La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Paris dispose déjà d'un réseau de 1400 caméras - ce chiffre n'incluant pas celles installées dans les transports publics. Le maillage de la ville peut donc être jugé comme correct.
Paris dispose déjà d'un réseau de 1400 caméras - ce chiffre n'incluant pas celles installées dans les transports publics. Le maillage de la ville peut donc être jugé comme correct. Il est certes possible de densifier ce maillage, mais l'impact sur la sécurité se joue plutôt sur l'exploitation en temps réel de ces images. Cela peut être fait soit grâce à l'augmentation des effectifs de vidéo patrouilleurs, soit par l'utilisation d'algorithmes d'intelligence artificielle. Des IA sont aujourd'hui justement "spécialisées" sur la détection des cas de violences (physiques, sexuelles, vols, destructions, dégradations..).
Le recours à la vidéoprotection par les pouvoirs publics se répand rapidement pour répondre à la demande croissante d’infrastructures pour la protection des biens et des personnes. À la veille des élections municipales, dans un contexte où la sécurité publique et la propreté sont un enjeu majeur pour beaucoup de villes françaises, la vidéoprotection est au cœur des débats.
Avec plus de 1 400 caméras de vidéoprotection[1], Paris se place à la 9e place des villes européennes les plus vidéoprotégées. En 10 ans, la ville de Paris a augmenté son nombre de caméras de 75%[2]. La hausse de la délinquance et de la criminalité ainsi que la baisse du coût du matériel ont accéléré cette évolution.
La sécurité et la propreté sont deux thèmes de prédilection pour les candidats aux élections municipales des grandes villes françaises. Les systèmes de vidéoprotection sont un moyen efficace de collecter, de surveiller et d'analyser les informations pouvant aider à assurer la sécurité du public, à prévenir et détecter la délinquance et la criminalité, mais aussi à offrir aux citoyens une ville plus propre. Mais encore faut-il que ces systèmes de vidéoprotection ne soient pas uniquement des outils de report d’image, mais de réels systèmes intelligents capables d’anticiper des évènements pour permettre une réaction plus efficace.
De nouvelles technologies fondées sur la vidéo commencent à être disponibles pour aider les municipalités à lutter plus efficacement contre les incivilités ainsi que la criminalité. Les avancées technologiques rapides, tant dans les caméras elles-mêmes que dans les capacités numériques plus larges, ouvrent de nouvelles voies pour la vidéoprotection dans les villes.
Alors que les villes du monde entier se préparent à devenir des villes intelligentes (Smart Cities), la marche à suivre pour devenir une ville sûre et propre est encore quelque peu incertaine. Dans cette quête vers les Smart Cities, il n’est pas suffisant d'améliorer simplement la vie urbaine par une meilleure durabilité avec des systèmes intelligents permettant une meilleure gestion de l’énergie, des flux de circulation ou des déchets, etc. : les villes doivent également inclure des scénarios où il devient possible de détecter automatiquement des agressions (bagarres, rixes, mouvements de foule…), des dépôts sauvages ou encore des actes de vente illicite (ventes à la sauvette, stupéfiants…). La vidéo intelligente est la solution : elle est la brique qui a le potentiel de transformer une ville en une ville intelligente plus sûre et plus propre.
En termes simples, la vidéo intelligente peut être définie comme la mise en place d’algorithmes d’intelligence artificielle (IA) au sein d’un réseau de vidéoprotection existant ou non. Des algorithmes de vidéo intelligente analysent les flux issus des caméras pour remonter des alertes aux autorités compétentes, ces dernières pouvant alors intervenir pour envoyer une équipe sur le terrain en fonction du besoin. C’est une partie intégrante de la construction d’une commune intelligente et un moyen pour les municipalités d’exploiter les données dont elles disposent pour mettre un terme à la criminalité et pour renforcer la sécurité et la propreté.
