l’approvisionnement en électricité, et non de récompenser chaque avantage fourni par les différentes technologies.
Les conclusions du Tribunal Européen :
Le Tribunal, au regard de l’objectif du mécanisme de capacité qui est la sécurisation de l’approvisionnement en électricité, conclut que les arguments de Tempus doivent être rejetés.