La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le marché du « Commodity Trade Finance » est habituellement dominé par les banques. Cependant, elles ne couvrent à ce jour plus que la moitié de ce marché (contre 80% avant la crise financière de 2008).
Les réglementations de plus en plus strictes (Bâle III, EMIR, LCB-FT[1] , KYC, etc.) limitent les banques dans leur capacité de prêts.
Depuis la crise, les acteurs du négoce de matières premières souffrent d’un manque de crédit alors que leur taux de défaut est au plus bas. Dans ce contexte, les commerçants et les producteurs de produits de base se tournent vers d’autres acteurs (fonds d’investissement, commodity-trading houses) afin de répondre à leurs besoins.
Les matières premières (« commodities » en anglais) s'achètent et se vendent directement entre producteurs et utilisateurs via des contrats à long terme ou sous la forme de négoce à court terme auprès des bourses de commerce. Un effondrement généralisé des cours des matières premières a été observé à partir de la crise financière. De plus, le développement rapide des pays émergents (dont les BRIC[2]) et la croissance démographique mondiale suscitent une croissance de la demande de matières premières, qu'il s'agisse de produits agricoles, de métaux destinés à l'industrie ou encore de sources d'énergie comme le gaz et le pétrole. Son financement est donc hautement stratégique pour la plupart des pays, des entreprises industrielles et des utilisateurs finaux.
Depuis 2008, de nombreuses banques de financement et d’investissement (BFI) quittent le secteur des matières premières, jugé moins rentable, et fortement consommateur de fonds propres dans le nouveau cadre prudentiel de la réglementation Bâle III. Pourtant le négoce de matières premières est traditionnellement considéré comme présentant des risques peu élevés en comparaison au marché de l’immobilier par exemple. Les banques qui sont parmi les meilleures de ce secteur avec une portée mondiale ont ainsi réduit leurs expositions. De ce fait, le besoin rapide en capitaux pousse les clients vers d’autres sources de financement car il peine à être satisfait par les banques.
Trois causes majeures expliquent cette pénurie de crédit. D’une part, elle a atteint le « Trade Finance » via des tensions sur le marché interbancaire. Etant une activité de crédit à court terme (90 à 120 jours), ses taux dépendent très fortement des taux interbancaires. Les tensions éprouvées sur la liquidité impactent fortement le commerce international des matières premières. D’autre part, les exigences accrues de capital liées à la règlementation Bâle III ont poussé les banques à limiter les lignes de crédit octroyées aux acteurs du négoce, car la couverture en fonds propres leur coûtait plus cher. Enfin, les banques européennes ont souffert de la pénurie de liquidités en dollars, lorsque, au plus fort de la crise de la dette souveraine en 2011, les banques américaines ont restreint les prêts de dollars à leurs homologues d’outre-Atlantique, jugés risqués. Une grande partie du commerce mondial des matières premières s’effectue en dollars, les activités de négoce de matières premières ont mécaniquement été fortement impactées
D’autres réglementations (dont les exigences KYC « Know Your Customer »), les amendes drastiques pour avoir prêté à des clients douteux en plus de la baisse des prix des produits de base ont aussi contribué à la forte réduction de la présence des banques dans ce secteur, laissant la place à une multitude de nouveaux acteurs non bancaires.
Ces nouveaux concurrents doivent certes respecter les mêmes règles KYC que la plupart des banques mais ils ne sont pas soumis à des limites sur leurs prêts. Leurs processus sont beaucoup plus fluides que ceux des banques multinationales. Cela se traduit par des délais de réponse plus courts : si une grande banque a besoin de six mois pour approuver une cargaison d'engrais dans un pays africain, les acteurs non bancaires affirment pouvoir approuver ce même financement en trois semaines.
Les acteurs non bancaires (NBFIs) ont un rôle important dans le marché de négoce de matières premières. Les institutions non bancaires profitent ainsi du recul des banques et de leurs capacités à fournir plus facilement des capitaux pour combler la pénurie de crédit et les besoins des acteurs de négoce. Au même titre que les banques, ils sont présents à un niveau mondial dans tous les secteurs des matières premières et répondent aux différents besoins client via :
En fonction du type d’institutions non bancaires, ces derniers optent pour des solutions spécifiques :
Les fonds spéculatifs et les autres fournisseurs de financements de matières premières prennent soin d'indiquer que leur stratégie ne vise pas à concurrencer les banques mais se focalise plutôt à combler le gap de marché en fournissant des sources de financement adaptées aux besoins des clients.
[1] Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
[2] BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine