La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Que ce soit par obligation légale, pour les besoins d’une transformation, pour assurer l’employabilité de ses salariés ou encore pour former ses nouveaux arrivants, toute entreprise se retrouve en situation de devoir former.
Que cette dernière fasse le choix de former via des ressources de formation internes ou des organismes externes, la question de l’efficacité de la formation ainsi que de sa rentabilité devraient se poser de manière systématique.
Le suivi de l’efficacité de la formation permet de mesurer si les dispositifs déployés ont permis d’atteindre les objectifs initiaux de la formation. Par conséquent, si une formation a pour objectif d’améliorer la capacité de vente des commerciaux, c’est bien l’augmentation des ventes qui permettra d’affirmer que la formation a été efficace.
Une formation efficace n’est pas nécessairement rentable. En effet, la rentabilité s’intéresse au rapport entre les gains obtenus de la formation et les moyens engagés. Dès lors, pour reprendre l’exemple précédemment cité, il est nécessaire de savoir si la hausse des ventes induite par la formation permet de couvrir les frais engagés pour la formation des vendeurs prévue à cet effet. Il est donc nécessaire d’être en mesure d’évaluer le coût de la formation.
Par ailleurs, la difficulté consiste à faire le lien entre l’impact d’une formation et un résultat opérationnel précis. Si l’on reprend l’exemple précédent, la question suivante se pose : à quel point la formation est-elle à l’origine de l’augmentation des ventes ?
Calculer l’impact exact d’une formation sur l’atteinte des résultats est difficilement réalisable. En effet, de nombreux facteurs rentrent en ligne de compte.
De plus, il est possible que la formation ait été correctement réalisée mais qu’un facteur externe, tel que la résurgence de bugs informatiques, viennent bouleverser le projet.
Sans pour autant analyser dans le détail l’impact des actions de formation sur l’atteinte des objectifs, il est possible de démontrer l’efficacité des actions de formation et leur rentabilité vis-à-vis d’un projet.
C’est sur ces deux points que notre article se focalisera.
Le modèle de Kirkpatrick présente l’évaluation de l’efficacité de la formation de la façon suivante.
Selon lui, l’efficacité se divise en 4 niveaux :
Pour satisfaire à un niveau d’évaluation, il faut avoir satisfait les niveaux inférieurs. Ainsi, pour atteindre les résultats attendus, il faut préalablement s’assurer du transfert, de l’acquisition et des réactions des populations.
Le plus haut niveau, c’est-à-dire l’évaluation des résultats, est paradoxalement le niveau le plus aisé à évaluer car directement lié à l’objectif même du projet (ex : taux d’augmentation des ventes).
Il est donc essentiel de définir en amont de l’action de formation des indicateurs spécifiques à chacun des niveaux d’évaluation, concernant :
concrets, observables et délimités dans le temps,
voulus par le participant, liés directement à son activité et sous sa responsabilité,
ambitieux, réalistes, avec des conditions de réalisation bien définies et exprimées en termes positifs
Il s’agit donc d’une boucle, permettant d’affirmer que l’impact d’une formation dépend de la pertinence des objectifs de formation, de l’acquisition des connaissances par les participants ainsi que du transfert sur le terrain. L’impact lui-même permet ensuite d’identifier de nouveaux objectifs de formation de façon itérative.
Il est important d’interroger les personnes formées en amont de la formation, à travers une auto-évaluation, afin de pouvoir mesurer l’évolution de la montée en compétence.
Un passeport de connaissances permettra à chaque personne d’inscrire ses connaissances acquises tout au long de la formation, et de s’auto-évaluer.
A cela, peuvent s’ajouter des quizz permettant au formateur de vérifier que les connaissances sont bien intégrées par les participants.
Dans l’idéal, cet exercice se prolonge post formation, en ligne et sur le terrain. Le participant à la formation pourra alors s’assurer de sa capacité à réaliser correctement les actions vues en formation, dans le contexte de son activité opérationnelle quotidienne.
Le digital multiplie les opportunités de suivi et d’assistance, à distance, et malgré les problématiques multi-sites.
Dans ce suivi, il ne faut pas oublier le rôle clef du manager et des relais, qui devront suivre et piloter la montée en compétence des personnes formées et remonter des éventuels axes d’amélioration à intégrer à l’action de formation. Par ailleurs, ils permettront de remonter d’éventuels ajustements à réaliser en termes d’objectifs de formation afin de mieux s’aligner aux objectifs attendus sur le terrain.
Une utilisation pertinente et complémentaire de ces outils doit permettre la montée en compétence en suivant les objectifs pédagogiques successifs sur le modèle d’un escalier.
Les objectifs ne sont pas uniquement d’ordre pédagogique :
Les objectifs stratégiques d’une entreprise telle que la conquête d’une zone géographique donnent lieu à des objectifs opérationnels tels que l’augmentation des ventes ou la maitrise de nouvelles compétences par les salariés. Ces derniers sont intimement liés à la recherche de rentabilité.
