La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le grand débat national mené en 2019 a mis en évidence les difficultés de la mobilité en dehors des grandes agglomérations.
Le grand débat national mené en 2019 a mis en évidence les difficultés de la mobilité en dehors des grandes agglomérations. Pour y répondre, des propositions émergent pour une offre de transport public de qualité dans les zones rurales et périurbaines. A ce titre, de nouvelles solutions voient le jour autour du rail.
L’utilisation du véhicule privé évolue de manière opposée selon la densité de population. Entre 1999 et 2010, la part modale de la voiture a progressé de 6 points dans les zones hors aires urbaines, contre une diminution de 3 points dans les aires urbaines dans la même période. [1] Si les réseaux et les services de transport en commun se sont accrus au sein des grandes villes pour mieux les desservir, ils se sont en revanche détériorés en zone peu dense.
En 2019, 87% des actifs français utilisent la voiture individuelle pour au moins un déplacement quotidien (66% pour se rendre à leur travail), tandis que seulement 31% passent par les transports en commun. La part du covoiturage (5%) et de l’autopartage – ou location de voiture en libre-service (2%) reste très faible.[2] La faible fréquence de passage, les retards et l’illisibilité des tarifs sont les principales raisons avancées expliquant les difficultés des transports publics à toucher un plus large public.
Depuis 1996, le réseau routier a progressé, passant de 963 451 km à 1 092 913 km en 2016. De la même façon, les transports ferrés urbains (métros, tramways et RER en Île-de-France) ont connu un développement de leur infrastructure : de 736 km à 914 km dans la région parisienne, et plus spectaculairement de 181 km à 745 km dans les villes en région. A contrario, le réseau ferré national (RFN) exploité par la SNCF a connu une réduction en taille, passant de 31 852 km en 1996 à 28 364 km en 2016.[3] Ce constat appuie les critiques selon lesquelles les investissements dans les routes font l’objet d’études et de réflexions moins rigoureuses (la maxime « Pour la route, on élargit. Pour le rail, on réfléchit. »).
Entre 2017 et 2018, le nombre de liaisons (une liaison est un trajet entre deux points sans correspondance) a connu une baisse de -5,3 % à 27 135 pour l’ensemble des services. Sur les 1 511 liaisons supprimées, 1 027 concernent des services TER. En conséquence, 28 gares ne sont plus desservies par le train. Deux tiers des passagers impactés continuent à bénéficier d’une offre de transport par car. [4] La carte de France ci-dessous met en évidence la situation géographique des gares dont la desserte ferroviaire a disparu en 2018 : celles-ci sont dans leur grande majorité situées dans des territoires à dominante rurale comme l’Occitanie (hors agglomération toulousaine), le Limousin ou encore les Vosges.
Entre 2011 et 2018, 968 km de lignes ont cessé de voir passer des trains de voyageurs. [5]
Cette tendance s’est poursuivie dans les dernières années. Alors que les lignes à grande vitesse ont connu une croissance en taille de +30% entre 2015 et 2018 (2 640 km en 2018), le RFN s’est contracté de -2,1% (28 183 km en 2018).[6]
Les « petites » lignes UIC 7 à 9 (voir explications ci-dessous), dont l’âge moyen est de 37,2 ans, sont passées de 12 169 km en 2015 à 11 684 km en 2018.[7] A partir de 1983 et jusqu’en 2005, le renouvellement du réseau est passé de 1000 km de voies annuellement à 500 km environ. Le reste de l’infrastructure a simplement bénéficié d’un entretien courant, entraînant le vieillissement de l’infrastructure.[8] Ce vieillissement a induit des dégradations, et donc des ralentissements importants de la vitesse commerciale pour éviter des fermetures de lignes.
En Allemagne, la régionalisation du transport ferroviaire de voyageurs est allée de pair avec une amélioration des dessertes fines. Depuis 1996, 500 km de lignes régionales ainsi que 300 gares ont été rouvertes.[9] Le pays est certes environ deux fois plus densément peuplé que la France, ce qui rend la comparaison délicate. Néanmoins, des écarts très importants ont été mis en évidence entre les dessertes rurales de chaque côté du Rhin. Par exemple, pour des trajets de moins de 50 km, la France possède une offre de transport en commun dans 50% des cas contre 60% pour l’Allemagne, mais surtout seule 20% de cette offre de transport public est assurée par le train en France, alors que des liaisons ferroviaires existent dans 60% des cas outre-Rhin. Par ailleurs, la France est moins bien équipée en matière d’amplitude horaire, de fréquence et de temps d’attente en correspondance.[10]
Des rapports font régulièrement état de la dégradation du réseau ferroviaire.
