La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Au moment de la publication des résultats du Q3 2021, Sia Partners vous propose un retour sur quelques chiffres clés de l’exercice 2020.
Alors que cet exercice 2020 a été plombé par la crise du COVID-19, les chiffres publiés sur le T2 2021 montraient une tout autre tendance, avec des résultats en hausse – voire des records historiques dans certaines cas – et un coût du risque bas (qui avait pourtant explosé l’année précédente). Reste à voir si les résultats du Q3 2021 confirmeront ce retour au beau fixe pour les banques françaises.
Dans cette étude, L'Observatoire des Banques revient sur la performance des banques françaises en 2020 afin de les comparer et dégager les grandes tendances en identifiant 7 Chiffres clés qui ont structuré l’année écoulée.
Retrouvez ici les chiffres clés des Banques Françaises en 2020.
Du fait du ralentissement de l’activité économique engendré par la pandémie mondiale de coronavirus et la chute importante des revenus qui en a découlé, la majorité des acteurs bancaires enregistrent une baisse, plus ou moins maîtrisée, de leur PNB entre 2019 et 2020. D’après l’ACPR, la baisse du PNB provient principalement de la Banque de détail (à l’international et en France), de la Gestion d’actifs et de la banque privée. A titre d’exemple, la Société Générale a enregistré une baisse marquée de son PNB de 2,6 milliards d’euros en raison des effets du covid et de l’environnement de taux bas, d’effets de change défavorables et de cessions d'actifs qui ont entraîné une contraction des revenus de la banque de détail en France (inférieurs de 5% à leur niveau de fin 2019), dans les services financiers internationaux et les activités de marché.
En revanche, il peut être souligné que le groupe Crédit Agricole et La Banque Postale ont enregistré une légère hausse de leur PNB, respectivement de 300 millions et de 1100 millions d’euros par rapport à 2019. Le groupe Crédit Agricole justifie cette performance par la reprise de l‘activité de détail en France, notamment portée par la croissance des crédits à la consommation, des crédits immobiliers et des produits d’assurances. Pour la Banque Postale, cette évolution est essentiellement due au changement de périmètre et la fusion avec CNP Assurances le 4 mars 2020 – à noter ici que la baisse des commissions côté LBP est également liée à cette fusion (hausse des charges de commissions sur prestations d’assurances, dont des commissions de distribution d’assurances de CNP Assurances).
Il est à souligner que le taux d’exploitation moyen des groupes bancaires étudiés est resté relativement stable sur l’exercice considéré ce qui démontre une certaine résilience des banques : il était d’environ 70% en 2019 contre environ 69% en 2020. Crédit Agricole, Société Générale, BPCE et BNP Parias ont bénéficié d’un effet de ciseaux positif : elles sont parvenues à améliorer leur Résultat Brut d’Exploitation (de 7% en moyenne au T3 2020 vs. T4 2019) tandis que leurs frais de gestion ont baissé de 4% en moyenne sur la période notamment grâce à leur rationalisation.
Par exemple, et conformément aux objectifs de son plan stratégique « Road to 2020 » lancé dès 2017, BNP Paribas a entrepris un vaste chantier de transformation digitale et industrielle qui lui a permis de réduire ses frais de gestion de 3,6% par rapport à 2019. Le Groupe Société Générale enregistre quant à lui une baisse de 5,7% de ces coûts par rapport à l’année 2019 – et entend bien poursuivre cette tendance en 2021 par une gestion stricte de ses coûts.
Le contexte sanitaire a eu un impact significatif sur la gestion des risques des grands groupes bancaires. En effet, toutes les banques ont fait face à une explosion du coût du risque, qui a plus que doublé chez BPCE, Crédit Mutuel, Crédit Agricole et Société Générale, et a qui presque triplé côté La Banque Postale entre 2019 et 2020. En moyenne, le coût du risque a progressé de plus de 143%. Cette évolution spectaculaire du coût du risque trouve son origine dans les incertitudes générées par la crise sanitaire : les banques ont dû provisionner les pertes attendues sur les crédits octroyés. Cette explosion du coût du risque, analysée plus en détail dans cet article, explique en grande partie la dégradation du résultat net part du groupe sur la même période.
Une chute importante du résultat net a pu être observée au sein de la grande majorité des banques entre 2019 et 2020, et s’explique principalement par l’explosion du coût du risque comme exposé ci-dessus, conjuguée à une baisse du PNB. Toutefois, l’ampleur de ce phénomène varie en fonction du groupe bancaire considéré. Si la dégradation du résultat net est particulièrement marquée côté Société Générale (-108%), elle semble davantage maitrisée côté BNP Paribas (-14%), démontrant l’efficacité et la résilience de son modèle diversifié et intégré. A noter que seule la Banque Postale enregistre une tendance diamétralement opposée de ses concurrents en enregistrant une progression du résultat net de 438%, à mettre en lien avec l’acquisition de CNP Assurances la même année.
Cette érosion du résultat net part du groupe a entraîné une baisse marquée du taux de rentabilité entre 2019 et 2020 (à l’exception encore une fois de La Banque Postale) : en moyenne, le taux de rentabilité des banques étudiées a baissé de 7 points de pourcentage. La Société Générale voit sa rentabilité baisser de 15 points de pourcentage, la baisse la plus importante observée parmi le panel des banques considéré.
