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Cet article a permis à son auteur Caroline JONNEAUX, Grenoble Ecole de Management, de remporter l'un des 5 Prix de Publications ainsi qu'un chèque de 400€ lors du concours étudiant Génération mobilité 8 sur la confiance numérique, organisé par Sia Partners, Orange et JobTeaser.com.
Telle était la recommandation du poète grec Aristophane à ses contemporains. Si aujourd’hui la maxime lui préfère l’idée de prudence, la mise en garde contre une confiance aveugle de ce que l’on connaît mal demeure. Et l’omniprésence du numérique lui donne un nouveau champ d’application. Pourtant, la notion de confiance numérique est toujours plus utilisée par les entreprises. L’individu trouve-t-il alors vraiment un intérêt à renforcer sa confiance envers le digital ?
La confiance numérique, clef de voute de la performance de demain
La confiance numérique est celle qu’un individu accorde à une entreprise pour la collecte, le stockage et l’exploitation de ses informations numériques d’une manière sûre. Elle est au cœur de la préoccupation actuelle de toutes les entreprises. Grâce à une bonne réputation numérique et un climat favorable de collecte de données, elle leur permet en effet de mieux cibler et de fidéliser les clients, et ainsi de bénéficier d’un fort avantage concurrentiel. L’entreprise doit consolider quatre piliers afin de s’assurer la confiance du consommateur : la sécurité ou protection « physique » des informations, la confidentialité ou le contrôle d’accès des données, le bénéfice ou la valeur que ce partage de données crée pour le client et enfin la responsabilité des usages erronés et les mesures pour y remédier. De ce point de vue, la confiance numérique représente donc un enjeu de performance dont le succès est conditionné à la capacité à rassurer l’utilisateur. De son côté pourtant, l’internaute semble peu enclin à accorder sa confiance au digital.
Un concept au service des entreprises, non des utilisateurs
Du côté du public, il semblerait plus opportun de parler de défiance. Le 21 octobre 2016, l’Acsel1, la Caisse des Dépôts et la Poste ont présenté les résultats de la 5e édition du Baromètre de la confiance des Français dans le numérique. Celle-ci a atteint un niveau historiquement bas, s’établissant à 37% contre 40% en 2015. Le principal frein à cette confiance provient de la crainte de la consultation des données par quelqu’un d’autre (45%) suivie de loin par la peur de l’usurpation d’identité (22%). Cela n’empêche pourtant pas les Français d’alimenter le Big Data : sur les 83% d’internautes en France, 87% des personnes connectées se connectent au moins une fois par jour malgré leurs préoccupations concernant l’usage des données par les moteurs de recherche (68% des internautes) ou par les réseaux sociaux (81%).
Ces quelques chiffres illustrent à eux-seuls le paradoxe digital. Même si les internautes ont conscience que leurs données peuvent être volées, détournées ou perdues, ils n’hésitent pas à utiliser des informations plus ou moins sensibles en ligne. Cela ne signifie pourtant pas qu’ils sont insouciants, mais seulement qu’ils considèrent les usurpations d’identité et fraudes bancaires comme des dommages collatéraux de l’usage aujourd’hui inévitable d’internet et des objets connectés. D’ailleurs, parmi les catégories d’utilisateurs, une large majorité se considère comme modérée, oscillant entre prudence et méfiance quant à leur usage de la toile.
Ces internautes sont convaincus que la cyber-sécurité comportera toujours des failles et que l’on ne peut accorder une confiance totale au numérique. Comment font-ils alors pour évaluer certains sites plus dignes de confiance que d’autres ?
La défiance numérique comme instinct de protection du consommateur
En matière de sécurité informatique, le risque zéro n’existe pas. Les piratages de comptes Apple ou Google2 ont mis en évidence le fait que même les GAFA, ces géants ultra-protégés qui dominent le Big Data et l’Internet of Things, ne sont pas à l’abri d’actions malveillantes sur leurs plateformes. Dans cet environnement opaque de gestion des données, comment et pourquoi l’utilisateur devrait-il avoir confiance dans l’usage qui est fait des traces qu’il laisse sur la toile ? Où vont ses données ? Ses informations sensibles sont-elles vraiment cryptées ? Qui peut les consulter ? Ce sont autant de questions auxquelles l’utilisateur ne recevra pas de réponses. Il devient alors logique que la défiance numérique prédomine au détriment de la confiance. Alors, pour la contrebalancer, l’e-consommateur averti qui doit laisser des informations sensibles sur un site va établir sa propre grille de fiabilité : Ce comportement n’est pas infaillible et ne permet pas de se protéger intégralement des fraudes, en constante augmentation, mais il permet certainement d’en éviter.
Imaginons à l’inverse la confiance numérique comme innée chez l’individu connecté. Elle induirait le sentiment de sécurité et d’invincibilité sur la toile. L’utilisateur n’aurait alors aucune limite au partage et à l’exploitation de ses informations personnelles. Poussé à l’extrême, il serait même enclin à produire des données afin de digitaliser son existence. L’histoire de Chris Drancy3 nous montre que cette vie déshumanise l’individu, qui n’a plus à penser par lui-même car l’Internet of Things le fait pour lui. Comme il l’a lui-même expliqué ultérieurement, « je ne savais plus quelle version de moi j’étais […] Puisque je gardais tout, je pouvais actualiser n’importe quelle version ». Ces versions reflétaient-elles son « moi » ? Non, elles n’étaient que des personnalités créées en faisant jouer des variables internes et externes à l’individu. Psychiquement détruit, il en appelle aujourd’hui à un rapport plus conscient aux technologies. Cet exemple nous montre que la défiance apporte à l’individu un libre-arbitre indispensable pour se protéger dans le monde digital.
La défiance instinctive de l’utilisateur agit donc comme une protection supplémentaire à la sécurité imparfaite proposée par les entreprises. Toutefois, la confiance numérique, même si elle n’est pas nécessaire dans la relation entre l’individu et les plateformes numériques, reste un manque à gagner dans la pérennisation des échanges homme/machine.