Dès les années 2000, l’École Polytechnique fédérale de Lausanne pointait les problèmes issus des lignes capillaires, dont le vieillissement et l’hétérogénéité des équipements engendraient une maintenance difficile et peu automatisée. La dégradation du réseau a entraîné des ralentissements de vitesse pour pallier le manque d’investissement. [11]
Le rapport intitulé « L’avenir du transport ferroviaire », remis au Gouvernement en février 2018 par Jean-Cyril Spinetta, ancien PDG d’Air France-KLM, proposait de concentrer les investissements pour moderniser les lignes à fort trafic, tout en défendant des fermetures de « petites lignes » qui coûtent cher pour peu de passagers. [12] Paradoxalement, l’émergence d’une conscience environnementale pourrait conforter ce point de vue ; faire rouler des trains peu remplis sur des lignes non-électrifiées (donc des rames consommant aujourd’hui du diesel) a une incidence écologique plus importante que de mettre en place des cars ou de favoriser le covoiturage. Ce d’autant plus que les trains ont une durée de vie longue, et s’adaptent donc lentement à l’évolution des normes environnementales. Pour illustrer cette comparaison, un TER diesel transportant 10 passagers émet 539 grammes de CO2 par voyageur-kilomètre, soit 5 à 10 fois plus que si ces personnes prenaient un car ou bien plusieurs voitures particulières. [13]
Le rapport Philizot publié en février 2020 indique qu’à l’horizon 2030, les besoins financiers en faveur de l’infrastructure des petites lignes se situent à hauteur de 7,6 milliards d’euros, dont 6,4 milliards d’euros restent à engager. Toutefois, les investissements annuels dans les lignes capillaires, qui étaient de 240 millions d’euros de 2015 à 2018, ont connu une forte hausse en 2019 et 2020 (400 millions d’euros). [14] Face à ce constat, le Gouvernement souhaite clarifier la hiérarchisation des lignes ferroviaires en trois catégories : les lignes structurantes financées par le niveau national (État et SNCF Réseau) ; les lignes régionales cofinancées dans le cadre des contrats de plan État-Région jusqu’en 2022, date à partir de laquelle des contrats spécifiques aux transports seront établis ; des lignes locales qui pourront être prises en charge entièrement par les Conseils régionaux en fonction de leur souhait. [15]
Les évolutions d’aménagement du territoire impliquent une demande de mobilité plus forte des habitants dans les territoires peu denses.
Les points d’accueil des services publics sont en baisse en zone rurale. Par exemple, entre 2013 et 2017, les écoles en milieu rural ont connu une réduction en nombre de -5,31% (contre seulement -2,05% en milieu urbain). [16] De même, depuis les années 1980, 25% à 30% des petits commerces alimentaires ont disparu des territoires ruraux. [17]
A contrario, les emplois sont de plus en plus concentrés dans les métropoles. Entre 2009 et 2014, l’emploi a connu une croissance de +0,65% par an dans les métropoles, tandis qu’il régressait légèrement (-0,01% par an) en dehors des métropoles. [18] La population active rurale est donc contrainte de se déplacer vers les centres urbains, alors que les dessertes se sont raréfiées.
Article 27 de la Loi pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018
« Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement une évaluation des lignes les moins circulées du réseau ferré national, en vue d’établir une classification actualisée au regard de l’état des infrastructures, du nombre de circulations et de voyageurs empruntant chaque ligne, de leur utilité collective et de leur contribution à l’aménagement du territoire, en concertation avec les autorités organisatrices et en tenant compte des variations saisonnières de fréquentation. »
En 2018, les parlementaires ont acté la nécessité de remettre en question les politiques passées. Dans la lettre de mission du Gouvernement au Préfet François Philizot, il lui est demandé un diagnostic de l’existant, « l’identification des solutions techniques, organisationnelles, financières et contractuelles permettant d’assurer à un meilleur coût la rénovation et l’exploitation de ces lignes », un travail collaboratif avec chaque Région pour déterminer les solutions les plus adaptées localement, et enfin une mise en œuvre sur quelques projets pilotes. [19] Le rapport Philizot a été rendu public en février 2020.
