La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Dans le domaine des RH comme dans d’autres domaines, le choix d’une solution logicielle a toujours induit le choc entre deux visions souvent inconciliables...
...celle de l’ERP tout intégré présentant une polyvalence forte en termes de fonctionnalités mais souvent généraliste et la solution hyperspécialisée dans un domaine fonctionnel. L’avènement récent des places de marché semble mettre fin à cette dualité.
Pour outiller leur fonction RH, les décideurs de la DRH et de la DSI sont confrontés à une offre toujours plus pléthorique. L’offre Logiciel RH se répartit entre :
Les acteurs généralistes proposent des suites complètement intégrées avec une couverture fonctionnelle la plus étendue possible proposant une expérience unifiée à l’utilisateur en terme d’IHM et de saisie. L’intégration technique des différents modules permet de fluidifier les échanges de données rendant inutile l’emploi d’interfaces. Leur vaste couverture fonctionnelle permet aux entreprises de gérer leurs principaux processus RH sans démultiplier les applications (administration, paie, formation, gestion des talents, etc.).
A contrario, ces suites, même celles en Saas, peuvent souvent être complexes à intégrer et donc ne pas être à la portée de toutes les entreprises. De plus, leur couverture fonctionnelle étendue et le fait qu’elles s’adressent au plus grand nombre induit qu’elles sont souvent peu adaptées aux particularités de chaque entreprise. Elles proposent des fonctionnalités plus ou moins avancées qui ne représentent pas l’état de l’art dans chaque domaine.
A l’opposé de l’approche généraliste évoquée précédemment, les applications best of breed présentent des fonctionnalités très poussées dans leur domaine d’expertise. Elles privilégient avant tout la complétude des fonctionnalités proposées sur un domaine métier précis. Par exemple, la société 360Learning a développé des applications avancées dédiées au monde de la formation : haute vélocité pour déployer des formations, formations offline disponibles sur mobile, feedback continu, etc. Leur expertise fonctionnelle associée à l’absence de contraintes liées à d’autres modules leur permet de développer et de déployer rapidement de nouvelles fonctionnalités à même de répondre aux attentes des experts.
Toutefois comme pour les solutions intégrées, la force des applications best of breed fait aussi leur faiblesse. En effet, leur hyperspécialisation oblige l’entreprise utilisatrice à faire l’acquisition d’autres applications pour couvrir les domaines fonctionnels manquants. Cela induit une expérience moins homogène pour les utilisateurs, une complexification du SIRH et un alourdissement de son coût. De plus ces systèmes sont souvent tributaires d’informations dont ils ne sont pas maîtres, notamment les données de gestion administrative. Cela entraine la nécessité de mettre en place des interfaces entrantes et sortantes qui peuvent vite transformer un projet métier en un projet technique.
Chaque solution a ses avantages et ses inconvénients et il est fréquent de voir DRH et DSI partagés, voire en opposition, sur la bonne approche à adopter dans la phase de cadrage d’un projet RH. Dans le cas des suites, l’intérêt commun des acteurs RH est privilégié alors que, pour les best of breed, les principaux bénéficiaires sont les experts d’un domaine fonctionnel donné.
Conscients de leurs lacunes et du coût requis pour développer, potentiellement ex nihilo, des fonctionnalités, certains éditeurs se sont lancés dans des politiques de rachats ciblés. A titre d’exemple, SAP a fait l’acquisition de la société Multiposting, spécialisée dans le publipostage d’offres d’emploi, pour renforcer son module recrutement. Talentsoft, a racheté e-doceo, éditeur spécialisé dans la formation, afin de combler une absence dans son offre de gestion des talents. Autre exemple : pour enrichir ses fonctions analytiques, Cornerstone a fait l’acquisition de la société Evolv spécialisée dans l’apprentissage automatique sophistiqué et dotée d’un savoir-faire reconnu en termes d’analyse Big Data.
Ces acquisitions présentent plusieurs avantages pour l’acquéreur. Tout d’abord, elles lui permettent de mettre la main sur une expertise fonctionnelle qui faisait défaut ou/et une nouvelle technologie. Ce rachat est potentiellement moins couteux que le fait de faire développer en interne un nouveau module via de la R&D. Il permet aussi de contourner les écueils liés au déploiement d’une nouvelle technologie (manque de maturité, anomalies potentielles, etc.) en rachetant une technologie éprouvée. Enfin, le rachat permet de récupérer une base de clients installés.
