La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Dans un contexte où le nombre de reportings et de contraintes imposées par BCBS 239 se multiplient, nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec David Leclerc sur ce sujet. Il nous livre sa vision sur les problématiques soulevées par ANACREDIT et BIRD.
En quelques mots, pouvez-vous nous décrire le projet Anacrédit ?
Anacrédit est un projet de la banque centrale européenne (BCE – Département Statistiques) dont l’objectif est de créer une base de données statistiques sur les crédits accordés par les établissements de crédit au sein de la zone euro.
Anacrédit est une base extrêmement granulaire puisqu’elle est réalisée à un niveau « loan by loan », comportant chacun une centaine d’attributs. Cette base regroupe à la fois des données comptables (impairment, forbearance …), liquidité (encumbrance) et risques (probabilité de défaut …). La BCE avait d’ailleurs évoqué lors des premiers échanges, que grâce au projet Anacrédit, elle serait capable de reconstituer elle-même le COREP et le FINREP mais cette éventualité ne semble plus à l’ordre du jour. Ce projet de grande ampleur commence par l’harmonisation au niveau européen de la collecte de centralisation des risques sur base individuelle (activités domestiques), à noter que cette collecte n’existe d’ailleurs pas dans tous les états membres (notamment aux Pays-Bas).
Pouvez-vous nous rappeler les principales étapes qui ont jalonné ce projet ?
Dès le début du projet, nous avons pris part aux travaux de place sur le sujet. Le premier atelier a été initié par la BCE en Février 2014, avec comme principal objectif de présenter le projet Anacrédit et de recueillir les premières réactions des acteurs de place. En Juin 2014, un exercice de cost assessment a été mené auprès des banques et des banques centrales nationales. L’enjeu était d’évaluer les impacts de ce nouveau reporting en termes de revue des processus, d’architecture fonctionnelle et applicative mais également en termes de coûts.
Les principaux retours ont notamment fait état de la difficulté à remonter les données relatives à des prêts octroyés à des personnes physiques, non pas tant pour l’aspect volumétrie que pour la question juridique de protection des données. A noter que dans la phase 1 du projet (Septembre 2018), seuls les prêts aux entreprises seront concernés. L’éventualité d’une exigence de reporting sur les prêts aux personnes physiques est à l’étude par la BCE pour mise en application dans une phase ultérieure.
L’exercice est resté très macro puisque la BCE n’avait pas clairement spécifié ses attentes mais cette démarche a cependant eu le mérite d’exister et il nous semble important que les banques centrales nationales d’une part et surtout les banques, qui sont les premières impactées, prennent part dès le départ à la construction d’un projet d’envergure comme Anacrédit.
Quelques ateliers supplémentaires ont été menés jusqu’à fin 2014. Il a été reproché à la BCE de ne pas avoir réalisé de vraie consultation publique, ce qui aurait permis aux établissements de travailler plus concrètement sur le cadre de reporting. Deux versions du règlement ont circulé au sein des fédérations bancaires et les travaux ont pu être affinés mi-2015. Cela signifie que nos équipes ont pu commencer à décortiquer les variables demandées à partir d’Avril/Mai 2015 car quelle que soit la demande, notre préoccupation principale était de comprendre le besoin réglementaire. Début Décembre 2015, un règlement a été publié en version draft par la BCE. Nous avions environ un mois pour y répondre, ce qui est très court en comparaison des consultations de l’EBA qui laisse en général un délai de trois mois pour répondre. Il y a eu cependant de nombreux retours auprès de la BCE. Le vote du règlement a été décalé à Mai 2016, afin de laisser le temps à la BCE d’affiner le règlement car beaucoup de questions avaient été reçues à cette occasion.
Pouvez-vous nous parler du projet BIRD et de son intrication avec Anacrédit ?
En Octobre 2015, le département statistique de la BCE a lancé le projet BIRD (Banks’ Integrated Reporting Dictionary). Bien que le nom fasse référence à un dictionnaire, il est plus pertinent de voir BIRD comme une documentation nécessaire dont toutes les banques pourraient se servir dans le cadre des reportings (à commencer par Anacredit). BIRD définit des inputs d’une part et des outputs d’autre part, ces derniers étant reconstitués grâce à plusieurs inputs. Par exemple, si on prend comme output la taille d’une entreprise, elle peut être déterminée en fonction des inputs suivants : effectifs de l’entreprise, chiffre d’affaires … L’ambition de BIRD est de permettre aux différents reportings générés par les banques d’être cohérents et donc de pouvoir être analysés selon une même grille de lecture.
Selon vous, si BIRD permet d’assurer une cohérence dans les reportings entre les banques, pourquoi la BCE ne l’a-t-elle pas imposée car rappelons-le, son adoption se fait sous la base du volontariat ?
Il faut rappeler avant tout que les équipes de BIRD sont différentes des équipes d’Anacrédit. Elles avaient donc besoin des banques pour créer le service. Les banques ont de toute façon tout intérêt à y prendre part puisqu’elles ont participé à la création de ce projet. Il nous semble que l’objectif n’était pas d’imposer BIRD mais de le construire ensemble et ainsi, d’y faire adhérer les banques.
Cependant, aujourd’hui, suite aux différentes évolutions du règlement Anacrédit, il y a encore des interrogations sur les outputs de BIRD. La manuel de reporting Anacrédit, en cours de préparation au sein de la BCE, formalisera de manière plus détaillée les données attendues et enrichira BIRD.