Le 5 juillet 2019, Guillaume Pépy – Président du directoire du groupe SNCF et PDG de SNCF Mobilités – a appelé à « un débat démocratique avec les citoyens, avec les associations, avec les entreprises, sur le rapport coût/efficacité de chacune de ces « petites lignes ». » [20] Son successeur, Jean-Pierre Farandou, a lui aussi évoqué cette question lors de son audition au Parlement en octobre 2019. Il considère que l’Etat doit consacrer davantage de moyens au réseau ferroviaire, et surtout aux « petites lignes ». [21]
Les manifestations des Gilets jaunes en 2018 et 2019 ont conduit la Ministre des transports Elisabeth Borne à orienter le projet de loi d’orientation des mobilités vers une plus grande prise en compte des problématiques de mobilité en zone peu dense. La loi, votée au Parlement à l’automne 2019, acte donc une réorientation des investissements vers les « mobilités du quotidien » plutôt que vers les grands projets comme les lignes à grande vitesse. Elle instaure également la présence d’une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) sur l’ensemble du territoire français, qu’il s’agisse des intercommunalités ou bien des Régions. Enfin, elle favorise les modes de transport alternatifs, en permettant par exemple le subventionnement du covoiturage. [22]
Plusieurs Régions concernées au premier chef par la réduction des dessertes fines cherchent à assumer la responsabilité des investissements pour conserver un maillage complet, parfois au-delà de leurs prérogatives. Le Conseil régional d’Occitanie, constatant que l’Etat n’investit pas en dehors de ses obligations prévues dans les contrats de plan Etat-Région (CPER), a décidé d’investir 66 millions d’euros dans les « petites lignes » (infrastructure, gares, matériel roulant). [23]
D’une manière générale, les CPER, originellement outils de développement des infrastructures, se sont transformés en outils de renouvellement courant. Or, l’Etat deviendra dès 2020 le propriétaire du réseau. S’il n’en assume pas la charge, les Régions pourraient demander un transfert progressif de la propriété de l’infrastructure, et de nouvelles recettes fiscales. [24]
Les lignes de desserte fine du territoire présentent des contextes variés. Elles peuvent être situées en périphéries de métropoles régionales (étoiles ferroviaires de Lyon, Marseille, etc.), mais aussi dans des territoires très ruraux, voire difficiles d’accès comme en zone montagneuse. Certaines régions sont particulièrement concernées, comme l’Occitanie, dont 54% du réseau est constitué de lignes capillaires. [25]
Les contextes locaux peuvent aussi différer d’une ligne à l’autre. Par exemple, la ligne reliant Villefranche à Latour-de-Carol en Occitanie, dites « train jaune », est un symbole local et présente un important atout touristique pour la région. Dans d’autres cas, les lignes connaissent un déclin démographique ou d’activité qui peut justifier la réduction de l’offre ou le remplacement par des modes de transport alternatif. Ainsi, il ne peut exister une solution unique au niveau français pour l’ensemble des lignes menacées, mais plutôt un panel de réactions possibles.
Ce qu’il convient d’appeler « petites lignes » correspond par convention à une classification internationale dite UIC (Union Internationale des Chemins de fer), qui classe de 1 à 9 les lignes ferroviaires en fonction de leur « trafic fictif ». Ce trafic fictif augmente avec la vitesse des trains et la masse quotidienne des trains. La classe 1 correspond aux lignes les plus circulées, alors que la classe 9 regroupe les lignes les moins utilisées. Cette catégorisation fut établie pour déterminer le niveau de maintenance à mettre en œuvre selon l’intensité d’usage de chaque ligne.
Habituellement, les lignes de classe UIC 7 à 9 sont retenues pour être qualifiées de lignes de desserte capillaire du territoire. Parmi ces lignes, 9 200 km sont empruntés par des voyageurs.[26] [27] Or, cette classification peut poser problème car elle ne dissocie pas le trafic de voyageurs du trafic de fret. Si une ligne accueille peu de voyageurs mais un fort trafic de marchandises, alors le trafic fictif global est élevé, et elle peut être comptabilisée comme UIC 2 à 6, donc exclue du champ des « petites lignes ». Pourtant, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle est plus circulée par des trains de voyageurs qu’une ligne UIC 7. [28] De même, le tonnage fictif est plus bas pour une rame automotrice que pour des voitures tractées par une locomotives, même si la desserte est identique du point de vue de l’usager. [29]
Par exemple, un recensement des lignes de Nouvelle-Aquitaine réalisé en 2018 met en évidence que le classement UIC ne se suffit pas à lui-même pour décider du potentiel d’une ligne. Libourne-Bergerac est classée UIC 8 pour 27,4 millions de voyageurs-kilomètres annuels, alors que la ligne Bordeaux-Angoulême, UIC 2, a une fréquentation de 21,8 millions de voyageurs-kilomètres. Cette seconde ligne est plus longue, ce qui signifie que le nombre moyen de voyageurs est plus faible, malgré sa catégorisation UIC plus élevée. [30]
Le rapport Philizot insiste sur l’hétérogénéité des petites lignes en matière de fréquentation ; 10% des lignes UIC 7 à 9 reçoivent moins de 100 000 voyageurs par an, tandis que 24% connaissent un trafic supérieur à 700 000 passagers annuels. [31]
De même, leurs caractéristiques techniques varient fortement. Cela a une incidence directe sur le type de service que SNCF Voyageurs peut proposer (fréquence, motorisation des rames). 85% des petites lignes ne sont pas électrifiées, tandis que 78% sont en voie unique. [32]
Le rail ne peut pas être pensé dans un cadre fermé. Il compose avec les autres modes de transport, qui peuvent se montrer plus pertinents selon le contexte. C’est pourquoi l’investissement dans le transport ferroviaire doit être conçu dans une logique multimodale.
