Benchmark des Plateformes de Gestion de la…
Après avoir frôlé la faillite en 2001, la Turquie occupe aujourd'hui le 17ème rang des puissances mondiales[1] devant la Suisse et la Belgique (respectivement 19ème et 20ème) et juste derrière les Pays-Bas.
Le bilan économique de la Turquie sur cette dernière décennie est en effet remarquable. Au prix d'une cure d'austérité drastique la dette a été ramenée de 75% à 41% du PIB (à titre de comparaison, la dette française atteint aujourd'hui 85% du PIB), et de transformations économiques, politiques et structurelles considérables, l'économie et le système bancaire turc ont été assainis et renforcés.
Fortement touchée par la crise avec un recul de l'activité de 4,8% en 2009, l'économie turque connaît un spectaculaire rebond. Au deuxième rang mondial (+8,9%) en 2010 derrière...la Chine, la Turquie s'est hissée à la tête des pays du G20 les plus dynamiques au premier trimestre 2011 : plus encore que sa croissance à deux chiffres (11%), le formidable potentiel de son secteur bancaire intrigue et attire.
Le système bancaire turc s'articule autour de deux autorités administratives indépendantes : Le BRSA (Banking Regulation and Supervision Agency), représentant l'autorité de régulation et de contrôle, et le SDIF (Saving Deposit and Insurance Fund), à la fois assureur, administrateur provisoire et liquidateur.
Créé en 2001 dans le cadre du « Banking restructuring program » que nous évoquerons ci-après, l'institution du BRSA en tant que régulateur et superviseur du système bancaire, responsabilités qui incombaient auparavant à la Banque Centrale et au Trésor, marque une réelle volonté d'assainissement du secteur et d'alignement sur les standards internationaux. Le BRSA dispose entre autres du pouvoir réglementaire, d'agrément, de sanction.
Le SDIF, quant à lui existe depuis 1983. Assureur doté de ressources propres, il se finance par le « droit d'entrée » versé par les établissements bancaires. Le SDIF peut également jouer le rôle d'administrateur provisoire. En effet, lorsque le BRSA lui confie la gestion d'un établissement, il dispose de tous les droits et obligations de l'établissement géré (vente d'actifs, fusion, transfert d'actifs...). Enfin, le SDIF est aussi un liquidateur investi de pouvoirs exceptionnels, notamment pour les établissements dont l'autorisation d'exercer a été annulée par le BRSA.
Mis en place pour lutter contre l'inefficience d'un secteur qui souffrait d'une gouvernance peu crédible et d'une une forte « ingérence » politique, le « Banking Restructuring Programme » a fait partie intégrante du plan de sauvetage économique de la Turquie à son lancement en 2001. Entre 2002 et 2008, ce programme s'est décliné sous 5 axes :
Les résultats du programme de restructuration parlent d'eux-mêmes : alors qu'en 2002 l'actif total du secteur représentait 130 milliards de dollars, soit 57% du PIB turc, il représente 465 milliards de dollars en 2008, soit 77% du PIB turc (625 milliards aujourd'hui).
De plus, la structure financière du secteur s'est renforcée par l'initiative du BRSA. En 2006, le régulateur rehausse les exigences de fonds propres au dessus du plancher de 8% fixé par Bâle II pour lutter contre la crise de la dette. Porté à 12% minimum, le ratio d'adéquation des fonds propres est en moyenne sur le secteur bancaire turc de 19,4% en 2010[2]. Le BRSA introduira en parallèle un ratio de liquidité globale[3] adapté à la structure du secteur bancaire turc. Du fait de sa forte exposition aux devises étrangères et notamment au dollar, le BRSA distingue la liquidité en lires turques et la liquidité en devise. Le ratio de liquidité en devise étant fixé à 80%, la somme des deux ratios doit au moins être égale à 100%. En outre, les banques sont tenues de transmettre trimestriellement au BRSA leurs états mensuels de liquidité sous peine de sanctions.
Plus de 65% des banques en Turquie sont des banques commerciales. On dénombre également une forte présence des banques de développement et d'investissement (plus de 26%).
Concernant leur structure actionnariale, seules 50% des banques sont privées en Turquie. L'état garde une part de marché importante (30%) autour de 3 groupes : Ziraat, VakifBank et HalkBank.
Si les banques turques présentent des capitalisations boursières bien plus modestes que celles affichées par les locomotives brésiliennes et russes, elles restent en revanche parmi les banques « émergentes » les mieux cotées. Parmi les banques des pays émergents figurant au classement des 2000 compagnies publiques les plus importantes, les 3 premières banques turques - Garanti, Isbank et Akbank - se placent aux 4ème, 5ème et 6ème rangs[4].
L'explication d'un tel succès : un système bancaire assaini s'appuyant sur un business model simple. En effet, le chiffre d'affaires des banques est en grande partie généré par l'équipement des ménages en produits de base : comptes de dépôt, moyens de paiement, prêts à la consommation. En conjuguant croissance et démocratie, le secteur bancaire turc bénéficie d'un volume d'activité important stimulé par la consommation des ménages.
Sans autres perspectives de croissance que la consolidation sur leur marché national, les banques occidentales visent désormais les pays émergents. Le marché bancaire turc est à ce titre particulièrement prometteur et de fait attrayant.
En effet, malgré la crise, qui démontrera d'ailleurs la robustesse du système bancaire s'appuyant sur des ratios de fonds propres élevés, la demande de crédits n'a pas cessé d'augmenter. Entre 2009 et 2013, les prévisions font état d'une croissance moyenne de 22% par an[5] des crédits et de 15% pour les dépôts. Les marges y demeurent intéressantes, malgré une baisse des taux d'intérêt par la Banque centrale turque compensée par un volume de souscription croissant. De plus, avec 65% de la population ayant moins de 35 ans, et un taux de bancarisation qui reste faible, les perspectives de croissance sont bien réelles.
De plus, ce marché est particulièrement réceptif à l'innovation. Avec plus de 120 millions de cartes bancaires émises à la fin du 1er trimestre 2011 (en croissance de plus de 40% sur les 5 dernières années), la Turquie se positionne en leader du marché européen d'ATM avec plus de 1,8 million de terminaux. La Turquie prévoit d'ailleurs de déployer en 2012 la 1ère carte d'identité nationale au monde à intégrer une fonction de paiement (standardisée aux normes internationales des cartes de paiement à puce). De nombreuses banques turques ont par ailleurs apporté leur soutien pour le développement de ce nouveau moyen de paiement. Cette carte d'identité devrait également présenter la fonction de e-passeport biométrique.
Ainsi, parmi les opérations majeures concernant des banques occidentales en Turquie, nous notons :
Cependant, dans un contexte économique mondial tendu, la Turquie va devoir rapidement relever un nouveau défi, celui de l'assainissement de son modèle de croissance aujourd'hui en surchauffe. Inflation, déséquilibre chronique de sa balance commerciale, affluence de capitaux spéculatifs, autant d'éléments qui poussent les économistes à revoir les perspectives de croissance à la baisse pour les années à venir. Quant au secteur bancaire, il pourrait être affecté par les fragilités des économies européennes et américaines, notamment de part une forte « dollarisation » de ses bilans.
[1] Classement FMI 2011 (PIB/Pays)
[2] Source : BRSA
[3] Ratio de liquidité globale = prêts/dépôts * 100
[4] Classement prenant en compte le CA, le profit/perte, l'actif total et la capitalisation boursière.
[5] Source : TEB