La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le 29 août, M.Pepy, Président de la SNCF, annonçait sur BFM et RMC la commande prochaine de 15 trains régionaux à hydrogène. Le 30 août, M.Poupart-Lafarge, Président d’Alstom, répondait sur France Info que son entreprise était prête et que les premiers trains seraient disponibles en « 2021 ou 2022 »
Le 29 août, Guillaume Pepy, Président de la SNCF, annonçait sur BFM et RMC la commande prochaine de 15 trains régionaux à hydrogène. Le 30 août, Henri Poupart-Lafarge, Président d’Alstom, répondait sur France Info que son entreprise était prête et que les premiers trains seraient disponibles en « 2021 ou 2022 ».
L’hydrogène constitue-t-il une solution pour réduire l’empreinte carbone des transports et améliorer la desserte des territoires ? Sia Partners dresse un panorama de l’hydrogène aujourd’hui : intérêt, faisabilité technique, expériences étrangères, éventuelles commandes en France par des Autorités organisatrices.
La France compte 608 TER diesel et 440 TER bimodes (diesel et électriques). Environ 1000 trains – sans compter le matériel du fret et de l’infrastructure – fonctionnent donc encore au diesel. Ces matériels représentent 50% du parc TER total, 20% des circulations TER et 40% des kilomètres parcourus. De manière contre-intuitive, il apparaît que 25% des trajets TER en diesel se font en zones urbaines. Ces trajets sont donc source de pollution locale. 60% des émissions de CO² du Groupe SNCF proviennent ainsi de la traction diesel.
Pourtant, ces TER diesel sont récents. Ils ont été mis en service entre 1997 et 2011 ainsi que depuis 2014 (Regiolis). Leur renouvellement par les Autorités Organisatrices n’est donc prévu qu’entre 2028 et 2040.
La SNCF s’est engagée à abandonner l’usage du diesel d’ici 15 ans. Il est donc indispensable de faire évoluer le matériel diesel existant. Pour ce faire, le Groupe public ferroviaire mobilise deux équipes. L’une travaille sur le train à hydrogène. L’autre sur le TER hybride.
Jusqu’à présent, l’électrification de voies ferrées figurait en bonne place dans les Contrats de Plan Etat-Région (CPER). Dernière en date, l’électrification de la ligne Paris-Troyes bénéficiera aux habitants de l’Aube (Grand Est) et aux Franciliens (ce projet comporte, en effet, une antenne jusqu’à Provins). Si ces aménagements sont vertueux en termes d’aménagement du territoire, ils présentent toutefois des coûts très importants. On estime entre 0,35 et 1,5 million d’€/km, le coût d’une électrification. Hormis les éventuels projets d’électrification frugale, il est peu probable que de nouveaux chantiers d’envergure soient lancés prochainement.
L’hydrogène semble donc être un compromis entre le coût de l’électrification et les impacts environnementaux du diesel.
Retour à nos cours de physique. L’hydrogène entre en contact avec l’oxygène dans une pile à combustible. Cette dernière produit de la chaleur et de l’eau qui est éliminée sous forme de vapeur. Elle produit aussi de l’électricité destinée à alimenter les moteurs électriques.
Problème. Les électrolyseurs nécessaires à cette opération sont coûteux et 95% de l’hydrogène consommé en France est issu d’énergies fossiles donc polluantes. Fort heureusement, l’avancement des recherches scientifiques a déjà permis de réduire le coût des électrolyseurs alcalins. Des filières d’hydrogène vert se mettent en place, par exemple au sein de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR). Il s’agit de produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau.
S’il paraît envisageable de produire des trains à hydrogène ou de faire évoluer certains matériels existants, il semble difficile de modifier 1000 trains en peu de temps. Des solutions complémentaires s’imposent.
La technologie des biocarburants de 1ère puis de 2ème génération est immédiatement compatible avec les trains diesel. Elle est déjà utilisée par la SNCF pour les Intercités Paris-Granville. Aussi louable soit-elle, cette technologie mobilise la biomasse (cas des biocarburants de 1ère génération) ou nécessite de déployer de lourdes solutions industrielles (cas des biocarburants de 2ème génération). Les biocarburants de 2ème génération apportent ainsi une solution en demi-teinte, notamment pour des matériels diesel difficiles à modifier.
Le GNV (gaz naturel pour véhicules) constitue une autre alternative. Ainsi, aux Etats-Unis, l’opérateur de fret Florida East Coast Railway a fait évoluer 100% de son parc au GNV. Si les moteurs diesel de nos TER peuvent être modifiés pour fonctionner au GNV, le bilan coût-carbone n’est que peu favorable à cette technologie.