Bien que la desserte par train reste en règle générale la plus écologique et la plus confortable, elle n’est pas toujours pertinente. Elle peut être trop coûteuse ou encore inadaptée aux besoins de la population. Certains élus considèrent désormais que l’infrastructure peut être réutilisée pour être goudronnée (transformée en route) au profit de bus à haut niveau de service (BHNS : confort élevé et dessertes rapides et régulières) [33], appuyés en ce sens par les conclusions du rapport Philizot. [34] Un projet de ce type est à l’étude au Nord de Lyon, pour retrouver une utilité à la ligne de chemin de fer située entre Sathonay et Trévoux. [35]
Dans cette logique multimodale, le Parlement défend le maintien des subventions aux lignes aériennes d’aménagement du territoire, pour lesquelles le train peut rarement proposer une alternative compétitive. Ce raisonnement s’applique à la desserte de Quimper ; la ville est très éloignée des grandes agglomérations françaises en temps de voyage par train, donc le transport aérien reste une solution pertinente de désenclavement du territoire. [36]
Enfin, en février 2020, dans le cadre de la démarche France Mobilités, le Gouvernement a publié un appel à projets à destination des collectivités pour la mobilité rurale. Il permettra d’obtenir des dérogations pour mener des expérimentations qui ne seraient pas possibles dans le cadre législatif actuel. [37]
L’autocar est un moyen de transport moins performant que le train. En cela, la décision du transfert d’une ligne ferroviaire sur route a généralement pour conséquence une baisse de la fréquentation. En 1981, la ligne SNCF Tours-Chinon transférée sur route a perdu 24% de ses voyageurs, malgré une hausse du nombre de dessertes quotidiennes. En éliminant les facteurs externes, le passage du train au car aurait conduit à une baisse de fréquentation de -40%.[38]
C’est pourquoi trains et cars n’ont de pertinence que s’ils existent en coopération (dessertes complémentaires, correspondances optimisées). La coordination entre les services de train régional et de car interurbain est désormais facilitée par le transfert de la compétence d’organisation des services de transport routier des départements vers les régions depuis la loi portant la nouvelle organisation du territoire de la République (NOTRe, adoptée en 2015). [39] De surcroît, la loi de modernisation de l’action publique territorial et d’affirmation des métropoles (MAPTAM, adoptée en 2014) a fait des Conseils régionaux les chefs de file de l’intermodalité. [40]
En 2019, la Chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur demandait au Conseil régional d’examiner la pertinence du maintien des lignes Nice-Tende et Marseille-Miramas, qui représentent 2% de la fréquentation des TER de la région, alors que 7% seulement des charges sont couvertes par les recettes commerciales. [41] Les magistrats ont appliqué un raisonnement classique, mais le raisonnement inverse est tout aussi solide : le transport ferroviaire étant une industrie de réseau, l’augmentation du maillage territorial a des effets bénéfiques sur l’ensemble du territoire. Sur les lignes précitées, il est possible que l’offre actuelle soit mal adaptée à la demande. Cela ne signifie pas nécessairement que les lignes n’ont pas de potentiel. Si le Conseil régional décide d’augmenter le nombre de dessertes et d’élargir l’amplitude horaire, alors la fréquentation pourrait connaître une hausse notable. En effet, 67% des Français déclarent être prêts à utiliser moins leur véhicule individuel au profit des transports publics si la fréquence de passage près de leur domicile de trains, cars et bus augmente significativement. [42] En outre, les lignes peu fréquentées génèrent des flux au profit des lignes plus empruntées ; leur suppression a donc des conséquences sur les dessertes majeures.
En Italie, la ligne de Merano à Malles (Tyrol), qui avait fermé en 1991 pour cause de fréquentation insuffisante, a rouvert en 2005 grâce à un investissement de 120 millions dans la rénovation de 60 km de voie et l’acquisition de matériel roulant. Avec un cadencement à l’heure – contre 5 trains quotidien avant 1991 – la ligne a connu un succès immédiat. Au bout de cinq ans, elle accueillait 7 000 voyageurs par jour, dépassant même la capacité initiale des rames. [43]
En 2016, le Cerema [44] a comparé les performances de trois « petites lignes » : une ligne exploitée par SNCF Mobilités – désormais SNCF Voyageurs (Guéret-Felletin, en Nouvelle-Aquitaine), une ligne exploitée par la Compagnie du Blanc-Argent, filiale de Keolis – groupe SNCF - depuis 1999 (Valençais-Salbris, en Centre-Val de Loire), et la dernière gérée par la filiale de Transdev CFTA dans le cadre d’un affermage pour la SNCF (Carhaix-Paimpol, en Bretagne) :
Exemple de polyvalence mise en place en cas d’urgence par la Compagnie du Blanc-Argent (Keolis, groupe SNCF) [50] :
Les redevances dues à SNCF Réseau reflètent mal les coûts supportés par le gestionnaire d’infrastructure. La construction et la maintenance du réseau représentent des coûts fixes élevés, alors que l’usure marginale provoquée par le passage d’un train supplémentaire augmente peu les frais. Or, SNCF Mobilités (ainsi que les nouveaux entrants à partir de 2020) paie des péages unitaires semblables selon qu’elle fait circuler peu ou beaucoup de trains sur une même ligne. Ce système devrait évoluer vers des péages fixes plus élevés, et des redevances amoindries à partir du seuil de rentabilité de SNCF Réseau. De cette manière, le développement d’une offre importante, notamment durant les heures creuses, serait encouragé financièrement. Pour les opérateurs, une offre étendue sur toute la journée facilite aussi l’optimisation des roulements de personnel.
