La reconversion, parent pauvre des politiques d…
La crise de 2008 a mis en lumière la nécessité d’une meilleure réglementation du système financier international.
Sur le banc des accusés, les produits dérivés de gré à gré – ou OTC – qui, de par leurs caractéristiques, ont engendré un risque systémique. A la suite des accords du G20 suivant la crise financière, deux nouvelles réglementations ont été mises en place de chaque côté de l’atlantique : le Dodd Frank Act (DFA) aux Etats-Unis et l’European Market Infrastructure Regulation (EMIR) en Europe. En théorie similaires et complémentaires, de nombreux paramètres viennent finalement les opposer remettant en cause leur efficacité. Essentielles ou limitées, quel est l’avenir de ces nouvelles réglementations censées prévenir une prochaine crise financière de grande ampleur ?
Malgré une volonté commune et des objectifs quasi identiques, certaines exigences réglementaires sont significativement différentes et viennent polluer la bonne application de ces nouvelles mesures. Ci-dessous les discordances les plus handicapantes :
La première distinction concerne la classification des institutions financières. Le DFA cible en priorité les OTC, EMIR ajoutant à ce scope le périmètre des dérivés listés (ETD ou Exchange Traded Derivatives).
La distinction la plus flagrante entre les deux régimes se rapporte à la territorialité. Pour Dodd Frank, dès qu’une des deux contreparties de l’opération est américaine, alors cette opération doit se conformer aux exigences du DFA (en particulier, il suffit qu’une des deux contreparties s’occupe du reporting DFA, ce qui est assez pratique dans le cadre d’une opération Sell side / Buy Side, le Sell side s’occupe de tout, dispensant ainsi les petits acteurs des lourdeurs de la réglementation). En revanche, EMIR s’applique aux entités de l'UE et aux entreprises domiciliées hors de l'UE impliquées dans une transaction avec une entité soumise au règlement EMIR.
L'exigence de reporting est un autre domaine de divergence entre les deux réglementations. Sous EMIR, les contreparties financières et non-financières, qui dépasseraient le seuil standard spécifié par la réglementation, sont soumises à des obligations de déclaration de tous les produits dérivés (cotés et non cotés). Bien que les deux réformes appellent à la mise en place de référentiels, les timings de reporting peuvent être sensiblement différents (notion relativement vague sous EMIR – en gros le settlement gap, dès que possible sous DFA, idéalement temps réel) EMIR exige également que les deux contreparties remplissent un rapport sur la transaction.
Sous EMIR, si les positions prises par les acteurs, financiers ou non-financiers, dépassent le seuil de compensation déterminé par la réglementation, alors la compensation des expositions s’impose à toutes les parties. Par ailleurs, EMIR exonère les contreparties non-financières qui tombent en-deçà du seuil fixé. Le DFA, d'autre part, exempte de facto (cf ci-dessus le point 2) les parties non-financières de compensation obligatoire.
Un autre défi important est de minimiser les divergences en ce qui concerne les exigences d’appels de marge pour les swaps non-standardisés. EMIR exige une marge de variation et un double mécanisme d’initialisation de l’appel de marge afin de sécuriser les OTC non standardisés. Ces mécanismes d’appel de marge peuvent être complexes à mettre en œuvre et conduisent à des résultats différents selon les deux schémas (DF /EMIR). Néanmoins, récemment les régulateurs de chaque côté de l’atlantique ont reconnu le problème et travaillent à gommer les différences (un MOU a été signé entre l’ESMA et la CFTC en février 2016, visant à faire converger les règles dans ce domaine).
EMIR et le DFA sont d’une importance cruciale. Malgré un objectif commun, chaque régulateur a construit des cadres spécifiques, faisant ressortir des préoccupations différentes selon les zones géographiques. Pour faire simple, la vison européenne (EMIR) est sans doute un peu plus restrictive et aurait tendance à plutôt décourager l’emploi d’instruments financiers trop spécifiques. En mars 2016, le OCC (Office of the Comptroller of the Currency) publiait les positions des géants américainsgéants américains sur les produits dérivés, le résultat est intéressant : à la veille de la crise, au 31 mars 2008, Citigroup affichait une exposition (en notionnel) aux dérivés de $41 300 milliards, le 31 mars 2016 son exposition atteignait $55 600 mille milliards, soit une augmentation de 35%. On peut en conclure deux choses : a) la mise en place des régulations, et de Dodd Frank en particulier, n’a pas remis en cause l’essor des OTC, b) si l’on met en regard de ces chiffres le coût important de la mise en place d’un reporting DF et/ou EMIR, force est de constater que les grands acteurs trouvent toujours un intérêt à développer les OTC.