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Avec l’augmentation du trafic aérien, l’aviation civile a besoin de progrès technologiques pour réduire ses émissions. L’hydrogène pourrait y jouer un rôle clé.
Les technologies de propulsion utilisées pour l’aviation civile ont peu évolué ces dernières décennies. Mais en raison de la croissance du trafic aérien, le secteur fait face à un défi nouveau et complexe pour réduire son impact climatique. Parmi les solutions prometteuses figurent le kérosène de synthèse neutre en carbone produit à partir d’hydrogène, ou encore des moyens de propulsions radicalement différents comme la combustion d’hydrogène, les moteurs électriques, et les piles à combustible.
En 2018 l’aviation civile a émis 1,1 GtCO2, soit environ 2,56% des émissions mondiales. Malgré les améliorations technologiques (poids des aéronefs, efficacité des moteurs, etc.), ces émissions ont augmenté de 42% entre 2005 et 2019 [1]. Certaines prévisions indiquent que les émissions de GES (gaz à effet de serre) devraient plus que doubler d’aujourd’hui à 2050, en se basant sur une croissance de 3-4% par an. [2]. De plus, outre les émissions de CO2, le rejet d’autres polluants comme les particules fines telles que l'oxyde d'azote (NOx), et les traînées de condensation, ont un impact environnemental non négligeable participant également au changement climatique.
Cependant, le Air Transport Action Group (ATAG) s'est engagé à réduire ses émissions de CO2 de 50% en 2050 sur la base de 2005, et certaines compagnies aériennes telles qu'Air France sont allées plus loin en annonçant une réduction de moitié de leurs émissions de GES (gaz à effet de serre) par passager par km d’ici 2030 [3]. L’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) a quant à elle pour objectif une croissance neutre en carbone à partir de 2020 [4].
Pour répondre aux objectifs de réduction des émissions, deux types de solutions sont envisagées à moyen et long terme :
Les carburants durables et les Power-To-Liquid présentent l’avantage de pouvoir être « drop-in », c’est-à-dire qu’ils ne nécessitent que peu d’évolutions sur les moteurs et les avions existants, et peuvent déjà être incorporés jusqu’à 50% dans le kérosène [6]. En revanche, pour l’hydrogène ou l’électricité, il s’agit de concevoir un nouvel avion, en rupture technologique forte, alors que la flotte mondiale se renouvelle en 15 ans.
Parmi les carburants durables, les « Power-To-Liquid » à base d’hydrogène sont les plus prometteurs. Ils seront les plus rentables économiquement puisque le prix des énergies renouvelables diminue [7] (aujourd’hui les carburants durables sont environ 2,5 fois plus chers que le kérosène). Ils sont également les seuls carburants potentiellement neutres en carbone, en particulier si le CO2 utilisé pour sa production est capté dans l’air, et si l’hydrogène est produit à partir d’énergies renouvelables.
De plus, ils utilisent très peu d’eau et pas de surface agricole contrairement aux biocarburants. Dans un contexte où la demande de carburants durables pour l’aviation va rapidement augmenter en Europe, passant de 0.1% du carburant pour l’aviation aujourd’hui à 2% en 2025 puis 6% en 2030, ces externalités des biocarburants ne sont pas négligeables. [8]
Ainsi, l’impact environnemental sur tout le cycle de vie des carburants durables doit être pris en compte pour atteindre les objectifs de la mobilité aérienne durable.