Dès mars 2020, la BCE a demandé aux banques de ne pas verser de dividendes aux titres des exercices 2019 et 2020, et ce jusqu’en octobre 2020, compte tenu de la crise du COVID-19. L’objectif était d’assurer ainsi la capacité des banques à continuer à financer les ménages et les entreprises durant la pandémie. Cet appel à la prudence a été renouvelé en décembre 2020, lorsque la BCE à demander aux banques de se montrer particulièrement prudentes en matière de dividendes et de rachats d’actions, les dividendes devant rester inférieurs à 15 % des bénéfices cumulés des exercices 2019 et 2020 et ne pas dépasser 20 points de base du ratio CET1. La dégradation du résultat net part du groupe en 2020 contribue aussi à expliquer le niveau des dividendes versés. Ainsi, les grands groupes bancaires français n’ont pas versé de dividendes au titre de l’exercice 2019, et ont recommencé à en verser au titre de l’exercice 2020, mais avec une certaine prudence.
Depuis juillet 2021, la Banque centrale européenne (BCE) a levé ces recommandations qui pesaient sur la distribution de résultats par les banques de la zone euro. Cette décision très attendue par les grands groupes bancaires permis au Groupe BNP d’opérer une revue dans sa politique de distribution au mois de septembre 2021, portant le total des dividendes payés en 2021 à 2,66 euros, soit un taux de distribution de 50 % du résultat net part du Groupe de l'année 2020. Une reprise est donc perceptible pour les versements de dividendes au titre de l’année 2020, mais elle n’atteint pas les niveaux de distribution observés en 2018, suite notamment à la baisse des résultats nets et aux recommandations de la BCE.
Dans ce contexte de crise sanitaire, les banques ont renforcé leur solidité financière comme en témoignent les ratios prudentiels. D’une part, les groupes bancaires sont parvenus à accroître leur ratio global de solvabilité au cours de la période, au-delà des exigences instaurées par la réglementation prudentielle, en particulier au sein de La Banque Postale, où ce ratio passe de 16,2% à 24,5% entre 2019 et 2020 et peut s’expliquer par l’acquisition de CNP. D’autre part, les groupes bancaires étudiés sont également parvenus à améliorer la qualité de leur bilan. A la suite des recommandations de la BCE, les dividendes réalisés au titre de l’année 2019 n’ont pas été versés mais ont été réintégrés aux fonds propres (CET1). Ainsi, en dépit de résultats nets en recul et de la hausse des risques pondérés (Risk Weighted Assets – RWA), les ratios de solvabilité common equity tier 1 (CET1) et Tier 1 ont progressé en 2021 au sein de tous les acteurs étudiés, parfois même sensiblement. C’est le cas de la Banque Postale qui a vu son ratio Tier 1 passer de 13,2% à 21,3% en raison de l’acquisition de CNP, mais aussi, dans une moindre mesure du Groupe Crédit Agricole dont le Tier 1 ratio a progressé de 16,8% à 18,3%.
Tout d’abord, durant la crise du covid-19 les grands groupes bancaires semblent avoir globalement poursuivi leur objectif de réduction des effectifs. Cette tendance déjà été observée depuis une dizaine d’années semble avoir accéléré en 2020 : la Fédération bancaire française (FBF), estime que cette baisse d’effectifs dans le secteur bancaire représente une perte totale de 6 000 emplois en France en 2020, soit 1,7 % des effectifs pour la seule année 2020. Au total, BNP Paribas, Société Générale, la Banque Postale et le Groupe BPCE enregistrent un écart total de 15 570 emplois entre 2019 et 2020. Toutefois, le Groupe Crédit Agricole a conservé le niveau de ses effectifs tandis que le Crédit Mutuel les a légèrement augmentés (+ 400 personnes) sur la même période.
Ces évolutions s’expliquent en partie par les départs en retraite (bien que moins nombreux en 2020 que l’année précédente), mais surtout par un ralentissement marqué des recrutements et des démissions (ces dernières restent la première cause de départ) au cours de l’année dernière. Au total, les banques ont continué à embaucher mais ont recruté 14 693 CDI en moins entre 2019 et 2020. Cette situation a entraîné par voie de conséquence la baisse du taux de turn-over (CDI) qui s’élève à 6,6% en 2020 versus 8,1% en 2019 selon la FBF. Il est fort probable que cette tendance se poursuive à l’avenir, en raison notamment du contexte de taux d’intérêt bas, de la chute de la fréquentation des agences et de l’automatisation grandissante des métiers.
Plusieurs enseignements ressortent cette analyse. Tout d’abord, le cadre réglementaire né des accords de Bâle a été un atout considérable : il a permis aux banques françaises de se montrer particulièrement résilientes tout en satisfaisant les besoins de financement de l’économie. Outre leur solidité financière, les grands groupes bancaires français sont également parvenus à maintenir une certaine efficacité opérationnelle, comme en témoigne la stabilité des coefficients d’exploitation, grâce à des chantiers structurels de grande envergure. La bonne performance des banques publiés sur le premier semestre 2021 tendent à montrer que la crise est terminée – tendance à confirmer.
Il importera que les grandes banques se montrent particulièrement vigilantes en 2021 : elles devront à la fois soutenir la reprise économique tout en maîtrisant leurs politiques d’octroi de crédit et de gestion des risques. Compte tenu du recours massif aux prêts, facilité en 2020 par les mesures gouvernementales et des risques de défaillances qui en découlent aujourd’hui, les banques ne seraient plus confrontées à un risque de liquidité comme en 2008, mais bien à un risque de solvabilité.