Pour autant, cette stratégie ne comporte pas que des avantages. En premier lieu, le rachat induit une problématique humaine puisque l’éditeur acquiert en plus de la technologie des collaborateurs. Ces derniers viennent avec leur propre culture d’entreprise, leur propre management. Intégrer de nouveaux collaborateurs venant d’un rachat n’est jamais chose aisée. En second lieu, il existe aussi une problématique technologique. En effet, l’acquéreur va devoir faire cohabiter potentiellement deux technologies et donc deux lignes de développement, qui rend sa R&D plus couteuse. Les mutualisations de codes sont possibles tout comme la mise en place de passerelle via des API (Application Programming Interface), mais une imbrication complète de plusieurs technologies ne peut se faire sans des investissements. Et ces investissements se traduisent par des risques d’anomalie et de baisse de la capacité de développement de nouvelles fonctionnalités.
Donc, si l’acquisition d’un éditeur permet de combler une lacune rapidement, elle s’accompagne de problématiques substantielles. Tous les éditeurs n’ont pas la capacité d’intégration d’entreprises rachetées de SAP ou d’Oracle. Dans un écosystème aussi mouvant que celui des technologies, recourir trop souvent à cette option peut poser problème. C’est du secteur grand public qu’est venue une solution pour contourner les problèmes évoqués précédemment.
Avec la sortie de son iPhone, la société Apple a mis à la disposition de ses potentiels partenaires un app store qui leur permet de mettre à disposition des utilisateurs leurs applications moyennant rétribution ou non. Cela permet à Apple d’enrichir le contenu de son appareil sans recourir à du développement en interne tout en percevant une commission sur les transactions qui sont réalisée par l’intermédiaire de son app store. Seule limite, la nécessité de développer l’application via le kit de développement fournis par Apple. Cette idée de magasin d’application a été reprise par des éditeurs notamment RH tout en l’affranchissant de la problématique du kit de développement à respecter grâce aux API qui permettent de faciliter les échanges de données et les interactions entre les différents logiciels sans remettre en cause leur architecture technique.
Ainsi Smartrecruiters, éditeur d’un logiciel de recrutement (Application Tracking System ou ATS), met à disposition de ses clients une marketplace. Sur cette marketplace sont référencés l’ensemble des partenaires de l’éditeur qui proposent des technologies complémentaires pouvant enrichir l’ATS : job boards, outils de sourcing, outils d’évaluation des candidats, onboarding, etc. Chaque partenaire (270 recensés à date) est référencé dans une ou plusieurs catégories. Les clients de Smartrecruiters peuvent rechercher librement et s’inscrire au service proposé en contactant l’éditeur dans la marketplace. Une fois le lien contractuel établi, le service est activé dans l’ATS en toute transparence sans changement d’environnement pour l’utilisateur.
Talentsoft a également lancé son projet de marketplace suite à la signature de son partenariat avec le Lab RH en 2016. Elle sera directement intégrée dans sa suite et donnera accès aux fonctionnalités proposées par les éditeurs membres du Lab RH sur un périmètre très large (recrutement, gestion des compétences, etc.). D’autres éditeurs se sont lancés dans le même type d’initiative, au-delà même du monde des RH, comme Oracle avec sa Cloud Markertplace, Cornerstone avec ses solutions Marketplace et Edge, ou SAP avec son SAP Store.
Salesforce a poussé la logique encore plus loin. Editeur bien connu de solutions CRM mais absent du domaine des RH sur lequel il souhaitait se développer, Salesforce a bâti, notamment, un écosystème RH autour son offre AppExchange. Il permet à un client de se bâtir un SIRH à la carte en sélectionnant des offres existantes, plus de 80 pour les RH et 1 000 en tout, sur des domaines fonctionnels précis : Crosstalent pour la gestion RH ou Cornerstone pour la partie formation par exemple. S’il n’est pas satisfait de l’offre existante il peut créer soit même l’application dont il a besoin en utilisant les outils mis à disposition en pouvant même la vendre sur l’AppExchange à terme.
A noter enfin que certains petits éditeurs partenaires sont parfois rachetés par des éditeurs d’app exchange (Ex : Jobspotting qui vient d’être racheté par Smartrecruiters).
Les atouts des places de marché sont multiples. Elles permettent de :
Bien entendu, il existe des inconvénients pour un éditeur à rejoindre une app exchange : difficulté à construire une identité propre au sein d’un ensemble très normé, dépendance vis-à-vis de l’éditeur principal qui peut induire un biais dans les négociations commerciales, difficulté à fidéliser le client qui est moins dépendant techniquement, etc.
Pour autant, les avantages restent nombreux et le premier étant de presque mettre fin à cet antagonisme durable entre les ERP intégrés et les best of breed. Dès lors, dans le cadre du choix d’un futur outil, qu’il soit RH ou non, le métier et la DSI doivent se pencher sérieusement sur le potentiel de ce type de service et en tenir compte dans la définition des critères de sélection. Les impacts en termes d’urbanisation du SIRH sont aussi à évaluer car il ne s’agit plus d’un service rendu par la DSI mais par un intermédiaire externe.