Le document de référence du réseau 2021 (DRR) proposé en septembre 2019 par SNCF Réseau représente une opportunité pour l’amélioration de l’offre des « petites lignes ». Parmi les avancées proposées [51] :
Les redevances de marché (précédemment redevances de réservation) représentaient 2,1 milliards d’euros de recettes pour SNCF Réseau en 2017, soit 38,5% de l’ensemble des redevances. Ce serait un levier important de réduction de la structure de coût pour l’opérateur d’une « petite ligne ». [52] En 2016, les péages représentaient en effet entre 20% et 32% des coûts d’exploitation de SNCF Mobilités pour l’activité TER selon les Régions. [53]
En février 2020, l’autorité de régulation des transports a émis un avis concernant l’évolution du document de référence du réseau. L’autorité ne s’oppose pas à une réduction des redevances pour les lignes UIC 7 à 9, mais rappelle que SNCF Réseau doit respecter le principe d’iso-recettes. Ainsi, une hausse des redevances pour les autres lignes (UIC 2 à 6) est nécessaire. [54] L’ART doute de la pertinence de séparer heures creuses et heures de pointe en matière de redevances, mais ne s’oppose pas sur le principe. [55] En revanche, l’autorité demande à SNCF Réseau de revoir la réduction des péages de -25% au-delà d’un seuil sur les « petites lignes », car deux trajets similaires ne peuvent pas financer l’infrastructure de manière inégale. [56] Enfin, l’ART veille à ce qu’un cadre différencié pour les nouveaux entrants n’entre pas en contradiction avec les normes européennes en matière de concurrence libre et non faussée. [57] A cet effet, il ressort qu’une réduction des redevances unitaires peut être permise dans le cas de nouveaux services, au regard de l’objectif de développement de l’offre de transport ferroviaire. [58]
L’augmentation de l’offre a un fort potentiel en heure creuse. En dehors des heures de pointe, les coûts marginaux sont faibles : augmentation limitée des frais de maintenance de l’infrastructure, utilisation des matériels roulants déjà acquis. Par ailleurs, cet accroissement du cadencement et de l’amplitude horaire des trains permettrait d’attirer des voyageurs qui ne peuvent pas se contenter de liaisons domicile-travail en heures de bureau, et ceux qui effectuent des correspondances. Cela concerne notamment des travailleurs aux horaires décalés, mais aussi des voyageurs occasionnels et des touristes. Ces derniers paient en général un billet plein tarif, ce qui constitue un moyen de financer les services bénéficiant à la population locale. A cet égard, le Cerema recommande d’intensifier l’utilisation des trains durant les heures creuses plutôt que de proposer ces dessertes par car. Le car est davantage pertinent en heure de pointe, afin de prendre en charge le surplus de demande par rapport à la capacité du matériel ferroviaire existant. [59] De cette manière, les rames dont le coût est compté en millions d’euros sont gérées au plus près des besoins, et les cars dont le prix d’achat est bien plus faible permettent une certaine flexibilité.
Les Régions ont intérêt à mesurer le potentiel de scolaires qui peuvent emprunter le transport ferroviaire, afin d’adapter les horaires de trains aux horaires des établissements scolaires. Dans certains cas en Allemagne, ce sont les établissements scolaires qui doivent adapter leurs horaires au parcours des trains. [60] De la même façon, le potentiel touristique est sous-estimé par les Régions. [61] Des tarifs intégrés dans les logements de vacances (taxe de séjour) ou encore dans les loisirs peuvent inciter les touristes à l’utilisation des transports en commun.
Parmi les innovations avancées pour les lignes peu circulées, un bureau d’études a imaginé le Taxirail, une navette ferroviaire autonome (sans conducteur). Il s’agirait d’une rame légère, avec une capacité d’emport de 40 personnes, dont 15 places assises. Le projet prévoit d’adapter les horaires de ce train en fonction des besoins des voyageurs, grâce à l’intelligence artificielle. Le Taxirail pourrait même devenir un transport à la demande durant les heures creuses. Il pallierait à la fois la rigidité des horaires de train incompatibles avec les besoins de déplacement, et aussi la part modale très élevée de la voiture individuelle, plus polluante que le transport ferroviaire. Bien que plusieurs Conseils régionaux s’intéressent au projet, un prototype du Taxirail n’est pas prévu avant 2021. Des analyses plus détaillées seront nécessaires pour tester la viabilité d’un tel véhicule, d’autant plus qu’aucune fourchette de tarif n’a pour l’instant été communiquée. [62] [63]
La clef de la réussite de la revitalisation des « petites lignes » passe par une gouvernance locale. Les décideurs les plus proches du terrain et du quotidien des usagers sont les plus à-mêmes de connaître la complexité des enjeux d’aménagement. C’est pourquoi de nouvelles opportunités sont données aux Régions. La loi d’orientation des mobilités, votée à l’automne 2019 par le Parlement, permet aux Régions qui le souhaitent, et sous certaines conditions, de désigner un gestionnaire d’infrastructure par appel d’offres. SNCF Réseau sera donc amenée à répondre à des appels d’offres, ce qui lui permettra de proposer des innovations répondant directement au cahier des charges des autorités organisatrices. [64]
Article 172 du projet de loi d’orientation des mobilités
« […] Les lignes d'intérêt local ou régional à faible trafic du réseau ferré national peuvent, sous réserve de l'accord préalable du ministre chargé des transports et après avis de SNCF Réseau, faire l'objet d'un transfert de gestion […] au profit d'une autorité organisatrice de transport ferroviaire, à la demande de son assemblée délibérante.
