La reconversion, parent pauvre des politiques d…
De part la globalisation des marchés, l'internationalisation est désormais devenue incontournable pour les entreprises.
Avec l'accroissement des échanges dans un contexte international, la mondialisation, le développement des transports plus rapides et plus économiques et les NTIC, l'émergence des multinationales est un phénomène inéluctable auquel les entreprises françaises ont pris effectivement part depuis les années 1980. Des entreprises du CAC 40 aux PME, cette manifestation ne connaît plus de frontières.
D'autre part, Ressources humaines et stratégie globale de l'entreprise ne sont aujourd'hui plus dissociées. Si la fonction support, était historiquement, une fonction administrative au service d'une vision utilitariste de l'homme, la fonction RH est devenue aujourd'hui à la fois technicienne et instrumentale : ainsi les années 1990 caractérisent la montée en puissance de la Gestion Internationale des Ressources Humaines (GIRH) et une modernisation de la fonction.
Une entreprise au coeur de l'internationalisation doit impérativement repenser sa stratégie et son organisation pour améliorer sa compétitivité, sa réactivité et sa flexibilité face à la concurrence accrue.
Ainsi appréhender la GIRH, dans une orientation Business Partner permet son intégration et sa participation à la performance globale de l'entreprise. Paradoxalement, la GIRH s'identifie de par sa complexité intrinsèque à sa définition et aux formes d'internationalisation et est liée à deux facteurs primordiaux : le multiculturalisme, la dispersion géographique.
Comment aborder la GIRH, tout en tenant compte de la relation complexe entre les trois niveaux rentrant en jeu lors de l'internationalisation d'une entreprise, à savoir la mondialisation, l'environnement national et la sphère propre à l'entreprise liant sa stratégie, son organisation et sa culture d'entreprise? Comment appréhender et anticiper le passage de la GRH à la GIRH ? Quelle est la relation directe entre internationalisation et redéfinition de la fonction RH, sur leurs influences réciproques et sur les limites des effets de l'une sur l'autre ?
De nos jours, la grande problématique propre aux entreprises internationalisées est l'ambivalence entre deux stratégies antithétiques : la mondialisation d'un côté et les réalités nationales de l'autre. Ainsi une appréhension tout d'abord des stratégies d'internationalisation et son effet sur la stratégie et la politique de GRH est primordiale pour repenser le « nouveau deal socio-économique » (Jean-Pierre Bouchez).
Si l'on définit l'impact d'une fonction sur la stratégie de son entreprise par la contribution effective de celle-ci à l'accroissement significatif et durable, « par ses prises de position, ses actions et ses décisions, à la performance globale de l'organisation », alors la fonction RH doit aujourd'hui adopter une approche contingente, qui prenne en compte à la fois les contraintes en internes, mais aussi externes.
Ainsi la fonction RH doit redéfinir son organisation et ses métiers en les modernisant et les adaptant aux influences internationales : technologiques (SIRH, dématérialisation...), ressources (mobilités internationales, talents...), économiques, et défis modernes (diversité et intégration, RSE...). En résulte une complexification de la fonction RH classique, d'une externalisation des processus à valeur ajoutée moindre et la création de nouveaux postes de middle management RH à l'étranger.
Si les Ressources Humaines se sont historiquement construites sur une logique utilitariste selon laquelle une simple subordination hiérarchique permettait une garantie d'emploi, la société mondialisée actuelle a imposé aux entreprises la définition d'un nouveau "deal socio-économique", dans lequel les RH deviennent les gardiens d'une cohérence entre stratégie, économie et humain.
De par les différents degrés d'internationalisation des entreprises, la fonction RH est devenue plus complexe et l'utilité d'appréhender la GIRH comme fonction Business Partner, un prérequis indispensable pour gérer la complexité d'une internationalisation et la gestion de culture diverses dans un espace géographique agrandi.
L'internationalisation impose aux entreprises l'établissement de stratégies et d'organisations cohérentes avec les RH Ainsi, une entreprise ne peut se limiter à l'appréhension de son marché dans son environnement initial mais doit englober l'ensemble des marchés étrangers et les différences nationales. L'entreprise Microsoft, dans le cadre de son internationalisation et de son désir d'ancrage dans la spécificité nationale, a su mettre en place depuis 20 années d'intégration en France, un réseau partenaire et un écosystème qui pour 1 euro dépensé par l'entreprise de software américaine, crée 6,42 euros pour ses partenaires.
