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La concentration du marché bancaire consiste en un rapprochement d’acteurs du secteur, qui dans un effort de recherche de synergies de coûts et de revenus réalisent une croissance non organique.
La légère croissance enregistrée en 2018 des fusions-acquisitions dans le secteur confirme une reprise sur le marché, après des années difficiles et un contexte économique qui n’encourageait pas une expansion du marché.
En Europe, les difficultés structurelles rencontrées s’expliquent par un net repli de la performance - du fait d’un recul des placements financiers et de la détérioration des taux de marge - et par une perte de confiance des clients, qui dirigent leur épargne vers des actifs moins rémunérateurs mais moins risqués. Par ailleurs, l’inflation réglementaire est toujours bien présente et pousse les banques à réaliser des investissements massifs pour se conformer aux exigences des régulateurs. La transformation digitale est un autre objet d’investissement, dirigé cette fois-ci vers l’acquisition de clients, elle peut grever les performances des banques à court terme, mais assure une amélioration des revenus et une baisse des coûts à moyen terme. L’effet presque simultané de l’augmentation des coûts et de la baisse des revenus crée un effet ciseau dont les banques ont du mal à se défaire.
Une des solutions envisagées pour faire face à ces problématiques est la cession d’actifs. Ces opérations permettent aux banques d’économiser des fonds propres, tout en palliant les difficultés de capacité de refinancement. Alors que la qualité des actifs était grandement discutée il y a quelques années encore (les effets de la hausse des créances douteuses suite à la crise de 2008 se font encore sentir), la confiance des investisseurs revient progressivement et les opérations ayant eu lieu ces deux dernières années le montrent bien. La Société Générale a réalisé deux cessions d’actifs, début 2019 pour recentrer ses activités sur son cœur de cible. La banque a cédé sa participation dans La Banque Postale Financement (35%) et sa banque privée en Belgique, après avoir renoncé à ses participations dans les deux sociétés européennes, Self Trade Bank et ExpressBank. Ces opérations pèsent néanmoins à hauteur de 35 millions d’euros sur le compte de résultat de la Société Générale (T4 2018), du fait de l’enregistrement d’un écart d’acquisition.
La concentration se manifeste aussi par un mouvement de restructuration. Toujours motivées par des problématiques stratégiques d’amélioration des ratios économiques, les banques tendent à simplifier leurs activités. En 2018, l’actualité du marché a été particulièrement marquée par une poursuite des mouvements de restructuration auprès de deux types d’acteurs du secteur bancaire :
Les établissements de crédit mutualistes, comme le groupe BPCE, avec deux opérations de rapprochements au sein des réseaux des banques populaires et des caisses d’épargne, et au sein du réseau des sociétés de caution mutuelle du Crédit coopératif, diminue son nombre d’entités consolidées (42 à 33).
Les acteurs du marché de la gestion privée, connaissent aussi un phénomène de concentration, illustré notamment par le rachat de l’entreprise d’investissement SELECTION 1818 par le groupe NORTIA, ou encore le rachat de la plateforme de distribution de produits d’épargne FINAVEO & Associés par un consortium d’acquéreurs évoluant dans le domaine de l’assurance.
Les banques se saisissent également de nouvelles opportunités pour renouer avec la croissance. Elle se lancent dans une course à l’innovation et à la refonte des parcours clients et des usages. Les fintechs, les grandes industries (grande distribution, télécom, médias etc.) et les start-ups sont les fers de lance de ces avancées et sont au cœur des rapprochements de ces dernières années. BNP Paribas rachète Nickel en Avril 2017 pour une somme historique de 200M€. Nickel devient ainsi la Fintech la plus chère jamais achetée en France. BPCE entre dans le capital de Oney Bank après avoir annoncé se séparer de sa filiale allemande Fidor. Enfin, Arkéa mène depuis plusieurs années une stratégie d’investissement centrée sur les start-ups en phase d’accélération. Avec, Leetchi, Pumpkin, Linxo, WeSave, Greesbee et tout récemment Budget Insight, spécialiste de l’agrégation de données financières et extra-financières, Arkéa se dote d’un portefeuille de jeunes pousses qui lui permet d’obtenir la place de premier incubateur de fintechs français. Les synergies recherchées dans ces cas de figure sont souvent externes et focalisées sur une croissance du PNB, mais les banques ne perdent pas de vue les synergies de coûts qui peuvent avoir lieu et l’un des facteurs qui pousse à la concentration est le gain en efficacité opérationnelle, sous-tendu par l’adoption de nouveaux modes de travail pour l’ensemble des métiers de la banque. A l’intégration post fusion-acquisition, les banques visent également l’industrialisation des processus et mènent avant tout un accompagnement du projet en plébiscitant un pilotage par les résultats.