Par dérogation […], l'autorité organisatrice de transport ferroviaire bénéficiaire assume les missions de gestion de l'infrastructure et peut confier à toute personne la pleine responsabilité de tout ou partie de ces missions de gestion de l'infrastructure sur les lignes faisant l'objet du transfert de gestion. […] »
Cette possibilité intéresse notamment le Conseil régional Grand Est, qui a publié en mars 2019 un avis de pré-information pour l’attribution de la régénération et de la maintenance de la ligne Nancy-Contrexéville pour une durée de 22 ans. [65] Actuellement, une portion de cette ligne ferroviaire est fermée du fait du mauvais état des voies, et la desserte est assurée par car. Par ce biais, la Région devient pleinement décideur et financeur de l’avenir d’une ligne en zone peu dense. La Cour des comptes préconise d’ailleurs une séparation au sein des infrastructures (gares et réseau) : l’infrastructure nationale serait financée par l’Etat et gérée par SNCF Réseau et SNCF Gares & Connexions. L’infrastructure régionale et locale serait quant à elle financée et gérée par les Conseils régionaux, qui délégueront cette responsabilité le cas échéant. [66]
En février 2020, le Gouvernement a indiqué qu’il avait mis en place des protocoles d’accord avec les Régions Grand Est et Centre-Val de Loire. En plus de clarifier le financement des infrastructures ferroviaires, ces accords déterminent les lignes qui pourront être reprises en gestion par les Conseils régionaux, par exemple la ligne métrique à voie unique du Blanc-Argent pour Centre-Val de Loire. [67] La Région Grand Est prendra à sa charge dès 2020 plusieurs lignes : Nancy-Vittel (section Jarville-Vittel), Épinal-Saint-Dié-des-Vosges (section Arches-Saint-Dié-des-Vosges), Molsheim-Saint-Dié-des-Vosges, Sélestat-Obernai. [68]
Par ailleurs, des partenariats avec des entreprises implantées localement permettront de proposer des solutions innovantes et adaptées au contexte du territoire. Par exemple, il peut s’agir de régies comme les Chemins de fer de Provence ou la Régie des transports des Bouches-du-Rhône (RDT13) en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La RDT13 est d’ailleurs sous-traitant de VFLI (groupe SNCF) pour le transport du pétrole produit par la raffinerie Total de La Mède. Les opérateurs de transport urbain sont aussi susceptibles de se développer vers les chemins de fer lourds ; RATP Dev, qui exploite plusieurs réseaux de transport en commun dans l’Ouest de la France (La Roche-sur-Yon, Brest…), pourrait par exemple postuler à un appel d’offres ferroviaire des Pays de la Loire, après avoir répondu à l’appel à manifestation d’intérêt du Conseil régional en 2019. [69]
En Allemagne, des études sont menées par plusieurs Länder (régions) pour la réouverture de « petites lignes ». Par exemple, les Länder de Hesse et de Rhénanie-Palatinat (proche de Francfort-sur-le-Main) cherchent à rouvrir une ligne de 53,7 km fermée en 1986. [70] La ligne du Schönbuchbahn située dans la région de Stuttgart prouve que l’initiative locale peut porter ses fruits ; fermée à la circulation des voyageurs en 1966 puis à toute circulation en 1988, la ligne est acquise en 1993 par un syndicat intercommunal pour un Deutsche Mark symbolique auprès de l’opérateur historique Deutsche Bahn. Depuis 1996, la ligne est exploitée par la Württembergische Eisenbahn-Gesellschaft (WEG), filiale de Transdev. Elle transporte aujourd’hui plus de 10 000 voyageurs par jour, avec une fréquence de 30 minutes à une heure, et une couverture horaire large (5h30 – 0h30). Face à ce succès, le syndicat intercommunal a acté en 2017 l’électrification de la ligne et l’augmentation de l’offre avec un cadencement en journée de 15 minutes.[71] Lorsque la régionalisation sera aboutie en France, les Conseils régionaux français pourraient s’inspirer de ce volontarisme local sur leur propre territoire.
Les coûts d’infrastructure représentent une part importante de la production ferroviaire. Cela est d’autant plus vrai pour les « petites lignes », où l’amortissement de l’investissement initial est compliqué par le faible nombre de circulations, c’est-à-dire un niveau de recettes issues des péages bas. Plusieurs pistes sont envisagées pour réduire les contraintes d’infrastructure.
Parmi ces options, la desserte du territoire en navette semble intéressante. Il s’agit de faire rouler un train sur une seule voie, en réalisant des allers-retours continus. Ainsi, la maintenance est limitée à une seule voie. Une seule rame est également nécessaire. Enfin, les contraintes de signalisation sont amoindries par l’absence de croisement des trains. Ce type de desserte est surtout pertinent dans le cas de lignes courtes dont le temps de parcours est faible. Pour les lignes plus longues, un système en navette n’est pas conciliable avec une fréquence de passage élevée.
En outre, l’utilisation de véhicules légers pourrait permettre de freiner l’usure du réseau. Lorsque la masse par essieu d’une rame est inférieure à 10 tonnes, le passage du train abîme moins la voie. Le Secrétaire d’Etat chargé des transports Jean-Baptiste Djebbari s’est d’ailleurs prononcé en faveur de nouvelles expérimentations de trains légers, sur le modèle du réseau gallois géré par Keolis. [72] L’objectif du Gouvernement est de développer une filière industrielle du train léger afin de réduire le coût d’acquisition unitaire de ce type de matériel roulant. Nonobstant la diminution des coûts de maintenance d’infrastructure, les autorails et plus encore les trams-trains présentent des inconvénients importants. Tout d’abord, leur vitesse maximale est moindre que celle des rames classiques pour des raisons de sécurité et de confort. Par exemple, le tram-train Alstom Citadis Dualis, en service dans l’Ouest lyonnais, peut rouler jusqu’à 100 km/h. En Allemagne, les trams-trains sont limités à 90 km/h. [73] De plus, leur durée de vie est souvent plus courte. En outre, ces trains ne sont pas nécessairement assez légers ; le Citadis Dualis présente par exemple une charge de 11,5 tonnes à l’essieu, ce qui ne permet pas une rupture significative des normes de gestion des voies. [74] La plupart des constructeurs ont arrêté la production de trains léger, y compris le Suisse Stadler, dont le modèle Regio-Shuttle RS1 est utilisé dans la région de Stuttgart. [75] Enfin, une maintenance adaptée uniquement aux trains légers implique de limiter l’interopérabilité du réseau avec des trains longue distance comme les Intercités et des trains de fret.
Aujourd’hui, le coût d’un kilomètre de voie est souvent situé au-delà d’un million d’euros, un prix considéré comme trop élevé par certains élus. [76] Les référentiels utilisés pour l’infrastructure des « petites lignes » sont semblables à ceux des « grandes lignes », alors que des normes plus souples pourraient être utilisées, compte-tenu du faible trafic et de la vitesse réduite, afin d’alléger les coûts de réseau. De même, la sortie du réseau ferré national (RFN) permettrait une baisse des dépenses. [77] Pour répondre à ces demandes, SNCF Réseau propose une méthodologie détaillée pour la régénération des voies et leur entretien à coût réduit. De manière similaire, des entreprises proposent de remplacer le ballast qui occupe les voies par une nouvelle technique appelée grave-bitume, moins onéreuse, et aussi défendue par Michel Neugnot, Vice-Président en charge des transports de Bourgogne-Franche-Comté. [78]
Certaines « petites lignes » font face à des risques en matière de sécurité, notamment la présence de nombreux passages à niveau, au nombre de 15 405 en France. [79] Or, l’aménagement d’un pont ou d’un tunnel représente un coût très élevé, et ne peut pas être réalisé pour chacun des passages à niveau sur le territoire. En 2019, le Gouvernement a acté deux orientations qui favoriseront la sécurisation plus rapide des croisements route-rail. Ainsi, les lignes ferroviaires menacées du fait de ces croisements auront plus de probabilités d’être maintenues ou rétablies. L’Etat français augmentera dans les prochaines années sa participation aux travaux d’aménagement, passant de 32 millions d’euros en 2018 à 45 millions d’euros en 2022. Il a également décidé de favoriser les aménagements légers moins onéreux (ni ponts ni tunnels) afin de traiter un nombre plus conséquent de passages à niveau tous les ans. [80]
Certaines « petites lignes » ont un fort potentiel de trafic de marchandises. La SNCF et les décideurs politiques pourraient attirer plus souvent des investissements de la part de sociétés industrielles, et ainsi réduire la part des deniers publics dépensés dans l’infrastructure.[81] Cette option nécessite pour l’industrie une visibilité sur l’évolution du fret ferroviaire, aujourd’hui insuffisante. La Région Occitanie a par exemple décidé de rouvrir l’ensemble d’une liaison transfrontalière franco-espagnole jusqu’à Canfranc, qui servira à la fois au transport de passagers et au transport de marchandises. [82]
Ces dernières années, les Conseils régionaux ont beaucoup investi dans des rames neuves (notamment les modèles Alstom Regiolis et Bombardier Regio2N). Or, elles nécessitent plusieurs années avant livraison, et coûtent cher : autour de 8 à 10 millions d’euros. Pour des lignes peu fréquentées, des rames plus petites et moins chères suffisent. En 2014, la Région Limousin avait opté pour des automotrices X73500 d’occasion ; les 7 rames ont coûté environ 500 000 euros à l’unité, contre 1,7 millions d’euros pour un modèle neuf. [83]
Le roulement des rames est une autre piste d’optimisation. Les TER sont utilisés en moyenne 4 heures par jour (deux fois moins que le parc allemand de DB Regio), contre 7 heures pour les TGV et 12 heures pour les OUIGO. [84] Le loueur de matériel roulant Alpha Trains indique que ses rames parcourent en moyenne 200 000 kilomètres par an en Allemagne, alors que la moyenne en France se situe entre 80 000 et 120 000 [85], ce qui a pour effet un amortissement plus élevé des coûts fixes par kilomètre parcouru. Le potentiel d’accroissement de l’utilisation des rames déjà existantes peut donc permettre de limiter le renouvellement coûteux des trains.
