La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La convergence entre les télécoms et les media (le fameux contenu-contenant) est depuis des années au cœur des débats sur les diversifications des entreprises de ces deux secteurs.
La convergence entre les télécoms et les media (le fameux contenu-contenant) est depuis des années au cœur des débats sur les diversifications des entreprises de ces deux secteurs. Cette convergence hausse parfois les titres des sociétés à l’origine de cette stratégie avant de les plonger au plus bas au gré des conclusions des analystes. Optimisme ou pessimisme quant aux potentielles économies d’échelles et l’optimisation de coûts de transactions ou pessimistes sur la capacité d’intégration liée entre autres aux incompatibilités culturelles de rapprochement des équipes télécoms et média sous une même entité.
On se souvient de la chute vertigineuse du cours de Vivendi (plus de 80% de sa valorisation boursière) deux années après l’acquisition exceptionnelle d’Universal. Malgré cet épisode et d’autres similaires, cette stratégie de convergence, associée à des acquisitions verticales, revient sur le devant de la scène régulièrement. En cause trois raisons principales :
Après une période d’accalmie, la convergence des télécoms et media est à nouveau mise en avant dans la stratégie des acteurs. On a récemment assisté à une course à l’acquisition de droits de diffusion du football par les acteurs des télécoms qui ambitionnent de proposer un service exclusif, fidélisant pour leurs abonnés et attractif pour leurs prospects – la propriété du contenu n’est désormais plus exclusivement une affaire de groupe media. A l’issue de ce premier épisode de compétition, on assiste à une seconde bataille entre les acteurs ; le litige porte cette fois sur une divergence de points de vue sur la logique de partage de revenus liés à la diffusion de contenus habituellement en libre accès.
Si on se place du point de vue des opérateurs, il semble indéniable qu’il n’y a pas de logique à devoir rétribuer un fournisseur de contenus afin de diffuser des programmes mis gratuitement à la disposition des consommateurs. A contrario, on peut comprendre qu’un groupe média souhaite être rémunéré sur la mise à disposition de contenus que l’opérateur des télécoms agrège à sa proposition de valeur client. Cette situation est pourtant en vigueur depuis plusieurs années et on peut s’interroger sur l’origine réelle de la récente éclosion de cette divergence.
C’est en analysant l’évolution des modèles économiques des parties prenantes qu’on peut comprendre l’origine de ce débat. En effet, en complétant leur offre avec les contenus mis à la disposition des groupes média, les opérateurs télécoms ont largement contribué à l’évolution des usages du consommateur. La consultation de ces contenus, désormais en replay ou en streaming, réduit mécaniquement l’audience télévisuelle et donc le revenu de la publicité (les revenus publicitaires sur Internet demeurant sans commune mesure des revenus publicitaires TV). Même si la part de l’Internet et du replay dans la durée d’écoute du média TV reste légèrement sous la barre des 10% on constate que ce chiffre est en croissance de plus de 40% depuis deux ans et s’accompagne donc d’une érosion des revenus des acteurs media.
De leur côté, les groupes TV considèrent que c’est grâce à leurs contenus que les opérateurs télécoms ont pu diversifier leur proposition de valeur et capter de nouveaux clients. Ils estiment ainsi que la perte de revenus publicitaire issus de cette nouvelle forme d’audience s’est accompagnée d’une création de valeur dont seuls les opérateurs télécoms bénéficient aujourd’hui. Le modèle économique tend à se réinventer et après de vives tensions entre les acteurs, la solution semble se stabiliser. Sur des accords de gré à gré entre média TV et opérateur télécoms chacun est parvenu à un accord sur la base de sa perception de la valeur des contenus diffusés.
On assiste peu à peu à une dérive du modèle économique des acteurs media TV ; on passe d’un modèle gratuit et financé par la publicité vers un modèle financé par le distributeur et, à terme, nécessairement par le consommateur. Au-delà de cette déformation du modèle, demeure le sujet de l’impartialité et de la non-discrimination commerciale impliquant une juste et équitable rétribution par les opérateurs télécoms. Les seules discussions de gré à gré rendent impossible la transparence et la cohérence des accords passés et on peut se demander comment le régulateur ne pourrait être impliqué en qualité d’arbitre. Mais quel serait le régulateur compétent pour un arbitrage entre télécoms et media ? Cette nouvelle convergence impliquerait-elle un rapprochement des deux autorités compétentes sur ces marchés, l’ARCEP et le CSA ?