La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le trafic aérien mondial ne cesse de croître : il est passé de quelques millions de passagers en 1950 à 3,3 milliards en 2014, la barre du milliard de passagers ayant été franchie en 1987.
L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO) estime que le nombre de passagers aériens atteindra les 6 milliards d’ici 2030. Cette augmentation effrénée du trafic remet en cause les modèles logistiques et d’infrastructure actuels des aéroports. Ceux-ci doivent s’adapter rapidement et durablement.
La dynamique actuelle reste considérable puisque le trafic de passagers (exprimé en kilomètres-passagers (RPK)) a augmenté de plus de 5% en 2013 et près de 6% en 2014.
Cette croissance régulière est d’autant plus remarquable que certains aléas auraient pu venir inverser cette tendance : attentats du 11 septembre (et plus globalement la menace terroriste), hausse du prix du pétrole entre 2003 et 2014, enjeux environnementaux, crise financière, etc.
Ces dernières décennies, les compagnies ont élargi leurs capacités d’accueil, soit par une flotte plus importante, soit par une capacité par avion plus grande. En effet, le coefficient d’occupation moyen par avion n’a augmenté que très légèrement (+0,2 % en 2014, pour atteindre 79,7%). Les statistiques publiées par l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA) le 5 février 2015 [1] montrent que les capacités des compagnies aériennes (calculées en kilomètres-sièges disponibles (ASK)) ont augmenté de 5,6% en 2014.
Le trafic intérieur, dont l’augmentation est de 5,4% RPK en 20141 et 4,9% en 20131, est, principalement tiré par les marchés chinois (11% en 2014) et russe.
Au-delà de l’augmentation du trafic de passagers qui impacte les capacités d’accueil des aéroports, ceux-ci font également face à l’augmentation du nombre de mouvements sur les pistes et aux abords des terminaux.
En effet, si le nombre annuel de passagers a plus que triplé depuis les années 80, l’augmentation de la capacité des avions de ligne n’a pas suivi les mêmes proportions.
La capacité moyenne d’un avion de ligne est de 170 places, soit 18% de plus qu’en 1980. L’amélioration des temps de passages au sol a elle aussi permis d’augmenter la capacité annuelle d’un avion. Celle-ci est estimée à près de 200 000 sièges offerts, soit +46% par rapport à 1980 [2].
Ces évolutions n’ont donc pas absorbé le dynamisme de la demande durant cette même période (qui fut d’environ + 340% [3]). Inévitablement, le trafic aérien a augmenté. De nos jours, la flotte mondiale est estimée à 17 000 avions de passagers, alors qu’elle ne comptait qu’environ 5 800 avions en 1980 (soit un développement de près de +285%).
A l’image des 974 nouvelles connexions entre aéroports créées en 2012, le nombre de hubs aériens est également en pleine évolution.
Selon Airbus, le nombre de mégapoles capables de générer un trafic de plus de 10.000 passagers long-courriers par jour - soit l'équivalent d'une vingtaine d'A380 - passera de 42 aujourd'hui à plus de 90 en 2034 [4].
Dans son étude [4], le constructeur français précise néanmoins que près de 70% de l’augmentation du flux sera issu des liaisons d’ores et déjà existantes.
Tout comme sur le nombre de passagers, Airbus vise un doublement de la flotte mondiale d’ici 2034 [4], pour une flotte totale d’environ 36 000 avions (soit 19 000 avions supplémentaires, ce qui représente +112% entre 2014 et 2034). Cette croissance serait en grande partie tirée par l’Asie qui représenterait alors 40% de l’accroissement de la flotte.
Ces avions supplémentaires sont une aubaine pour les constructeurs aéronautiques tels qu’Airbus ou Boeing puisque le marché lié à l’extension de la flotte aéronautique d’ici 2034 est valorisé à 4,7 milliards de dollars.
Plusieurs raisons expliquent la hausse du trafic aérien de passagers.
Les pays émergents connaissent un développement sans précédent sur plusieurs axes simultanés :
L’exemple le plus significatif est la Chine, qui a connu une hausse du trafic aérien de passagers de 11% en 2014 [6]. Ce développement a entraîné un essor sans précédent des compagnies aériennes de ces pays.
Le transport aérien est de plus en plus lié à l’économie mondiale. Par exemple, la crise financière de 2008 / 2009 a eu un impact négatif sur le transport aérien : le nombre total de passagers aériens en 2009 a légèrement baissé. Cette baisse est historique, car le trafic aérien n’a cessé de croître depuis 1945.