La généralisation des systèmes de vidéoprotection dans les villes entraîne une production massive de données. Ces dernières sont aujourd’hui exploitées au minimum. En effet, la vidéoprotection permet une dissuasion des incivilités et est un outil majeur d’investigation à la suite d’un événement. Le nombre d’opérateurs étant limité, il est aujourd’hui très difficile de détecter en amont ou en temps réel ces évènements (agression, vol, vente illicite …). De nombreuses études ont également démontré que 95%[3] des incidents sont susceptibles d'être manqués par les opérateurs vidéo. Cela soulève des questions sur le véritable retour sur investissement de la vidéoprotection en tant que solution de sécurité publique. La vidéo intelligente est un moyen de pallier cela : en analysant 100% des flux vidéo issus des caméras de vidéoprotection, elle dote les systèmes existants d’une efficacité qu’il serait impossible d’atteindre uniquement avec des moyens humains.
Pour améliorer l’efficacité de la vidéoprotection, il est envisageable de couvrir à 100% les municipalités en caméras : cela engendrerait cependant des coûts faramineux sans pour autant faire diminuer significativement le taux d’incivilité urbaine.
La vidéo intelligente est une solution bien plus astucieuse : par sa capacité à pouvoir s’intégrer à un système déjà existant, elle augmente l’efficacité opérationnelle de la vidéoprotection ; et ce sans nécessairement investir dans un maillage plus fin de caméras pour une ville présentant un réseau vidéo déjà dense.
Pour ce faire, les villes doivent réfléchir à la stratégie à mettre en place pour rendre intelligent leur réseau de vidéoprotection : après avoir réalisé une analyse de leurs besoins de détection, il leur est ensuite possible d’injecter des algorithmes de vidéo intelligente correspondant à ces besoins sur les caméras les plus adaptées de leur réseau.
Le cas d’usage suivant propose une stratégie d’implémentation de systèmes de vidéo intelligente en fonction des incivilités mesurées dans la ville de Paris.
Afin de pouvoir modéliser un réseau de vidéo intelligente, il convient de cartographier les endroits et quartiers où ont lieu les différentes incivilités. Des statistiques sur les incivilités ayant eu lieu à Paris entre 2016 et 2017 et publiées par l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales ont permis d’établir les cartographies ci-après. Les principales incivilités que subissent les Parisiens sont les suivantes :
- les atteintes aux personnes : elles concernent les violences physiques crapuleuses et les violences physiques non crapuleuses ainsi que les violences sexuelles et représentent 16% des faits constatés à Paris en 2017. [4] En voici les cartographies :
- les atteintes aux biens : elles concernent les infractions de vols (vols simples contre les particuliers, cambriolage, vols d’automobiles) et les infractions de destructions et de dégradations. Cela représente 78% des faits constatés à Paris en 2017. [5] En voici les cartographies :
- les infractions à l’usage de stupéfiants qui représentent 6% des faits constatés à Paris en 2017.[6]
En voici la cartographie :
La gestion des déchets, et plus particulièrement, l’enlèvement des dépôts sauvage est aussi un sujet sur lequel il est important d’agir pour offrir aux Parisiens une ville plus propre. Aujourd’hui, sur 1 million d’encombrants enlevés chaque année à Paris, environ 32% ont été signalés comme dépôts sauvages[7].
La détection d’actes violents
Comme vu précédemment, la lutte contre les actes violents (vol avec violence, agression, bagarre, rixe…) représente un enjeu majeur pour la ville de Paris. L’implémentation d’un algorithme de détection de violence en temps réel permettrait de diminuer ces actes en analysant les mouvements des individus traversant le flux des caméras. En cas de détection, une alerte est générée et envoyée à un opérateur vidéo qui pourra déclencher une intervention.
La croissance des évènements violents, leur caractère inattendu et l'étendue des dommages infligés doivent inciter les villes à utiliser des systèmes de vidéo intelligente pour identifier les environnements dangereux et réagir efficacement aux interactions violentes.