Le défi premier pour les RH est donc d'accompagner à la mise en place d'une organisation permettant d'inclure l'ensemble des caractéristiques internationales, nationales et celles de l'entreprise (sa structure et sa culture) pour favoriser voire valoriser l'internationalisation. Elles assurent l'établissement et la pérennité d'une culture globale tout en assurant une cohésion de groupe et un désir d'appartenance à une entreprise internationale. La place de l'international dans la fonction RH, dans une optique Business Partner, est donc au coeur du métier. Les RH doivent non seulement préparer et gérer l'expatriation, trait premier de la gestion des ressources humaines à l'international, mais détecter, optimiser et accompagner le développement des compétences nationales et internationales.
Le multiculturalisme et la diversité sont deux effets de l'internationalisation qui complexifient la fonction des RH. En effet, la culture nationale a un impact sur l'organisation de par les différences d'attitudes quant à la négociation, le management... Afin d'appréhender la perspective culturelle dans l'entreprise plusieurs sociologues se sont intéressés à ce sujet. Geert Hofstede a fondé sa théorie de la différenciation culturelle sur une étude menée auprès des employés d'une entreprise internationalisée, IBM. La différenciation culturelle est un système de valeur permettant l'appréhension des différences culturelles et son adaptation au management. La distance hiérarchique (l'entente avec la hiérarchie), le contrôle de l'incertitude (stress), l'individualisme et le collectivisme, la féminité/masculinité et l'orientation par rapport au temps sont les cinq caractéristiques de la différenciation culturelle. Cette étude a permis la classification, pour 40 états, de leur culture. Bien que critiquée car difficilement applicable dans la pratique managériale, cette grille est une ébauche à la compréhension de l'enjeu du multiculturalisme. Aujourd'hui l'objectif premier de la GIRH, est l'apprentissage du management international dans des équipes diverses, exploiter les avantages de la diversité et gérer les difficultés comme la communication et les différences comportementales ou organisationnelles. Par le partage des connaissances, du savoir-faire et du savoir être, la diversité et l'intégration sont désormais des enjeux de performance et d'avantage concurrentiel.
Nombreux sont les RH qui ne se sont pas laissés dépasser par les effets de l'internationalisation mais qui ont préféré adopter une démarche proactive, devenant parfois moteurs d'une internationalisation réussie.
En 2001, la création d'Alliance Crolles 2 en est une parfaite illustration d'un pari RH réussi. Trois entreprises historiquement concurrentes, Philips, ST Microelectronics et Freescale, décident de joindre leurs équipes R&D afin de créer ensemble une nouvelle nanotechnologie. Les équipes sont alors regroupées dans un centre de recherche. Cette situation inédite d'un point de vue RH, puisqu'il ne s'agissait pas ni d'une fusion ni d'une joint-venture mais bien d'une coopération, a permis l'implication des RH dans la totalité du projet afin de définir la politique RH relative à cette alliance. La collaboration, la transparence et la patience des équipes RH ont permis de développer l'activité de manière cohérente.
De plus, la définition de politiques RH groupe témoignent d'une réelle volonté de la part de cette fonction support de ne pas subir l'internationalisation mais de la maitriser en mettant en place des organisations et des processus anticipateurs.
En dépit d'une modernisation réelle de la fonction RH, peut-on véritablement parlé d'un accompagnement stratégique de l'internationalisation des hommes et de la culture d'entreprise.
Un premier doute sur la place de la fonction dans les décisions stratégiques réside dans la prédominance des considérations financières avec comme exemple frappant les échecs récurrents des fusions-acquisitions. Au lieu d'intégrer les équipes RH au processus d'analyse et de décisions, nombreuses sont les entreprises qui, aujourd'hui encore, cantonnent le rôle des RH à l'intégration des collaborateurs dans un contexte de post-fusion.
Enfin, bien que les RH fassent preuve d'une forte volonté de s'adapter à ce nouveau paradigme, l'internationalisation ne s'est pas toujours accompagnée d'aboutissements réels sur les moyens mis à disposition de la fonction pour devenir un réel « business partner ».
On peut en conclusion parler aujourd'hui d'effets hybrides de l'internationalisation sur la fonction RH. Le défi présent des entreprises est de s'interroger sur la place et les moyens à accorder à la fonction support afin d'améliorer les fondamentaux et les finalités de la gestion des ressources humaines tout en permettant à la fonction de se moderniser et de s'intégrer dans ce système. La règle n'est plus l'internationalisation à tout prix mais l'adaptation raisonnée.