La reconversion, parent pauvre des politiques d…
D'après une enquête menée par le Boston Consulting Group[1], le recrutement est la fonction RH ayant le plus d'impact sur les résultats d'une entreprise.
En étudiant la corrélation entre la performance de 22 processus RH et les résultats financiers de l'entreprise (chiffres d'affaire et marge nette), cette étude a démontré l'existence d'une forte relation entre la performance RH d'une entreprise et ses résultats, le recrutement étant le processus le plus impactant. Ainsi, les entreprises identifiées comme performantes dans le domaine du recrutement ont une croissance de leur chiffre d'affaire 3,5 fois plus importantes et une marge brute 2 fois plus fortes que leurs homologues identifiés comme peu performants dans le recrutement.
Investir dans la fonction recrutement apparait donc incontournable. Par ailleurs, le contexte actuel de pénurie des talents dans certains domaines (informatique, électronique...) et la crise économique exigent des départements RH une amélioration de la qualité des recrutements sans augmentation des ressources. Pour résoudre cette équation, de plus en plus de prestataires proposent une offre RPO (Recruitment Process Outsourcing) promettant aux entreprises une amélioration des processus recrutement simultanée à une baisse des coûts.
Le RPO, Kesako ? Est-ce la formule magique qui permettra de révolutionner le recrutement de demain en France? Ses promesses sont-elles vraiment tenues ?
Le Recruitment Process Outsourcing consiste à externaliser une partie ou l'ensemble des processus de recrutement (sourcing, tri des CV, évaluation des compétences...) à une équipe de consultants externes tout en conservant le contrôle et la responsabilité de ce processus. C'est dans les pays anglo-saxons (Angleterre et Etats-Unis) que le RPO fait son apparition il y a plus de 20 ans. Les entreprises confient à un prestataire la gestion des échanges avec les cabinets de recrutement afin de simplifier et centraliser ces relations. L'externalisation se développe petit à petit pour toucher l'ensemble des processus de recrutement, allant même jusqu'à comprendre l'intégration des nouveaux collaborateurs. Le Ministère de la Défense australien a ainsi confié en 2012 à Manpower l'intégralité de son processus de recrutement avec un contrat sur 5 ans: marketing, opérations de recrutement, évaluation (assessment) médicale et psychologique ainsi que la coordination entre offres d'emploi et journées de sélection. Piloté depuis le siège du ministère australien de la Défense, le processus se déroule dans 16 centres de recrutement nationaux. Au total, entre 20 et 40 000 candidatures sont ainsi examinées pour les Armées de l'air, de terre et navale.
En France, ce phénomène apparait dans le début des années 2000, mais son rythme de développement reste bien plus timide que chez nos homologues anglo-saxons. Les entreprises françaises sont très prudentes sur les problématiques de gestion du capital humain et restent frileuses face à l'externalisation d'une activité à caractère stratégique. La tendance est donc plutôt à l'apparition d'une offre RPO française « à la carte » plutôt qu'une offre tout compris : choix dans le processus, les types de recrutements pris en charge, durée de l'intervention... Ces pratiques sont illustrées dans l'étude publiée par le groupe Adecco[2] selon laquelle 76% des entreprises interrogées déclarent avoir recours à l'externalisation en matière de recrutement. De façon plus précise, seulement six entreprises sur dix font appel à un prestataire pour déléguer leur processus de recrutement de la rédaction de l'annonce à la sélection des candidats. 21% d'entre elles délèguent également la définition du profil alors qu'elles ne sont que 6% à mandater un prestataire pour l'ensemble des étapes de leurs recrutements. Dans la grande majorité des cas, le recours à la prestation externe en matière de recrutement tient donc davantage de la relation « client / fournisseur » plutôt qu'à une réelle relation d'externalisation.
S'il a du mal à s'imposer en France, ce phénomène promet pourtant de réels bénéfices dans la gestion du recrutement. Le premier critère reste celui du coût, la rentabilité du RPO étant avérée dès lors qu'un certain volume de recrutement est assuré (environ 100 par an selon le retour d'expérience d'Estelle Trebucq, directrice du recrutement Sage France[3]). Le groupe Manpower avance une baisse de 25% du coût global de recrutement[4]! Par ailleurs, le RPO propose une solution plus flexible qui vise à anticiper au mieux les phases où le recrutement reprend et à pouvoir répondre aux besoins rapidement. De plus, avoir recours à un prestataire externe permet de mieux identifier les points de blocage dans les procédures de recrutement des groupes, d'harmoniser les processus et d'optimiser les outils utilisés. Enfin, le RPO introduit la notion de projet et la mise en place d'indicateurs clés de mesure de la performance et leur suivi régulier. Le but final est donc l'amélioration de la fonction recrutement, à la fois au niveau de la qualité du recrutement, mais aussi des coûts et des délais de réponse.
Cependant, la mise en place du RPO présente les mêmes risques que ceux liés à l'externalisation d'une prestation, à savoir notamment un mauvais choix ou un mauvais suivi du prestataire. Il convient donc de le sélectionner attentivement en hiérarchisant et en étudiant les critères suivants : références du prestataire dans le recrutement de profils similaires aux besoins de l'entreprise ; santé financière ; turnover du prestataire ; conditions du déroulé de la prestation (sur site ou hors site)... Une fois le partenaire sélectionné, mieux vaut s'assurer que les termes du contrat et les modalités de facturation soient satisfaisantes pour l'entreprise (part de fixe et de variable) mais qu'elles restent incitatives pour le prestataire. Enfin, l'amélioration continue du processus de recrutement n'est possible que si la stratégie de recrutement de l'entreprise est partagée avec le prestataire, et les performances et actions mises en oeuvre par celui-ci suivies régulièrement.
Ainsi, les solutions RPO restent timides en France et sont souvent progressives : elles peuvent commencer par une offre parcellaire puis s'étendre si la confiance est acquise. Cette situation peut être comparée à l'externalisation d'autres processus RH tels que la gestion de la paie, qui a fait l'objet de réticences similaires avant d'être plus largement répandue, comme c'est le cas aujourd'hui. Les Directions de Ressources Humaines de Groupes tels que la SNCF, EDF, Alstom ou Siemens ont déjà référencé des partenaires en RPO et de nombreuses sociétés font appel à des prestataires de RPO pour des audits ou pour externaliser une partie de leur fonction recrutement. Si le phénomène s'implante lentement, les promesses du RPO et les exemples anglo-saxons montrent que ce secteur a de belles perspectives de développement devant lui !
[1]Etude "Realizing the Value of People Management", Août 2012, menée auprès de 4288 professionnels dans 102 pays
[2]Etude "L'externalisation mythe ou réalité", février 2014
[3]Retour d'Expérience d'Estelle Trebucq, 28 juin 2012, Les Matinales de SELEXENS
[4]Source:http://www.manpower.fr/entreprises/solutions-emploi/cdi-cdd/externaliser...