La reconversion, parent pauvre des politiques d…
L’actualité de la filière déchets est marquée par un contexte de forte évolution du cadre réglementaire européen et français, à la fois incitatif et coercitif.
D’un côté, le Paquet économie circulaire européen (mai 2018), la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), la feuille de route de l’économie circulaire (FREC), et plus récemment le projet de loi antigaspi’, marquent une nouvelle ambition pour la production, le recyclage et la valorisation des déchets. En particulier, s'agissant des émissions de gaz à effets de serre du secteur, le projet de stratégie nationale bas-carbone vise une réduction de 37% des émissions du secteur en 2030 par rapport à 2015. De l’autre, la condamnation historique le 11 octobre dernier de l'incinérateur de Vaux-le-Pénil au pénal pour avoir rejeté des fumées chargées en dioxines traduit le durcissement de la règlementation française à l’égard des unités d’incinération quant à l’impact environnemental de leurs activités.
Pour rester compétitifs et assurer leur place dans l’avenir de la filière, les acteurs du secteur doivent investir dans des infrastructures innovantes afin de moderniser leur outil de production et tirer profit de la croissance verte.
Cet article détaille les enjeux spécifiques liés aux incinérateurs, et expose quelques-uns des axes d’amélioration possibles.
Depuis 2015 et la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les objectifs nationaux en termes de réduction du volume de déchets et d’amélioration de leur gestion se multiplient. Trois axes sont mis en œuvre pour obtenir ces réductions :
Ces nouvelles orientations ont un impact croissant et déjà significatif sur le volume et la composition des déchets à incinérer. En accentuant la réduction des déchets produits par les ménages, dont les ordures ménagères pour lesquelles la quantité produite par habitant est passée de 350 kg/hab en 2000 à 271kg/hab en 2015[ii], elles pourraient à terme entrainer des problèmes d’approvisionnement pour les incinérateurs.
Outre la réduction des déchets traités entrainant une baisse globale du marché disponible pour les incinérateurs, ceux-ci font également l’objet de réglementations de plus en plus strictes sur les polluants et rejets finaux.
La réglementation et les normes sur les incinérateurs peuvent être regroupées en trois types :
Dans l’ensemble, la réglementation sur les incinérateurs suit la tendance générale des industries à aller vers une meilleure gestion des polluants et la limitation au maximum des déchets résiduels. Dans le cas des incinérateurs, il existe deux types de déchets :
Sur les 30 dernières années, les réglementations ont eu pour but notamment de réduire les déchets ultimes des incinérateurs en favorisant la réutilisation (par exemple des mâchefers en tant que substitut au sable pour des travaux publics) plutôt qu’en ayant recours de manière systématique à l’enfouissement.
La réglementation suit également les découvertes liées aux dangers des polluants vis-à-vis de la santé des riverains ou vis-à-vis de l’environnement. Ces réglementations sont appliquées lors de la fermeture et destruction d’anciens incinérateurs ou, à défaut, de la mise aux normes des incinérateurs encore sur le parc.
Le cas des dioxines, pour lesquelles la norme introduite en 1991 a permis de diminuer les émissions d’un facteur 30 en 12 ans, est emblématique de cette évolution rapide. En effet, le 11 octobre 2019, l’incinérateur de Vaux-Le-Pénil a été condamné pour non-respect de la limite d’émissions de dioxines et devra verser un dédommagement aux habitants impactés.
Cette condamnation représente une première dans ce domaine.
Au total, ce sont environ 20 polluants qui sont ainsi réglementés à ce jour et la tendance est à l’augmentation.
Les dernières normes sont également allées dans le sens d’une diminution des émissions de CO2 liées aux activités d’incinération et aux déchets en général, par exemple en diminuant la quantité totale de déchets incinérés en privilégiant au maximum la réutilisation ou le recyclage, en amont de la chaîne de valorisation.
De façon plus incitative, la loi de finances prévoit une exonération de TGAP[iii] pour la valorisation énergétique des déchets les incinérateurs. Pour obtenir cet avantage fiscal, ces derniers doivent atteindre un niveau de réfaction plus élevé, en limitant les valeurs d’émission d’oxyde d’azote à moins de 80 mg/Nm3, et prouver la performance énergétique élevée de l’unité. A noter que la loi de finance prévoit un calendrier de hausse de la TGAP sur 2020-2025 pour inciter à mettre en place les solutions les plus performantes.
Sur la vingtaine de contrats d’exploitation d’incinérateurs renouvelés ces dernières années, les industriels qui ont remporté les appels d’offres sont aussi bien de nouveaux acteurs que les acteurs historiques. Leurs stratégies se sont orientées principalement autour de 2 axes.
Sur les axes d’amélioration classiques, l’investissement est moyen et les technologies sont matures, ce qui permet d’assurer des économies financières tout en réduisant les rejets. Ce sont les gains les plus faciles à réaliser sur les incinérateurs.
En amont, les actions portent principalement au niveau de l’acheminement des déchets, selon les possibilités liées au site :
Pour le traitement effectif des déchets, on retrouve systématiquement le remplacement d’équipements existants par des équipements plus performants :
En aval, une amélioration classique observée consiste à passer au traitement sec des fumées, le mode de traitement des fumées par voie humide ayant un besoin en eau particulièrement important. Le traitement sec des fumées se fait par l’injection de bicarbonate ou de chaux sèche (plus récent) en amont du filtre à manche et dans le filtre à manche.
Ces technologies, un peu plus différenciantes et n’ayant pas encore prouvé leur efficacité, sont également mises en place mais avec des retours plus ou moins probants aujourd’hui.
Les start-ups Fermentalg et Climeworks proposent de capter le carbone en sortie de l’incinérateur via l’installation :
Le tri mécano-biologique a été testé sur quelques sites. Ce tri permet d’extraire les déchets biologiques des ordures ménagères afin de les composter, permettant ainsi de réduire le volume des déchets incinérés et donc les émissions émises.
Cette technologie n’est pour le moment pas stable et présente de nombreuses erreurs de tris. En effet, certains déchets plastiques se retrouvent dans le compost, dégradant fortement sa qualité pour les agriculteurs le récupérant. De plus avec l’obligation de collecte séparée des biodéchets d’ici 2025, ce type d’investissement sera de moins en moins opportun.
Les enjeux économiques et règlementaires du secteur de l’incinération poussent aujourd’hui les entreprises à investir à court et moyen termes dans des moyens de production plus performants et plus verts. Ceci afin de conserver leurs parts sur un marché qui, très dépendant des nouvelles considérations règlementaires en matière d’environnement, est amené à se réduire dans les prochaines années. Ces entreprises ont ainsi tout intérêt à anticiper ces évolutions et à s’appuyer sur leur expertise dans le domaine des déchets pour diversifier leurs activités.
Une analyse de Raphaëlle Kassidonis, Louis Girard et Jason Saniez.
Notes et Sources :
[i] Direction régionale environnement aménagement logement, Objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en matière de gestion des déchets
[ii] Les déchets – chiffres clés 2017 - Ademe
[iii] Taxe générale sur les activités polluantes
[v] En Suisse on capte du C02, Journal de l’environnement, juin 2017