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Il est urgent de repenser les zones urbaines, en créant un écosystème durable qui bénéficiera aux citoyens et aux entreprises mais aussi aux collectivités et gestionnaires de services publics.
En 2017, près de 55% de la population mondiale vivait dans les villes et était responsable de près de 70% de la consommation globale d’énergie et des émissions de GES. En 2050, l’ONU prévoit que les villes abriteront 68% de la population. Il est donc urgent de repenser les zones urbaines, en créant un écosystème durable qui bénéficiera aux citoyens et aux entreprises mais aussi aux collectivités et gestionnaires de services publics. Le citoyen, au cœur de cet ensemble, profitera grâce au traitement en temps réel et au partage efficace des informations d’une expérience citadine améliorée : augmentation du confort et de la sécurité, diminution des consommations énergétiques et des émissions (déchets, CO2), émergence de nouveaux services urbains (mobilité intelligente et collective).
La Smart City se caractérise par une capacité à concilier au sein de l’espace urbain deux formes d’intelligence : l’intelligence des systèmes et celle des services qui en découlent. La première désigne l’optimisation des flux (transport public, fret, trafic, équilibre du réseau électrique, émission de CO2) et du fonctionnement des dispositifs (approvisionnement en énergie, gestion des déchets). Elle peut se quantifier à travers des indicateurs de type ROI. La seconde englobe les services mis à disposition des usagers, ainsi que les bénéfices des projets engagés par la collectivité. Plus complexe, celle-ci pourrait se mesurer en taux d’adoption. Ainsi, on qualifiera de véritablement « Smart », une ville dans laquelle les systèmes sont optimisés et bénéficient à l’ensemble de la communauté en alimentant des services.
En partant de cette définition, Sia Partners a défini quatre niveaux de Smart Cities en prenant pour principal critère la transversalité des initiatives via le nombre de secteurs (énergie, mobilité, sécurité, numérique, environnement, social) intégrés au sein de la Smart City. Le niveau 4 correspond dans cette définition à la Smart City de demain. Pour affiner le niveau de maturité des villes, il serait cependant pertinent de prendre en compte d’autres indicateurs comme le niveau d’intégration des initiatives, l’implication des citoyens, l’échelle des projets, la note environnementale, ou encore l’attrait pour les startups.
Ainsi, les initiatives des villes actuelles ne suffisent pas à construire la Smart City de demain : la construction d’une ville intelligente cohérente nécessite un passage à l’échelle. On observe qu’aujourd’hui, la plupart des initiatives qualifiées de « Smart » se font à travers la combinaison d’initiatives mono-secteur qui n’ont pas été pensées à l’origine comme un projet global. Les initiatives multi-secteurs, en général gérées par des consortiums d’acteurs aux compétences complémentaires, sont plus rares. En effet, ce sont surtout la diversité et la spécificité des compétences nécessaires qui rendent le développement de ces initiatives complexe. Au-delà des acteurs traditionnels des villes (institutions publiques, gestionnaires de réseaux, fournisseurs de services publics…), il est capital d’associer de nouveaux acteurs issus du monde des NTIC[1]. Ces initiatives multi-secteurs sont pourtant les seules capables de répondre simultanément aux trois enjeux cœur du concept de Smart City : simplifier la gouvernance pour les gestionnaires de la ville, améliorer l’expérience urbaine pour les citadins et les entreprises, et aider les gestionnaires de services publics à optimiser leurs systèmes.
La complexité du développement de la Smart City réside ainsi dans la mise en place de synergies entre acteurs. Cette collaboration ne pourra se mettre en place qu’au prix d’un effort d’alignement des enjeux des différentes parties prenantes.
Pour réussir la construction de la Smart City intégrée de demain, il est essentiel de dynamiser la participation de tous les acteurs et de favoriser les échanges afin de maximiser les retombées positives des innovations.
La première étape sera de faire évoluer les comportements pour passer d’une approche individualiste à une approche communautaire. Grâce aux réglementations, qui rendent obligatoire dans la commande publique la mise à disposition de données, plusieurs initiatives d’open data ont déjà vu le jour. La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique[2] a notamment pour but de favoriser une politique d'ouverture des données et des connaissances, dans un objectif de transparence et pour permettre les réutilisations à des fins économiques. Lille Métropole va par exemple tester le programme “Waze Connected Citizens”, collaboration entre Waze et OpenDataSoft. Cette solution permet aux administrations locales d'exploiter le trafic en temps réel dans le but de réduire les embouteillages et d’orienter la feuille de route de la politique urbaine. Pour alimenter ces plateformes, il est indispensable que les citoyens acceptent de partager leurs données. Dans le secteur de l’énergie, le « Green Button » américain permet depuis 2011 aux consommateurs de partager leurs données afin de faciliter la maitrise des consommations, d’encourager le développement de services innovants, d’optimiser les coûts de maintenance et de lutter contre la précarité énergétique. Avec le décret d'accès aux données de consommation[3] en 2017, la France s’est également lancée dans la transparence et l’accès aux données énergétiques pour les consommateurs.