Le graphique ci-dessous présente l’évolution du trafic aérien et du PIB mondial entre 1972 et 2012. Ces 2 données suivent globalement les mêmes évolutions. Le trafic aérien grossit en moyenne 1.5 fois plus vite que le PIB mondial [5].
Les compagnies low cost, arrivées depuis plusieurs années sur le marché, ont connu un développement et un succès important. Un tableau récapitulatif synthétise les données de transports des principales compagnies low cost européennes :
Les compagnies régulières ont par conséquent dû s’adapter, et revoir leurs grilles de tarifs afin de pouvoir concurrencer ces compagnies low cost. L’apparition de ces compagnies, doublée de l’alignement des compagnies régulières, a permis à de nombreuses personnes aux moyens limités de voyager, et par conséquent de contribuer à la hausse du trafic aérien.
Cette demande sans cesse grandissante de trafic aérien a des impacts forts sur les aéroports en termes d’organisation et d’infrastructures. La gestion des aéroports implique donc des optimisations en termes de :
Les autorités aéroportuaires doivent donc s’adapter pour faire face au trafic grandissant et à la concurrence. La prochaine partie se focalise sur les grands projets d’infrastructures.
Les aéroports peuvent évoluer sur plusieurs fronts : augmentation des capacités d’accueil, infrastructures intelligentes, développement durable. Nous nous focaliserons dans cet article sur l’augmentation des capacités d’accueil.
Dans certains aéroports en forte croissance, le trafic aérien augmente de telle sorte que le trafic risque d’atteindre bientôt leur capacité d’accueil. Le graphique ci-dessous présente l’évolution de trafic et la capacité de certains aéroports mondiaux en forte croissance.
Pour y faire face, de nombreux chantiers sont en cours partout dans le monde, que ce soit dans les pays émergents ou les pays développés.
Les compagnies aériennes chinoises prévoient accueillir environ 700 millions de passagers en 2020, soit plus du double qu’en 2011. La Chine planifie par conséquent de construire 70 nouveaux aéroports, et d’augmenter la capacité d’une centaine d’autres dans les prochaines années. En parallèle, ces compagnies vont continuer de renforcer leurs flottes, et ont acquis en moyenne environ 300 appareils par an sur la période 2011 à 2015. A elles toutes, les compagnies chinoises disposent de 4 700 avions de ligne en 2015 [7], proportion en hausse, étant donné le total de 17 000 avions toutes compagnies confondues en 2014.
Par exemple, ADPI (Aéroports de Paris Ingénierie) a signé un contrat pour l'extension de l'aéroport Jiangbei de Chongqing, dans le centre du pays, via la création d’un nouveau terminal, qui aura une surface de plus de 400 000 m² et une capacité initiale de 30 millions de passagers par an, puis de 45 millions en 2020 [8].
Trois villes prévoient actuellement de construire de nouveaux terminaux ou un nouvel aéroport afin de devenir le plus grand aéroport mondial, en termes de prévisions d’accueil de passagers : Pékin, Dubaï, et Istanbul.
Suite au choix de Pékin pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2008, la Chine avait décidé d’augmenter la capacité de l’aéroport international de Pékin, la portant à 80 millions de passagers par an) au lieu de construire un nouvel aéroport. Cependant, la croissance du trafic aérien fut si importante ces dernières années que l’aéroport est arrivé à saturation plus rapidement que prévu (+40% entre 2008 et 2011). L’aéroport historique a dépassé sa capacité nominale : 86 millions de passagers en 2014, pour une capacité initialement prévue de 80 millions.
Irrémédiablement, la construction d’un nouvel aéroport international a été décidée : l’aéroport Daxing. Il sera situé au nord-est de Pékin, à l’opposé de l’aéroport international actuel. Le Terminal 1 de cet aéroport sera inauguré entre 2018 et 2019, il sera en capacité d’accueillir dans un premier temps 45 millions de passagers par an. Le Design de ce Terminal 1 est par ailleurs porté par le français ADP Ingénierie (filiale d’Aéroport De Paris). Dans son ensemble, ce nouvel aéroport aura une superficie de 700 000 m², disposera à termes de 6 pistes civiles, et pourra accueillir près de 100 millions de passagers par an, ce qui en ferait l’un des plus grands aéroports au monde [9].
Le nouvel aéroport international de Dubaï, situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de la ville, pourrait devenir le plus important aéroport du monde. Avec actuellement une capacité de 5 millions de passagers par an, l’aéroport Al Maktoum devrait pouvoir gérer un flux de 160 millions de passagers par an d’ici 2025. Ce projet, d’un montant de 30 milliards de dollars, ferait partie d'une immense structure baptisée "Dubai World Central", qui s'étendrait sur 140 km² et inclut une cité logistique, une cité de l'aviation, une zone commerciale et résidentielle et une cité du golf [10].