Pour comparer l’impact environnemental des différentes solutions, il est crucial de prendre en compte les émissions autres que le CO2. Ainsi, si l’hydrogène en tant que combustible ne rejette pas de CO2, il émet d’autres gaz à effet de serre (GES), comme les NOx, la vapeur d’eau ou les trainées de condensation. Ces dernières forment par exemple des cristaux de glace sous forme de nuages cirrus qui participent au bilan radiatif de la planète et donc du réchauffement. Le tableau ci-dessous estime l’impact en équivalent CO2 des différents carburants renouvelables à base d’hydrogène. [2]
%réduction par rapport au kérosène | CO2 | NOx | Vapeur d'eau | Trainées de condensation | Réduction potentielle en CO2eq |
---|---|---|---|---|---|
Kérosène synthétique produit à partir d'H2 vert et de CO2 capté dans l'air | -100% | -0% | -0% | -10 to -40% | -60% |
Combustion directe d'hydrogène | -100% | -50% to -80% | +150% | -30% to -50% | -50% to -75% |
Pile à combustible alimentée à l'hydrogène | -100% | -100% | +150% | -60% to -80% | -75% to -90% |
Tableau 1. Comparaison de l’impact climatiques en vol des différentes technologies utilisant l’hydrogène par rapport au kérosène actuel. Analyse Sia Partners d’après FCH. [2]
La combustion d’hydrogène a lieu à température plus basse que le kérosène, entraînant moins d’émissions de NOx. En outre, les traînées de condensation de l’avion forment des cristaux de glace sous forme de nuages cirrus qui participent au bilan radiatif de la planète et donc au réchauffement. Ces cristaux sont de taille plus importante avec l’hydrogène et donc sont éliminés plus rapidement sous forme de condensation, ce qui diminue le bilan en CO2eq de la combustion directe d’hydrogène et de la pile à combustible. Par ailleurs, même si ces deux technologies émettent 150% de plus de vapeur d’eau que le kérosène, celle-ci a un impact 10 fois inférieur à celui du CO2. [2]
Ainsi, les nouvelles technologies de propulsion à l’hydrogène sont plus efficaces que les carburants durables pour réduire les émissions de GES. Et la différence est encore plus marquée si le CO2 utilisé pour produire le kérosène de synthèse est capturé dans l’industrie. En effet dans ce cas il est considéré que la diminution des émissions de CO2 n’est que de 50% par rapport à du kérosène classique.
Besides the in-flight CO2eq emissions, it is also important to assess the environmental impact of the whole production process of each fuel.
En parallèle des émissions de CO2eq, il est également nécessaire d’évaluer l’impact environnemental de la production de chaque carburant. Nous avons réalisé une étude évaluant ces aspects à l’échelle de la France.
En France en 2019, l’ensemble des vols domestiques a représenté une consommation de 600 millions de litres de kérosène, ayant émis 2,1 millions de tonnes de CO2. Notre étude de cas mesure l’impact de la production d’hydrogène renouvelable nécessaire selon deux scénarios :
La combustion directe d’hydrogène a été étudiée plutôt que l’usage de piles à combustibles pour le deuxième scénario car cette technologie est plus avancée comme le montre le projet Airbus ZEROe. L’impact carbone de chaque scénario est calculé pour une production d’hydrogène par électrolyse alimentée soit avec de l’électricité renouvelable, soit via le réseau électrique français dont l'empreinte est de 40gCO2eq/kWh. [10]
Le kérosène est produit par le procédé Fischer-Tropsch, dans lequel l'hydrogène et le CO2 provenant de l'industrie, de la biomasse ou du captage direct de l'air sont convertis thermiquement en gaz de synthèse (un mélange d'hydrogène et de monoxyde de carbone). Le gaz de synthèse subit ensuite une série de réactions catalysées par le fer pour synthétiser le kérosène. Comme la réaction produit également un mélange de gaz combustibles, de naphte et d'autres coproduits, ce processus est assez inefficace, et 1,7 tonne d'hydrogène est nécessaire pour produire 1 tonne d'e-kerosène. [11]
Dans le scénario 1, avec le mix électrique français actuel, la production et la combustion de l'e-kerosène émettraient 55 % de CO2 de plus que le kérosène standard. Par conséquent, l'e-kerosène ne réduit les émissions de CO2 de l'aviation que lorsque l'hydrogène est produit à partir d'électricité renouvelable. Toutefois, comme le montre l'illustration, les quantités d'électricité renouvelable nécessaires sont considérables, puisque près de 50 % de la capacité actuelle de production d'énergie photovoltaïque et éolienne devrait être consacrée à la production d'e-kérosène pour l'aviation. L'autre solution consisterait à importer de l'e-kerosène de pays disposant d'une capacité de production d'hydrogène renouvelable beaucoup plus importante, comme l'Amérique du Sud. Cela nécessiterait toutefois de créer les infrastructures nécessaires, telles que des actifs de liquéfaction de l'hydrogène. [12]
D'autre part, dans le scénario 2, la combustion directe de l'hydrogène nécessite moins d'hydrogène, donc moins d'électricité et d'émissions de CO2eq (-90 % par rapport au kérosène avec le mix électrique français). Cependant, bien que des avions fonctionnant à l'hydrogène par combustion directe aient déjà été développés, par exemple en 1980 en URSS, ils ne sont pas disponibles techniquement et commercialement. Airbus prévoit les premiers vols commerciaux de son avion ZEROe pour 2035. Cela s'explique par les nombreux défis techniques qui doivent être relevés.