D’un point de vue technique, le développement ces dernières années de nombreuses technologies (intelligence artificielle, modèle de prédiction, reconnaissance d’image, plateformes open data, Blockchain, compteurs communicants, réseaux de communication LPWAN[4], 5G…) est une réelle opportunité pour l’avènement de la Smart City, qui va s’enrichir d’une multitude de nouveaux services : éclairage intelligent, places de parking connectées ou encore ramassage des ordures optimisé. Ces nouvelles technologies devront s’organiser au sein d’une structure intégrée pour que les différentes bases de données, référentiels et modules soient accessibles de façon centralisée, ce qui permettra de les traiter de manière unifiée et synchronisée mais aussi sécurisée. En effet, le succès de ces plateformes sera conditionné à leur capacité à répondre aux exigences de confidentialité, par exemple en permettant des accès différenciés selon les rôles de chaque acteur.
Dans cet environnement où les solutions technologiques sont complexes et fragmentées, les acteurs de la Smart City, et notamment les collectivités, doivent se mobiliser en faveur de la normalisation et la standardisation des outils digitaux, des protocoles et des méthodologies. C’est la position prise par la ville de Bordeaux qui souhaite connecter un de ses quartiers pour diminuer la consommation énergétique et comprendre certains usages des habitants. Un des piliers fort du projet est la mise en place d’une plateforme capable de gérer plusieurs types de protocoles et capteurs, et de transmettre les informations à un système tiers, comme les outils de la ville. S’affranchir des solutions techniques en mettant en place une couche de données indépendante permet non seulement aux métropoles de conserver la gouvernance des données mais aussi de partager facilement entre elles les initiatives Smart pour réaliser des économies.
L’avènement des Smart Cities sera corrélé à la collaboration efficace entre les collectivités et les entreprises innovantes. Actuellement, la complexité des procédures peut freiner l’accès à certains appels d’offre publics. Pour accélérer les initiatives, l’Etat doit privilégier les dispositifs du type “Partenariat Innovation” ou SEMOP[5], des outils facilitateurs de partenariats entre le privé et le public.
Sur un autre plan, le financement des Smart Cities implique un questionnement autour du Business Model des projets. On peut distinguer deux grandes catégories de villes : celles où la collectivité propose des services intelligents à ses citoyens et rémunèrent les entreprises à travers la vente des données ou de la publicité ciblée et celles où les start-ups et entreprises innovantes offrent directement les services aux citoyens. Dans le premier cas, c’est l’Etat qui porte la responsabilité du développement de la Smart City, alors que dans le second, l’Etat occupe le rôle de régulateur pour garantir la sécurité des citoyens.
Pour que le développement des Smart Cities se fasse au profit de tous, l’Etat doit jouer le rôle de tiers de confiance dans les projets. En conséquence, les collectivités doivent se doter de compétences sur le traitement des données et le pilotage de projets Smart City. Certains métiers, comme ceux du domaine juridique seront transformés pour intégrer un aspect sécurisation et gouvernance des données alors que d’autres, comme le Smart City Manager, sont à créer. L’intégration massive d’objets connectés et des NTIC nécessitera également le recours à des experts pour conseiller les élus locaux et orienter au mieux les investissements.
Avec tous les services qu’elle offre, la ville intelligente permettra d’accélérer la transition énergétique et de concilier écologie, économie et confort. La ville connectée représente ainsi une véritable opportunité dans la mise en œuvre des orientations stratégiques de la PPE, récemment annoncées : intégration massive des ENR, mobilité propre et maîtrise de la consommation. Cependant, un véritable risque de développement des Smart Cities à deux vitesses existe, faute d’un budget suffisant pour certaines collectivités. Un cadre incitatif inscrit dans les politiques énergétiques locales sera essentiel pour faciliter un développement à plus petite échelle.
Retrouvez l'infographie associée : [Cycle Smart Cities - 1/3]
[1] Nouvelles technologies de l’information et de la communication
[2] Legifrance : LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
[4] LPWAN : liaison sans fil à faible consommation énergétique
[5] SEMOP (Société d’économie mixte à opération unique) : la SEMOP est une forme d’entreprise publique locale permettant à une collectivité locale ou son groupement de lancer un appel d’offre en amont de la constitution de la société