Frank Lacroix, Directeur Général de l’activité TER de la SNCF, évoque également la mise en place envisagée pour 2023 d’un train autonome, qui permettrait de meilleures performances opérationnelles tout en réduisant le besoin de conducteurs, dont le recrutement s’avère difficile. [86]
Dès sa nomination à la tête de la SNCF, Jean-Pierre Farandou a mis en avant son expérience de terrain en tant que chef de gare à Rodez pour défendre une plus grande polyvalence des tâches (« de la gestion des circulations à la vente des billets et même un coup de balai dans le hall... »). [87]
Afin d’augmenter l’offre de service, la SNCF re-déploie des personnels sur les missions où ils ont une haute valeur ajoutée. De plus en plus de trains roulent désormais sans contrôleur à bord, car le conducteur utilise l’équipement agent seul (EAS) de la rame pour assurer la sécurité à bord, en s’appuyant entre autres sur les caméras du train. [88] Ce système, habituel en Île-de-France, fut introduit en 1998 pour les TER sur la ligne Tours-Chinon. [89] 80% des circulations TER se font désormais sans contrôleur à bord. [90] Cela nécessite toutefois que la rame soit équipée du système, ce qui est par exemple le cas des X73500. De plus, les missions assurées en gare sont de plus en plus automatisées (vente de titres via des automates ou Internet), ou remplies par des partenaires de la SNCF, comme la vérification du bon état des équipements par des facteurs dans leur tournée.[91] La SNCF prévoit en outre de généraliser la possibilité pour les conducteurs de décider du départ de leur train sans agent au sol. En Allemagne, l’absence de personnel en gare est une norme pour beaucoup de haltes, même dans des villes moyennes, puisque 92% des gares sont dépourvues de cheminots.[92] La vente des billets dans les trains est plus développée outre-Rhin, où certaines rames sont même équipées d’automates de vente. Enfin, l’ingénierie de l’offre doit permettre de construire des roulements de personnel efficaces, de sorte notamment à limiter les découchés (les nuits passées par les personnels roulants en dehors de leur domicile) et les temps creux.
Ces mesures nécessitent toutefois une certaine prudence. Elles doivent tout d’abord être acceptées socialement par les cheminots, comme l’a montré le droit de retrait qui a fait suite à l’accident survenu le 17 octobre 2019 entre un TER et une machine agricole dans les Ardennes. [93] Par ailleurs, les voyageurs souhaitent conserver un lien humain avec le personnel SNCF, notamment pour ceux qui ont des difficultés à obtenir des renseignements ou acquérir leur titre de transport par Internet. Enfin, les autorités organisatrices préfèrent généralement mettre en place d’autres pistes d’économies dont l’acceptabilité politique est plus forte.
Le besoin d’une gestion locale des « petites lignes » est confirmé par la volonté politique de plus de décentralisation. Les Conseils régionaux sont très intéressés par ces nouvelles possibilités. Ils cherchent à bénéficier du contexte favorable de la réforme ferroviaire, qui devrait permettre une amélioration de l’offre de service, en misant sur l’intermodalité et la complémentarité avec des acteurs locaux. Le législateur et le régulateur doivent veiller à ce que ce bouleversement soit source d’innovation au service d’une meilleure offre de transport public à destination des usagers.
Afin que les Conseils régionaux décident de façon éclairée de l’avenir de leurs petites lignes, le rapport Philizot invite SNCF Réseau à affiner ses outils d’analyse de coût ligne par ligne. Les élus saluent d’ailleurs la politique de transparence mise en œuvre par SNCF Réseau (diffusion des fiches diagnostics de ligne, budgets prévisionnels, guide méthodologique pour une régénération plus économe, etc.). [94] Ce travail de concert entre autorités organisatrices, opérateur et gestionnaire d’infrastructure est la clef de la revitalisation des dessertes ferroviaires capillaires.
La France peut s’inspirer des expériences réalisées depuis les années 1990 chez ses voisins européens, où les trafics ferroviaires ont connu une augmentation, comme en Allemagne, en Suède ou encore en Italie.