Un pilotage par les résultats, pensé dès l’enclenchement des négociations et le calcul des ratios de valorisation présagent de la valeur de la cible, mais également de la bonne santé financière de l’entité consolidée post opérations. Les niveaux de valorisation ces dernières années ont porté l’accélération des rachats et les autorités de régulation européennes plaident pour des mouvements de rapprochement sur un secteur où les parts de marché des grands groupes restent marginales en comparaison à la situation du marché bancaire nord-américain. Certains projets jugés stratégiques pour les deux acteurs, ne voient finalement jamais le jour faute d’une rentabilité attendue insuffisante en comparaison avec les lourds investissements sur l’opération. C’est le cas de l’union de la Deutsche Bank et Commerzbank, toutes deux en grandes difficultés, qui voyaient dans ce rapprochement un moyen d’améliorer leur rentabilité et le rendement de leurs fonds propres, tout en améliorant l’accompagnement de leurs clients sur le marché domestique et international. Cette opération, fortement encouragée par les autorités financières allemandes a finalement été abandonnée car trop coûteuse en capital et en frais de restructuration. Elle s’inscrivait également dans le contexte d’une importante perte de parts de marché des BFI continentales européennes face aux offensives et à la concurrence anglo-saxonne depuis la grande crise de 2007 (notamment via le modèle bilantiel anglo-saxon, plus favorable face à des règlementations pénalisantes pour le modèle bancaire continental européen)
"Le secteur bancaire européen reste fragmenté : la part de marché des cinq plus grandes banques européennes atteint 20%, comparée à plus de 40% aux États-Unis" François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France
"La consolidation bancaire, comme d’ailleurs pour d’autres secteurs, est clé pour une amélioration au sein de la zone euro et parmi les 27 États-membres de l’Union européenne", Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie et des finances.
La course à la concentration rallie aussi des acteurs extra-européens qui voient le vieux continent comme un port d’attache en période de Brexit. Les banques d’affaires et boutiques de M&A sont les premières concernées et accélèrent leurs projets d’implantation à Paris, Berlin ou Francfort en quittant Londres. Les stratégies paneuropéennes des grandes banques sont fortement compromises en cette période de doute politique et celles-ci rapatrient et restructurent leurs activités en Europe par l’intermédiaire de cession de filiale. HSBC France a ainsi acquis au 1er août HSBC Polska Bank SA en Pologne et HSBC Institutional Trust Services (Irlande) DAC en Irlande. L'entité française a également racheté les activités de sept succursales de HSBC Bank en Belgique, en République tchèque, en Irlande, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Espagne. L'acquisition des actifs et des passifs de ces activités est effective depuis le premier trimestre 2019.
Bien que le secteur bancaire en Europe, avec des taux d’intérêt continuellement bas, entretienne le scepticisme des investisseurs, les conditions pour assister à un mouvement de concentration d’acteurs bancaires en Europe pour les cinq prochaines années pourraient être réunies. Encouragées par l’environnement macro-économique, l’inflation réglementaire et la pression sur les marges, les banques voient souvent la concentration comme l’opportunité d’intégrer de nouvelles compétences au sein de leurs organisations. Ces compétences externes viennent renforcer les lignes métiers existantes, cœur de marché des acteurs du secteur et permettent une croissance non organique aussi bien qu’un renouveau en matière de recherches de synergies et de gain en efficacité opérationnelle.