L’équipement de trains à l’aide de batteries semble être une alternative plus crédible. Elle comporte deux volets : des trains 100% électriques à l’aide de batteries mais nécessitant de longues phases de rechargement et des trains partiellement équipés de batteries.
Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de verdir le parc TER français, les solutions divergent.
Alstom parie sur l’hydrogène. Fort de ses succès commerciaux en Allemagne, l’industriel de Saint-Ouen propose un Regiolis hydrogène construit sur son site de Reichshoffen en Alsace. Les 15 trains évoqués par Guillaume Pepy.
La SNCF et Alstom travaillent également sur des trains Regiolis hybrides, autrement-dit équipés de batteries de grande capacité. Ce TER pourra être simultanément diesel, électrique et comprendre des batteries lithium de grande capacité. Un démonstrateur est en cours de réalisation pour le compte des Régions Grand Est, Nouvelle Aquitaine, Occitanie et du Centre-Val de Loire (potentiel de 273 trains). Les gains énergétiques et environnementaux seraient d’environ 20% et les coûts de maintenance des moteurs diesel réduits de 30 à 50%. La SNCF envisage également de transformer un A-TER, afin de remplacer l’un des deux moteurs diesel par une batterie. Ce matériel serait destiné aux lignes d’aménagement du territoire (potentiel de 336 trains). Un premier essai est prévu en Auvergne-Rhône-Alpes.
Bombardier préfère miser sur l’installation de batteries sur les 488 trains de type Autorail à Grande Capacité construits entre 2004 et 2011 (326 bimode diesel/électrique et 162 diesel). Fort d’une première expérience en Angleterre grâce au train Electrostar Ipemu, Bombardier a lancé une version allemande, le Talent 3. Ce train électro-hybride a déjà une autonomie de 40km à 140km/h et peut être rechargé en sept à dix minutes. Il apporte une solution à de petites lignes non électrifiées de la région du lac de Constance.
Le loueur Alpha Trains s’est associé à Rolls-Royce pour proposer la conversion de 140 à 150 trains régionaux allemands du diesel vers l’hybride à batteries. Ce projet doit limiter de 25% les émissions de CO2 et de 75% les nuisances sonores en gare.
Siemens a également développé un train hybride électrique et à batteries. Ce train destiné au marché autrichien se recharge en dix minutes à l’arrêt sous caténaire et trente minutes en mouvement.
Enfin, Stadler propose également un matériel à batteries, le Flirt Akku. Il dispose d’une autonomie de 80km à une vitesse de 140km/h. Le constructeur suisse estime qu’il est adapté aux marchés allemand, autrichien, anglais, néerlandais et italien.
Chez nos voisins européens, des trains à hydrogène circulent déjà. En Allemagne, deux premiers trains Alstom à hydrogène circulent sur une ligne de près de 100 kilomètres en Basse-Saxe depuis le 17 septembre 2018. Ils sont capables d’assurer deux allers-retours et peuvent être rechargés en 15 minutes (une charge complète en hydrogène nécessite toutefois 50 minutes). Alstom a engrangé une nouvelle commande de 27 trains pour le réseau de transport en commun Rhein-Main-Verkehrsverbund (RMV) dans le Land de Hesse.
Fort de ces succès à l’étranger, six Autorités Organisatrice françaises ont décidé de s’associer pour commander du matériel à hydrogène : PACA dite « Région Sud », Bourgogne Franche-Comté, Grand Est, Pays-de-la-Loire, Normandie, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes. Parallèlement, la Région Occitanie a présenté un plan de 150 millions d’euros pour développer une filière d’hydrogène vert. Une première unité de production sera ouverte à Toulouse Blagnac en 2020.
La fin du diesel semble donc passer par un panel de solutions. À court et moyen termes, convertir progressivement la flotte TER existante, par l’emploi de batteries.
À long terme, faire monter en puissance la technologie hydrogène. À compter de 2028, l’hydrogène aura toute sa place dans le cadre d’un renouvellement massif du parc TER par les Autorités Organisatrices. D’ici là, le surcoût du train à hydrogène - 30% plus cher que le diesel, 20% plus cher qu’un train à batteries - se sera résorbé. L’hydrogène vert pourra très vraisemblablement être produit à moindre coût.
Une opportunité pour la compétitivité de l’économie française dans un contexte concurrentiel
Au-delà des transports ferroviaires, l’émergence d’une filière hydrogène française constitue assurément une opportunité d’accroître la compétitivité de l’économie française. A titre d’exemple, la région de Tarbes pourrait devenir un pôle d’excellence en hydrogène : usine Alstom de Séméac, électrolyseur vert à Tarbes.
Un vrai enjeu de compétitivité pour le France, à l’heure où Peter Altmaier, Ministre allemand de l’économie a déclaré mi-juillet vouloir faire de son pays « le numéro un mondial sur les technologies hydrogène ».