Les autorités turques, quant à elles, voient les choses en grand : étant donné que les deux aéroports internationaux d’Istanbul voient leur trafic augmenter régulièrement et vont bientôt arriver à saturation, elles ont prévu de construire un nouvel aéroport ayant une capacité d’accueil de 150 millions de passagers en 2023. D’ici là, le nouvel aéroport doit ouvrir ses 6 pistes en 2018. Ce projet coûtera environ 7 milliards d’euros [11].
A titre d’exemples, voici quelques projets phares d’extension.
Avec un trafic de 11 millions de passagers par an, en constante augmentation, l’aéroport de Bali a fait face à d’importants travaux :
La surface totale des terminaux de l’aéroport a atteint 190 000 m², pour une capacité d’accueil de 20 millions de passagers par an [12].
L’aéroport de Changi Singapour, qui a actuellement une capacité de 66 millions de passagers par an, a une augmentation régulière du nombre de passagers, qui a atteint 54 millions en 2014. Pour faire face d’une part à l’augmentation de trafic de passagers, et d’autre part aux aéroports concurrents du golfe et d’Asie, les autorités de Singapour ont décidé d’augmenter la capacité de l’aéroport de Changi, en 2 étapes.
Du côté anglo-saxon, la commission de l’aéroport londonien de Heathrow préconise la construction d’une troisième piste, afin de libérer la pression sur les 2 pistes actuellement existantes, l’aéroport ayant atteint plus de 98% de ses capacités de transport en 2014. Le projet est en cours de développement [14].
Face à la concurrence des pays émergents, et à l’augmentation de trafic de l’aéroport, les dirigeants de Roissy CDG prévoient des investissements colossaux. Ceci prend en compte la construction d’une partie du nouveau terminal 4, dont la mise en service est prévue autour de 2025. Le but de ce terminal est d’accueillir à terme entre 30 et 40 millions de passagers par an, afin d’anticiper l’atteinte de la capacité maximale de l’aéroport, dans les années 2020. Ces investissements auront lieu dans le contrat de régulation de 2021-2025 [15].
L’aéroport de Paris Orly nécessite quant à lui de gros travaux d’infrastructure, qui seront pris en charge par Aéroports de Paris à 100%, à hauteur de 400 millions d’euros. Ces travaux concernent différents aspects :
Du côté de Lyon Saint-Exupéry, les dirigeants d’Aéroports de Lyon ambitionnent de devenir une passerelle plus importante qu’actuellement, pour développer à la fois l’économie, le rayonnement international de Lyon, et son accessibilité. Pour ce faire, Lyon Saint-Exupéry prévoit de pouvoir accueillir 15 millions de passagers par an d’ici 2020. Le principal projet de ce développement consiste en la création d’une extension du Terminal 1, d’une surface de 70 000 m², soit un doublement de la surface des terminaux actuels. Ce terminal accueillera à la fois les compagnies low cost et les compagnies régulières, pour des vols court, moyen et long-courriers. Ce terminal permettra également aux passagers d’avoir une expérience améliorée par rapport à l’existant, à travers de plus grands espaces, et des équipements technologiques innovants [17].
Le trafic aérien mondial augmentant de plus en plus, notamment dans les pays émergents, les dirigeants des aéroports ont su anticiper au fil des années les besoins et les capacités des aéroports. La bataille s’oriente à présent vers le nombre d’aéroports par pays, et la fierté d’avoir le plus grand aéroport mondial. Le développement des infrastructures pourra également s’orienter vers le développement durable et les infrastructures intelligentes.
[1] Communiqué IATA 2015 N°5 et chiffres 2014
[2] OAG, Ascend, ICAO, Airbus GMF 2015
[3] Etude Sia Partners d’après les chiffres de l’OAG, Ascend, ICAO, Airbus GMF 2015
[4] Airbus, Global Market Forecast 2015
[5] Airbus, Global Market Forecast 2015
[6] Chiffres ICAO
[7] Communiqué IATA du 04 décembre 2014
[8] Chiffres ADP Ingénierie
[9] Chiffres Foster and Partners
[10] Article de La Tribune du 17 septembre 2014
[11] Article d’Air Journal du 05 juillet 2015
[12] Article du Jakarta Post du 22 août 2011
[13] Article du Point du 05 septembre 2015
[14] Chiffres de l’aéroport d’Heathrow
[15] Article de La Tribune du 06 juin 2014
[16] Article du Nouvel Observateur du 19 octobre 2012
[17] Chiffres de l’aéroport de Lyon