La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Avec la mise en circulation des premiers camions Iveco « tout GNL », l'ouverture des deux premières stations GNL et l'appel d'offre du port de Dunkerque pour mettre en place une chaine de distribution de GNL, le GNL carburant a fait un grand pas en avant en 2014.
Ce carburant encore méconnu du grand public permet aux véhicules lourds de répondre aux nouvelles normes environnementales tout en réduisant la facture énergétique. Aujourd'hui les solutions de motorisation GNL existent, sont maitrisées et sont même déjà commercialisées : plus de 200 camions GNL circulent en Europe[1], 4 bateaux GNL naviguent sur le Rhin (16 autres sont déjà annoncés[2]) et plus de 100 navires ont été construits ou sont en construction en Europe[3].
Mais devant l'omniprésence des infrastructures de carburants pétroliers, quelle peut être la place du GNL et comment la France peut-elle développer un réseau pour sécuriser la filière ?
La France a construit son premier terminal dans les années 70. Depuis le pays possède trois terminaux et importe 7 millions de tonnes de GNL [4] (2012). Le terminal de Dunkerque, le plus grand terminal en Europe continentale prévu pour 2015, viendra compléter l'arsenal français. Il aura une capacité annuelle de regazéification de 13 milliards de m3 de gaz soit environ 20% de la consommation annuelle française et belge [5]. A l'échelle européenne, la France et ses pays frontaliers possèdent une vingtaine de terminaux. L'Espagne, le Royaume-Uni et la France tirent la filière vers le haut et représentent 75% des infrastructures et des importations au niveau de l'Union Européenne.
La majeure partie du GNL importé est regazéifié et injecté sur le réseau de gaz mais certains terminaux commencent déjà à proposer des services GNL. Ainsi depuis le 1er juillet 2013, des camions citernes peuvent charger directement du GNL au terminal de Montoir [6]. Plus récemment, le terminal de Zeebrugge a effectué le premier avitaillement en GNL carburant d'un bateau remorqueur [7]. Le GNL est donc de plus en plus considéré comme un carburant et un combustible à part entière et non plus comme un vecteur énergétique. Mais l'Europe manque encore cruellement de moyens de distribution entre les lieux d'importations et les lieux de consommation du GNL.
L'acheminement du GNL jusqu'aux points de consommation peut se faire par bateau, par camion ou par train. L'utilisation de camions offre une plus grande flexibilité et permet un investissement progressif. Néanmoins la capacité de transport annuelle, inversement proportionnel à la distance parcourue, est rapidement limitée. Ainsi un camion peut distribuer 10 000 tonnes/an dans un rayon de 100 km [a] mais seulement 2 000 tonnes/an dans un rayon de 500 km. Le transport fluvial permet quant à lui de transporter facilement de grandes quantités de GNL. Le réseau fluvial français est le plus grand d'Europe [b], ce qui permet de fournir une grande partie du territoire. Les investissements sont cependant beaucoup plus conséquents. Il faut compter 30 millions d'euros pour un navire souteur de 3 000 m3 [8] contre 800 000 euros pour un camion-citerne de 50 m3 [8]. Il est également possible de combiner les deux modes de transport : les navires sont utilisés pour transporter une grande quantité de GNL jusqu'à une unité de stockage intermédiaire. De là, des camions citernes avitaillent les ports, les stations et les industries environnantes.
Le coût de transport du GNL dépend fortement de la distance parcourue. Inférieur à 15 € / tonne pour une distance de moins de 100 km, il peut dépasser les 150 € / tonne pour des distances supérieures à 800 km [9]. L'utilisation de gros souteurs permet de bénéficier d'effets d'échelle mais les coûts resteront malgré tout importants pour des grandes distances. Pour un prix du GNL entre 650 et 850 €/tonne, ces derniers pourraient freiner la distribution du GNL sur le territoire. Les zones les plus éloignées des terminaux, l'est et le centre, seraient les plus touchées.
Une usine de micro-liquéfaction ou liquéfaction à petite échelle, est une usine qui liquéfie le gaz naturel issu du réseau. Le terme « micro » qualifie la faible capacité de la centrale souvent inférieure à 100 000 tonnes/an. Une centrale de liquéfaction offre une grande flexibilité de production du GNL avec un taux d'utilisation rapidement modulable entre 30 et 80 % de sa capacité maximum. Elle permet de produire la quantité de GNL nécessaire en fonction des besoins. Une telle installation nécessite cependant des investissements lourds : entre 200 et 400 €/tonne de capacité [10] selon le processus de liquéfaction et les traitements de gaz requis. Ainsi il faut compter environ 10 millions d'euros pour une centrale produisant 50 000 tonnes/an auxquels il faut rajouter 7 millions pour le stockage[c] [8].
Pour augmenter sa rentabilité et amortir ses investissements, la filière devra diversifier ses usages. En Angleterre, la liquéfaction est utilisée pour lisser l'injection de gaz naturel sur le réseau [11]. Le gaz est stocké sous forme liquide lors des faibles demandes et est regazéifié pour répondre au pic de demande. Ce processus peut être actionné sur du court terme pour répondre aux problèmes de stockage de l'énergie. L'installation peut également liquéfier du biométhane issu de la décomposition de la matière organique favorisant le développement d'une filière renouvelable (voir nos articles sur le biométhane ici et ici). La première station de liquéfaction du biométhane suédoise a ouvert à Lidköping en août 2012. L'usine produit 60 GWh chaque année ce qui correspond aux besoins de 6 000 voitures et 200 camions permettant de réduire l'empreinte CO2 de 16 000 tonnes par an [12]. En France, le projet pilote BioGNVAL [13] a été lancé début 2013. Le biogaz issu de l'usine d'épuration de Valenton sera épuré et liquéfié pour être utilisé comme biocarburant.
Le GNL carburant propose une alternative aux carburants pétroliers chers et polluants. Il permet de réduire l'empreinte environnementale des véhicules tout en réduisant la facture énergétique. Viable technologiquement pour tous les moyens de transport, la filière GNL devra se développer en multipliant les infrastructures et en favorisant la multi modalité. Encore peu développée en Europe, la micro-liquéfaction se présente comme une solution prometteuse pour fournir du GNL dans les zones dépourvues d'accès aux terminaux méthaniers.
Thomas Samson, Baptiste Possémé
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Notes :
(a) Pour un camion-citerne d'une capacité de 50 m3 rempli à 90% et parcourant 100 000 km/an
(b) La France possède le plus grand réseau de voies navigables d'Europe.
Taille des réseaux fluviaux navigables européens : France 8 500 km ; Allemagne 7 300 km ; Pays-Bas 6 000 km ; Grande-Bretagne 3 200 km ; Belgique 1 500 km
(c) Stockage de 700 m3
Données de conversion : 1 tonne de GNL = 2,25 m3 de GNL = 1 370 Nm3 de gaz = 13,7 MWh
Sources :
(1) Conférence de presse de Iveco du 3 juillet 2014
(2) Base de données des projets LNG fluviaux
(3) « Flotte des navires au GNL » par DNV-GL
(4) Présentation du contexte de la filière gaz
(5) Présentation du terminal de Dunkerque
(6) Le service de chargement de camions citernes en GNL est disponible à Montoir-de-Bretagne
(7) Le premier remorqueur au gaz du monde fait le plein à Zeebrugge
(8) North European LNG Infrastructure Project Appendices
(9) Analyse Sia Partners
(10) Protheus & Cheniere
(11) Review of the National Grid LNG Storage Business
(12) First Deliver of Liquefied Biogas in Sweden
(13) Projet BioGNVAL