La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Les premiers jours dans une nouvelle entreprise sont souvent vécus comme un moment crucial pour le salarié qui cherche à faire une première bonne impression à son employeur, à sécuriser sa période d'essai, mais aussi à s'intégrer dans sa nouvelle équipe.
Pour réussir ses débuts dans son nouveau travail, il est conseillé au candidat recruté d'observer son nouvel environnement et son fonctionnement, d'écouter les personnes qui le composent afin de comprendre le milieu dans lequel il va évoluer.
Dans le même temps, les employeurs incitent les nouveaux embauchés à la proactivité, à faire preuve d'initiative et à aller vers les autres. La clé de l'intégration semble donc résider dans un subtil dosage entre le respect et l'acceptation de la culture et des rites de l'entreprise et l'affirmation de soi. Mais si le collaborateur reste maître de la réussite de son intégration, l'employeur y joue également un rôle primordial.
Le terme d'intégration renvoie au concept de socialisation organisationnelle, c'est à dire l'apprentissage de son rôle au sein de l'entreprise. Il s'agit donc non seulement d'appréhender les aspects techniques de son poste, mais aussi de comprendre et d'intégrer l'environnement culturel et social de l'organisation. En d'autres termes, c'est selon Feldman (1976) le processus par lequel un individu, étranger à l'organisation, est « transformé en un membre participatif et efficace ». [1]
Cette période n'est donc pas fixe dans le temps : elle peut débuter selon les avis, dès la phase de sélection au moment du recrutement, et ne s'achever que plusieurs années après l'arrivée dans l'entreprise. En fait, l'intégration du collaborateur doit être anticipée et sa préparation débute donc en amont de son arrivée dans l'entreprise (définition du parcours d'intégration du nouvel arrivant, anticipation des besoins logistiques...). Par ailleurs, la communication de l'employeur sur la culture, les valeurs du Groupe et l'organisation interne commence dès le premier contact avec le candidat. Ainsi, la plupart des annonces pour un poste comporte un paragraphe décrivant brièvement l'entreprise et ses valeurs. C'est déjà une première étape pour aider le candidat à connaître l'entreprise et à choisir celle où il pourra s'intégrer. Enfin, il est difficile de définir une date de fin, car chaque collaborateur aura un ressenti différent sur son intégration. En effet, l'acquisition de connaissances sur l'entreprise peut perdurer dans le temps et même ne jamais se terminer. L'intégration se définit donc plutôt à travers des objectifs qu'à travers une période de temps fixe et délimitée. Du côté de l'entreprise, cette phase correspond à la mise en oeuvre de la stratégie d'intégration définie en amont et à laquelle est associée la construction d'outils: formations, entretiens, accompagnement individuel, stages « découverte » et stages « terrain »...
La phase d'intégration présente tout d'abord des enjeux économiques. Accompagner le nouvel embauché dans sa prise de fonction permet de le rendre plus rapidement opérationnel, productif et autonome. Si le processus de familiarisation du salarié avec sa nouvelle entreprise n'a pas été préparé à l'avance, le délai d'apprentissage risque de s'en trouver affecté, que ce soit par l'absence de suivi, de formation ou par une mauvaise circulation de l'information. Et chaque jour de retard peut entrainer perte d'argent et de temps pour l'entreprise.
De plus, une intégration réussie a aussi des répercutions sur la performance de l'équipe du nouvel arrivant, qui se voit déchargée d'une charge de travail supplémentaire qu'aurait pu entrainer une erreur de recrutement. Enfin, fidéliser l'embauché dès son arrivée permet à l'employeur d'éviter toute rupture de contrat à l'initiative du salarié pendant la période d'essai. On estime en effet que le recrutement raté d'un cadre supérieur peut coûter de 100 à 150 K €.
Mais au-delà de ces enjeux purement financiers, des enjeux RH et des enjeux de réputation rendent également cette étape stratégique. Tout d'abord, un apprentissage trop long et mal organisé risque de générer un sentiment de frustration et de découragement, qui va indéniablement impacter la qualité du travail et la motivation. D'autre part, une période d'intégration encadrée permet de cultiver chez le collaborateur une adhésion à la culture et aux valeurs du groupe et un engagement durable. Il n'est pas rare qu'un nouveau collaborateur soit en contact avec d'autres candidats sur le marché de l'emploi et qu'il ait fortement activé son réseau social et professionnel durant sa période de recherche. C'est donc un relai de communication privilégié sur l'attractivité de l'entreprise et sur son image de marque. Ainsi, le parcours d'intégration sur 12 mois des nouveaux collaborateurs appelé « 1st Steps@RenaultGroup » et développé par Renault constitue l'un des arguments du groupe pour attirer les jeunes talents. D'autres sociétés, comme Sodexo ou L'Oréal, communiquent particulièrement sur leurs efforts et leurs parcours d'intégration pour recruter les meilleurs profils.
L'intégration constitue donc un processus clé et stratégique pour l'entreprise et représente un levier de la fonction RH pour consolider sa légitimité et renforcer l'importance de sa fonction. Aujourd'hui, quasiment toutes les grandes entreprises ont formalisé un processus d'intégration comprenant une partie commune à l'ensemble des arrivants et une partie spécifique en fonction du profil de chacun et de son lieu d'intégration. Tout l'enjeu réside en effet dans la capacité de l'entreprise à adapter ce processus en fonction de sa taille, de son contexte (implantation locale ou internationale...), mais aussi du profil recruté et du métier exercé par le collaborateur. La pertinence et la qualité du processus facilitent l'intégration du collaborateur, mais aussi le rôle des acteurs RH et des managers qui y sont impliqués.
[1] FELDMAN, D.C. (1976). A contingency theory of socialization.