Tout d'abord, l'hydrogène gazeux est hautement inflammable et crée des mélanges explosifs avec l'air et l'oxygène, de sorte que des réglementations strictes et des certifications de sécurité sont nécessaires avant d'utiliser ce carburant pour l'aviation [13]. Cependant, le principal problème de l'hydrogène est sa densité énergétique volumétrique, qui est trois fois inférieure à celle du kérosène pour l'hydrogène liquide stocké à -253°C, et sept fois inférieure pour l'hydrogène gazeux [1]. Par conséquent, le stockage de l'hydrogène nécessite au mieux trois fois plus d'espace que le kérosène pour le même vol. Cela signifie que la faible densité énergétique de l'hydrogène le rend moins adapté aux vols long-courriers, par rapport aux carburants de synthèse (SAF).
Toutefois, certaines recherches sont en cours pour surmonter ce problème, par exemple en plaçant les réservoirs d'hydrogène dans le fuselage de l'avion et en réduisant leur masse grâce à l'utilisation de matériaux légers. Les turbines à hydrogène sont également en train d'être optimisées, afin d'obtenir de très faibles émissions de NOx tout en ayant un rendement élevé. [2]
Les aéroports représentent un autre défi pour l'adoption de la propulsion à l'hydrogène, car ils doivent également être adaptés de manière significative, avec des installations de stockage, de distribution et même de production à développer, avec tous les défis de sécurité liés à l'hydrogène. Le Groupe ADP, qui gère les aéroports parisiens, a lancé un appel à projets hydrogène en février 2021, et a retenu 11 projets sur le stockage, le transport et la distribution de l'hydrogène, ainsi que la diversification des usages de l'hydrogène dans l'aéroport et l'économie circulaire autour de l'hydrogène.
Sur la base de ces conclusions, les objectifs de réduction des émissions à moyen terme de l'industrie aéronautique ne peuvent être atteints qu'avec les carburants de synthèse, et il est nécessaire en parallèle que l'industrie aéronautique investisse immédiatement dans les technologies de l'hydrogène pour tenir ses objectifs nets zéro à long terme. On peut s'attendre à ce que, d'ici 2050, un mélange de ces solutions soit utilisé. Ce mélange comprendra probablement la propulsion à l'hydrogène pour les courtes et moyennes distances, et les SAF pour les vols plus gourmands en énergie. Mais cela nécessitera d'importants investissements dans la recherche et le développement, ainsi que des changements réglementaires pour garantir des vols à l'hydrogène sûrs et économiques.
[1] Pouvoir voler en 2050, Shift Project, March 2021
[2] Hydrogen-Powered aviation, FCH, May 2020, https://www.fch.europa.eu/publications/hydrogen-powered-aviation
[3] Air France Horizon 2030, April 2021, https://corporate.airfrance.com/fr/dossier-de-presse/air-france-horizon…
[4] ICAO 37th Assembly 2010, https://www.icao.int/environmental-protection/pages/climate-change.aspx
[5] Le procédé Fischer-Tropsch, IFP, 2009
[6] ASTM D7566 Standard, ICAO CAAF/2-WP/7
[7] True Cost of Solar Hydrogen, September 2021
[8] Sustainable aviation fuels, European Parliament, 2020
[9] Sia Partners case study, May 2021
[10] éCO2 mix – Les émissions de CO2 par kWh produit en France, RTE
[11] Production of synthetic kerosene and its market forecast, Pasi Halonen, Lappeenranta-Lahti University of Technology LUT, 2020
[12] Hydrogen in Latin America, IEA, August 2021, https://www.iea.org/reports/hydrogen-in-latin-america
[13] Afhypac, Inflammabilité et explosivité de l’hydrogèn, 2020
Fiche 7.1 - Inflammabilité Rév. avril 2020_PM (afhypac.org)