Les objectifs pédagogiques, étroitement lié à l’atteinte de l’efficacité, doivent permettre à chaque apprenant d’être capable de servir les objectifs opérationnels du projet.
Comment dès lors, associer cette atteinte d’objectifs opérationnels à la rentabilité ? Cela semble plus évident pour un objectif monétaire (ex : augmentation des ventes) que pour un indicateur qualitatif (ex : améliorer la qualité de vie au travail)
Le modèle économique d’une entité de formation va déterminer sa façon de suivre l’efficacité ou la rentabilité. Le benchmark réalisé par Sia Partners sur 18 universités d’entreprise permet d’affirmer qu’il existe 2 modèles clés :
Le ROI de formation est donc mesuré lui aussi selon ces 2 tendances clés :
Le choix du modèle influence donc les indicateurs mis en place par le service Formation.
Au sein de l’UR Academy d’Unibail Rodamco, centrée sur l’efficacité, le déploiement d’un LMS intégré a permis de faciliter la promotion de l’offre à travers le catalogue en ligne, et les évaluations de niveau 3 (mesure de l’ancrage), qui sont désormais déployées de manière systématique auprès des managers des apprenants, 3 mois après leur formation, leur montrant ainsi les bénéfices du dispositif.
Organisme de formation agréé, le CIFFCO (Le Centre International de Formation Ferroviaire de la Côte d'Opale), rattaché au Groupe Eurotunnel, prend en considération l’aspect rentabilité et crée des formations diplômantes inscrites au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP), et des parcours certifiants ouverts à l’externe. Ce modèle permet de bénéficier du financement des OPCA, revu suite à la réforme de la formation professionnelle de 2014.
La plupart des universités d’entreprise, dans une logique de rationalisation de l’offre réalisent des études sur la base des taux d’utilisation des modules et des taux de satisfaction.
Afin de calculer le ROI et donc de comparer les coûts aux bénéfices obtenus de la formation, il est nécessaire de pouvoir valoriser les bénéfices et les coûts de la formation. On ne peut donc comparer que ce qui est comparable.
Alors que certains bénéfices, tel qu’un volume de ventes, n’ont nul besoin d’être convertis, d’autres, tel que le volume de papier en circulation, peuvent être ramenés à une valeur monétaire. Ainsi, pour calculer la rentabilité d’un projet de dématérialisation, il sera nécessaire d’interpréter cette baisse du volume de papier afin qu’elle soit comparable aux coûts induits par la formation. C’est ainsi que le coût de stockage du papier, le coût du papier, de l’encre ou encore de l’entretien des machines pourront entrer dans ce calcul.
Cette étape clé pose problème lorsque le lien entre les bénéfices de la formation et les impacts monétaires sont difficiles à établir. Néanmoins, précisons que les gains financiers ne sont pas toujours une fin en soi. Une formation qui viserait à améliorer le bien-être au travail n’a pas forcément d’impacts financiers directs, ou alors à plus long terme (image de l’entreprise, productivité des salariés).
Une fois les bénéfices de la formation identifiés, la rentabilité peut être calculée par soustraction des coûts.
Les coûts facturés par un organisme extérieur sont facilement identifiables. Cela nécessite une étude plus fine lorsqu’il existe une structure interne de formation. Dans ce cas, il sera nécessaire de procéder à une ventilation entre les différentes entités qui l’auront sollicitée. Par ailleurs, il faut intégrer au calcul les réservations de salles de formation, les déplacements des stagiaires, aux salaires mobilisés pour les remplacements et les autres dépenses logistiques. Il faut également comptabiliser les coûts associés à la mise à disposition d’un environnement de formation et à la sollicitation en amont des stagiaires et des formateurs.
Certains coûts sont moins visibles, tel que la baisse de productivité engendrée par le départ en formation des équipes. A cela peut s’ajouter la sollicitation d’experts métier qui assureraient tout ou partie de la formation. De plus, suite à une formation, le transfert ne se faisant pas instantanément sur le terrain, il est envisageable que des coûts viennent s’additionner : baisse de productivité au démarrage, mise en place d’une cellule d’assistance (hotline), appuis de proximité des utilisateurs dans leurs premiers pas.
Le pragmatisme est donc le maître mot d’une analyse pertinente de l’efficacité et de la rentabilité d’une formation. Trop souvent, nous formons pour former. Or, si nous formons c’est bien pour servir les objectifs stratégiques de l’entreprise à travers des objectifs opérationnels et pédagogiques rigoureusement déterminés. L’efficacité d’une formation et sa rentabilité sont donc avant tout affaire de contexte. Il faut savoir se poser les bonnes questions. Toute la difficulté sera d’évaluer les bénéfices apportés par les nouvelles compétences acquises.