Quels sont les travaux engagés par BNPP dans le cadre du déploiement d’Anacrédit ?
Le besoin Anacrédit a été intégré dans un projet plus large. En effet, nous avons fait le constat qu’il y avait un réel besoin de disposer de données plus granulaires, qui pourront toujours si besoin être agrégées in fine. La création d’un datawarehouse central : SRS (Shared Reporting Space) alimenté par l’ensemble des entités était déjà dans la roadmap du Groupe, le besoin de plus de granularité exprimé par le régulateur a accéléré et renforcé le projet au sein de BNPP. En cible, cet outil intégrera tous les crédits et sera relié aux référentiels (tiers/titres et nomenclatures associées). Il sera également partagé par les entités. Le projet chapeau est le projet Filière Unique qui vise, sur la base d’une même assiette comptable enrichie d’attributs risque et liquidité, à faire converger les process de reportings risque, finance et liquidité et ainsi éviter les rapprochements adhoc. Les recommandations du BCBS 239 ont aussi accéléré ces travaux de manière à s’articuler avec les autres exigences.
Notre ambition est de disposer des données normalisées dans le datawarehouse central. Plus spécifiquement sur Anacrédit, nous avons procédé à une analyse des données demandées :
• Certaines sont identiques à celles utilisées dans le cadre du FINREP,
• Les données risques font référence à la CRR,
• Les données taux sont en phase avec des reportings utilisés en droit européen.
Notre gap analysis a montré que sur la centaine de données demandées pour chaque loan, nous disposions déjà d’environ la moitié des données. Quant à l’autre moitié, les équipes Projet et Systèmes (Fonction Centrale et Métier) étudient plus précisément la manière de les alimenter.
Quels sont les enjeux de la déclinaison locale d’Anacrédit et son adhérence avec la collecte centrale des risques déjà existante ?
Les entités bancaires françaises de BNPP remonteront leurs données Anacrédit à la direction statistique de la BDF qui les transmettra à la BCE. Il en sera de même pour les entités bancaires du Groupe dans les autres états membres de la zone euro : les BCN sont l’organe de collecte d’Anacrédit et doivent intégrer ce dernier dans leur collecte de centralisation des risques (existante ou à créer).
En France, il n’y aura en théorie pas d’overlap avec la CCR (Central Credit Register). La Banque de France est en train de construire un mapping entre la CCR et Anacrédit, ce qui ne peut qu’être bénéfique. Un double run sera à prévoir cependant afin de valider l’harmonisation des remontées (CCR vs. reconstitution des données de la CCR à partir des données Anacrédit). En Allemagne par exemple, le travail va être beaucoup plus important pour les banques puisqu’elles passent d’un seuil d’un million d’euros dans la CCR actuelle à un seuil de 25 000€ avec Anacrédit. En Espagne, c’est l’inverse, nous faisons face à un overlap car les besoins de la CCR sont plus granulaires que pour Anacrédit, notamment au niveau des instruments. Nous espérons donc que les besoins locaux seront revus dans une optique de convergence.
De plus, le règlement Anacrédit laisse place à des discrétions nationales, ce qui peut poser des problèmes pour un groupe cross-border comme BNPP. Par exemple les prêts comptabilisés dans les succursales hors zone euro sont laissés à la discrétion des banques centrales nationales. Pour rappel, la phase 1 du projet comprend les prêts et les dépôts à l’actif (c’est-à-dire ceux qui présentent un risque de crédit), la phase 2 comprendrait quant à elle les dérivés et les garanties financières et la phase 3 les prêts particuliers (prêts immobiliers pour une résidence principale). Ces deux dernières phases sont à l’étude par la BCE, des discussions sont toujours en cours, notamment sur l’anonymisation des données.
Le feedback loop sera utile aux établissements puisqu’il permettra notamment de donner une idée de l’endettement d’un prospect ou d’un client lors de l’octroi d’un crédit. Pour cela, chaque banque centrale nationale devra signer un MoU (Memorandum of Understanding).
Une question qui se pose nécessairement est la sécurité d’une base comprenant des données financières de si grande taille ?
Effectivement, ce point a constitué un sujet majeur lors de nos ateliers avec la BCE qui nous garantit la sécurité des données.
En synthèse, que faut-il retenir d’Anacrédit et de BIRD ?
La BCE travaille sur ce projet depuis plus de deux ans mais est restée longtemps dans des considérations très macros. C’est pourquoi nous attendons impatiemment le manuel de reporting Anacrédit qui sera revu avec les autres banques. Le kick-off de ce chantier est prévu pour début Juillet. Un point important, en particulier pour les groupes cross-border, est la déclinaison locale d’Anacrédit. En synthèse, Anacrédit s’avère être un projet, certes très coûteux, mais qui oblige les établissements à reconsidérer leur process de reporting granulaire à l’heure où d’autres besoins arrivent (IFRS9).
Il est aussi à noter que la BCE prépare l’Anacrédit des titres : le reporting SHS (Securities Holdings Statistics – reporting titres par titres) va évoluer vers une configuration Anacredit (titres par titres assortis d’une trentaine d’attributs communs à Anacrédit) dès septembre 2018 mais nous ne disposons toujours pas à l’heure actuelle de projet de règlement ...