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La décentralisation est un sujet difficile en France où l'organisation du système politique est très centralisée.
Il est si complexe à aborder que le Gouvernement a pris la décision de présenter sa réforme de la décentralisation (l'acte III) en trois projets de loi distincts, afin de réduire au minimum les risques de rejet au Parlement.
L'étude du premier volet de la réforme, centré sur les métropoles, a commencé en mai dernier au Sénat. Censé être le texte le plus consensuel, il en est cependant ressorti largement tronqué et remanié. L'Assemblée nationale l'étudiera à son tour en juillet 2013.
La création d'un échelon métropolitain est aujourd'hui largement souhaitée par les élites politiques pour permettre aux grandes villes françaises de devenir plus attractives au niveau européen. Ce consensus est cependant fragile : les longues négociations au Sénat ont montré qu'il n'existait pas de définition partagée de ce nouvel échelon et qu'un certain nombre de maires de villes moyennes considéraient cette démarche excluante pour leur agglomération.
La métropole n'est pas une invention du Gouvernement Ayrault. Déjà en 2008, la Commission Attali et le Comité Balladur avaient mis en avant le rôle essentiel des grandes aires urbaines et la nécessité de leur donner un statut et des moyens plus conséquents. La loi de réforme des collectivités du 16 décembre 2010 avait créé le statut de métropole. Trois ans après, seule l'agglomération niçoise s'est organisée sous ce statut, d'autres agglomérations ayant préféré opter pour le cadre moins strict et moins ambitieux du pôle métropolitain (créé également par la loi du 16 décembre 2010).
Le chapitre IV du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale instaure l'échelon de métropole comme nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, pour les groupements intercommunaux d'au moins 400 000 habitants, situés dans une aire urbaine de 650 000 habitants (le projet de loi initial prévoyait une aire urbaine de 500 000 habitants). Elles devront « regrouper plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave qui s'associent au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion à l'échelle nationale et européenne ».
Ces nouvelles entités territoriales bénéficieront de larges compétences transférées par les communes et l'Etat (notamment en matière de logement : attribution des aides à la pierre, garantie du droit au logement décent...) ainsi que de transferts facultatifs de compétences départementales et régionales, par voie de convention. En plus de Paris, Lyon et Marseille (et de la métropole niçoise), huit grandes villes sont concernées par le projet de loi : Bordeaux, Grenoble, Lille, Montpellier, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse.
Le projet prévoyait initialement la création d'une instance nationale, permettant à l'ensemble des territoires de prendre des décisions concertées et d'assurer un équilibre entre les territoires. Le texte voté au Sénat l'a vidée de sa substance.
Le projet de loi contient des chapitres distincts donnant naissance à la Métropole de Paris, à la Métropole de Lyon et à celle d'Aix-Marseille définissant pour chacune d'elles un périmètre, une organisation et des compétences différents. Seules les huit autres grandes villes ont à l'heure actuelle un statut commun.
Métropole de Lyon : le projet pilote
La métropole de Lyon, qui s'appuiera sur le territoire de la Communauté Urbaine de Lyon sera créée le 1er janvier 2015, avec un Conseil de la métropole, des Conférences locales des maires (instances consultatives destinées à émettre des avis sur la mise en oeuvre des politiques d'intérêt métropolitain) et une Conférence métropolitaine réunissant les maires et les vice-présidents des conférences locales des maires. Il s'agit du projet de métropole le plus ambitieux, avec un transfert complet des compétences du département à la métropole, obtenu grâce à l'appui d'une grande majorité d'élus locaux.
Métropoles de Paris et d'Aix-Marseille : des projets qui ne sont pas portés localement
Le manque de soutien local semble en effet être le grand défi que va devoir affronter cette réforme. Alors que l'un des principaux arguments soutenant la création de ce nouvel échelon territorial est la lutte contre le jacobinisme, l'impression est forte d'une réforme imposée par l'exécutif national. La Métropole d'Aix-Marseille est ainsi combattue par109 maires sur les 119 des Bouches-du-Rhône. Il aura fallu tout le soutien du maire de Marseille pour que le projet ne soit pas abandonné au Sénat, à la grâce d'un conseil métropolitain composé de 238 membres, permettant à chacun des maires du territoire concerné d'y siéger. La Métropole de Paris rencontre encore davantage de difficultés, puisque le projet de création d'une métropole francilienne a été supprimé du texte voté par les Sénateurs. Dans les deux cas, il s'agit de projets de métropolesa minima avec des transferts de compétences ne laissant augurer qu'une faible amélioration de la gestion de ces territoires et, de façon contradictoire, une complexification des processus de décision.
L'acte III de la décentralisation devait reposer sur deux piliers : une décentralisation à la carte et un projet construit dans la concertation. Force est de constater qu'aucun de ceux deux objectifs n'est atteint, sauf dans le cas lyonnais qui fait figure d'exception.
La décentralisation à la carte représentait le pari d'un fonctionnement personnalisé par territoire, afin de répondre aux demandes de prise en compte des spécificités locales des élus locaux. Mais, loin de permettre un débat constructif à l'échelle locale, cette méthode a suscité des blocages dans les territoires où les élus n'avaient pas déjà de projet commun, notamment à Marseille et Paris.
La concertation entre l'Etat et les territoires, érigée en modèle de gouvernance par François Hollande, devait être l'ADN de ce projet de loi de décentralisation. Au vu du camouflet infligé lors de la première lecture du texte au Sénat, elle n'a de toute évidence pas atteint ses objectifs.
La raison de l'échec actuel se trouve en amont. Avant même la concertation, le Gouvernement aurait sans doute dû s'assurer d'un accord de principe au niveau local sur la pertinence d'un tel projet.
Le besoin pour la France d'avoir des métropoles fortes, indépendantes, capables d'exister sur la scène européenne, de travailler au développement économique et de soutenir l'innovation n'est plus à démontrer. Mais la réalité du projet proposé par le Gouvernement et la méthode utilisée semblent encore loin de donner aux métropoles le statut et les outils dont elles ont besoin pour y répondre.
Plus globalement, il est inquiétant de constater que ce premier volet, présenté comme le plus abouti et le moins sujet à controverse, paraît inachevé et insatisfaisant pour de nombreux élus locaux. Qu'en sera-t-il des deux autres volets à venir ? Cet acte III de la décentralisation aura-t-il vraiment la portée souhaitée par le Gouvernement ? Les territoires sont-ils réellement partie prenante du projet ? En ce qui concerne les métropoles, la prochaine étape aura lieu à l'Assemblée nationale en juillet 2013, avant sans doute un dernier passage par le Sénat à la rentrée de septembre.