La détection automatique de maraudage pour lutter contre la vente illicite (vente à la sauvette) et le trafic de stupéfiants
Il existe des solutions de vidéo intelligente pouvant détecter la présence d’une personne ou d’un véhicule stationnant dans une zone et pendant une durée donnée. Bien qu'il ne s'agisse pas nécessairement d'une violation, la détection du maraudage présente un intérêt considérable pour les municipalités. En effet, cette détection est un moyen efficace de réduire les actes de vente à la sauvette, de trafic de stupéfiants ou de cigarettes ou encore de stationnement illicite de véhicules. Ces algorithmes, déjà très matures, pourraient être utilisés à ces fins dans la ville de Paris.
La détection de graffitis et de vandalisme pour diminuer les actes de destruction et de dégradation
La vidéo intelligente peut détecter immédiatement les dommages matériels dans les zones vidéoprotégées et alerter les autorités locales pour empêcher de telles violations, économisant ainsi à la ville des fonds précieux et préservant les actifs des graffitis et du vandalisme. Pour ce faire, les algorithmes comparent les images reçues en temps réel avec une image de référence.
La détection des déchets et des dépôts sauvages
Dans beaucoup de villes, les déchets urbains ainsi que les dépôts sauvages sont un problème majeur qui entraîne des risques et perturbent la vie des citoyens. L'analyse vidéo basée sur l’IA est en mesure de détecter le débordement des poubelles ainsi que les dépôts sauvages afin d’aider les villes à gérer efficacement les déchets et garder la ville propre. À Paris, l’implémentation de ces algorithmes pourrait venir en complément de l’application Dans ma rue pour détecter en temps réel les dépôts sauvages, en permettant en plus d’interpeller les contrevenants en flagrance.
La détection automatique d’anormalités pour lutter contre les vols envers les particuliers, les vols d’automobiles et les comportements suspects d’individus
Appliquer les algorithmes précédents pour détecter des événements aussi imprévisibles que le vol de véhicules ou le petit banditisme peut fonctionner, cependant avec des limites. Une autre brique fondée sur le Machine Learning permet de détecter toute anormalité qui survient sur une scène filmée. Par un apprentissage de la “vie normale” filmée par la caméra, les algorithmes sont capables de détecter toute anomalie. Ils remontent alors une alerte à un opérateur vidéo qui, par une levée de doute manuelle, est capable de réagir en conséquence. Ces algorithmes étant fondés sur l’apprentissage de données, ils deviennent plus intelligents et plus robustes au fil du temps, ayant un impact direct pour la sécurité des Parisiens.
Par l’analyse précédente des différents actes d’incivilité à Paris et l’association d’algorithmes de vidéo intelligente pour chacun, il est possible de produire la carte suivante modélisant la répartition des algorithmes en fonction du besoin de chaque arrondissement. Cette étude macroscopique est un premier maillon essentiel, qui devra être approfondi par une étude plus poussée de la couverture vidéo et des besoins de chaque quartier avec les différentes parties prenantes agissant à l’échelle locale des arrondissements.
À l’image des grandes villes comme Singapour, Hong-Kong ou encore Shanghai qui cherchent à exploiter les dernières avancées en matière de vidéo intelligente pour compléter leurs solutions de sécurité publique, accroître la propreté et utiliser au mieux leurs ressources, Paris doit elle aussi enclencher cette transition. À titre d’exemple, Singapour a aujourd’hui réussi son pari de ville la plus intelligente, la plus sûre et la plus propre du monde. Au tour de Paris de relever ce beau défi pour un cadre de vie plus sûr et plus sain pour tous les Parisiens !
[1] Source : data.gouv.fr
[2] Source : data.gouv.fr
[3] Automatic surveillance systems and CCTV operator workload, Ainsworth (2002)
[4] Source : ONDRP
[5] Source : ONDRP
[6] Source : ONDRP
[7] Source