La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Sia Partners vous propose de revenir sur trois grandes tendances qui marquent le secteur de l’audiovisuel en France : l’AVoD, le preview et la publicité adressée.
Sia Partners vous propose de revenir sur trois grandes tendances qui marquent le secteur de l’audiovisuel en France : l’AVoD, le preview et la publicité adressée. Ces tendances témoignent d’une profonde transformation de l’écosystème médiatique tel que nous le connaissons aujourd’hui et ouvrent la voie à d’autres business model et de nouvelles habitudes de consommation.
L’AVoD (Advertising supported Video on Demand) est par définition un service de vidéo à la demande gratuit financé par la publicité. Si l’AVOD existait déjà en France à travers YouTube ou encore les plateformes de replay, ce modèle s’est récemment affirmé comme une tendance de fond avec le lancement de nouveaux services.
Au dernier MipCom à Cannes (2019), Tubi puis Rakuten TV ont ainsi annoncé le lancement de leur « ad-based » services respectifs en Europe en 2020. D’autres services de ce type sont à venir, tel que Peacock, la future plateforme vidéo de NBCUniversal (groupe Comcast) attendue pour avril 2020, qui proposera un double modèle : publicitaire et via l'abonnement. De grands acteurs SVOD avaient déjà opté pour ce système outre-Atlantique comme Hulu, dont 70% des utilisateurs utilisent la version avec publicité, ou encore Amazon, à travers sa filiale IMDb, qui avait lancé Freedive début 2019.
Plusieurs raisons expliquent cette tendance. Dans un premier temps, l’AVoD apparait comme une solution pour financer les catalogues trop restreints pour justifier l’abonnement auprès des utilisateurs. Mais l’AVoD répond aussi en soi à une réelle demande des internautes. La multiplication des SVoD en Europe crée une accumulation des abonnements et donc, une augmentation des dépenses consacrées au divertissement vidéo : les anglo-saxons parlent d’une subscription fatigue (fatigue de l’abonnement). Plutôt que de cumuler les abonnements payants, l’AVoD permet ainsi de compléter un SVoD payant ou deux sans alourdir le budget dédié.
L’AVoD permet aussi aux acteurs du streaming de toucher une cible différente et de recueillir des données de ciblage supplémentaires pour la gestion du catalogue et les investissements futurs.
Selon Digital TV Research, le marché mondial des plateformes gratuites (AVoD) devrait doubler et atteindre plus de 50 milliards d'euros dans 138 pays d’ici 2024. Comme l’explique Jacinto Roca, le PDG de Rakuten TV : « Il y a une tendance claire des annonceurs à s'éloigner de la télévision linéaire et à se tourner vers la vidéo à la demande. Aux États-Unis, l'AVOD est en croissance forte mais pas encore en Europe. Il est donc temps de se positionner. »
En effet, si de nombreux services vidéo avec publicité sont disponibles aux Etats Unis (Tubi, Pluto TV, Hulu, The Roku Channel, Freedive de IMDbTV), en France, en dehors de Rakuten ou YouTube, on dénombre encore peu de services de ce type. Il faut s'attendre à voir de nouveaux services jouer au-delà de leurs frontières : ViacomCBS, qui a racheté Pluto TV en 2019, a annoncé son désir de s’internationaliser notamment en Europe ou encore Hulu, appartenant à Disney, qui aurait aussi pour but de se lancer en Europe. L’année 2020 semble désignée comme l’année de l’AVoD par plusieurs analystes du secteur.
Le preview (avant-première) représente, pour les chaînes de télévision, le fait de mettre en ligne un contenu vidéo avant son émission en direct. Après le replay, cette tendance marque l’adaptation des chaînes aux nouvelles habitudes de consommation : les utilisateurs de SVOD, de plus en plus nombreux en France (+17% d’utilisateurs sur l’année 2019 par rapport à 2018), n’ont pas l’habitude d’attendre leur contenu. La banalisation du binge watching, i.e. la consommation très rapide et successive des épisodes d’une série, a effectivement rendu l’attente pour la diffusion d’un contenu presque obsolète pour toute une génération. Les acteurs historiques de la télévision proposent donc de nouvelles fenêtres de diffusion en amont du live, sur leur propre plateforme de replay.
Le Royaume-Uni semble être l’un des pays les plus en avance sur cette stratégie de diffusion.
Selon EuroData, le preview représente en moyenne 21% de l’audience d’un programme concerné par cette fonctionnalité. En France, Arte a été l’un des pionniers de ce principe : dès 2018, la chaîne a généralisé l’accès en preview à l’ensemble de ses programmes. France Télévisions et Canal+ ont suivi à la rentrée 2019. Ainsi, les abonnés à myCanal peuvent souvent trouver l’ensemble des épisodes d’une saison de série dès la diffusion live du premier épisode. Médiamétrie donne l’exemple du dernier épisode de la saison 4 de sa création originale Le Bureau des Légendes qui a été majoritairement visionné en avance : 61 % de l’audience a regardé cet épisode en preview, 26 % en direct et seulement 13 % en replay.
Si TF1 a déjà essayé le preview, son utilisation pour les chaînes privées gratuites semble plus parcimonieuse. La publicité live est moins ciblée mais plus rémunératrice, elles utilisent donc le preview pour créer le buzz autour d’un contenu en installant un effet de « bouche à oreille ».
Médiamétrie pourrait bientôt mesurer cette audience en preview pour rendre compte de ce nouveau phénomène et en comptabiliser les audiences associées.
Pour les acteurs de la PayTV, le preview est une façon de s’aligner sur les méthodes de la SVOD, mais pour les chaînes de télévision gratuites le preview représente une toute autre stratégie. Cette méthode de diffusion pourrait être valorisée par une version payante pour ne pas mettre en danger l’audience live déjà en déclin. Une possibilité qui pourrait être rendue concrète à travers l’arrivée de la plateforme Salto le 3 juin prochain.
La publicité adressée, ou segmentée, est la capacité de diffuser un message publicitaire sur l’écran de TV en le rendant différent en fonction des caractéristiques du foyer concerné.
S’il s’agit déjà d’une réalité sur le replay, la nouveauté vient de la possibilité d’appliquer ce concept au flux linéaire.
Déjà mise en œuvre au Royaume-Uni ou Etats-Unis, la publicité segmentée suggère de nombreuses opportunités business. Elle permet le profilage des auditeurs à travers une meilleure connaissance de leurs habitudes de consommation. Selon le SNPTV, la publicité TV ciblée pourrait faire croître le marché de la publicité télévisuelle d’ici 2022 de 200 millions d’euros.
C’est début septembre que le lancement a été officialisé, lorsque le ministre de la culture a décrit les grandes lignes de la réforme audiovisuelle à venir. Les décrets sur la publicité segmentée seront publiés en avril et très certainement votés d’ici l’été. Depuis le 1er janvier, il est déjà possible de faire des tests terrain. Après une période d’essai de 9 mois, la commercialisation de ce nouveau format publicitaire pourra a priori se faire à la rentrée.
La publicité TV adressée répond aux nouvelles attentes des annonceurs vis-à-vis des possibilités de ciblage : par géolocalisation, par critères socio-démographique, comportemental TV, par la création de cluster de shoppers (en croisant les données des cartes de fidélité par exemple) ou par les données de l’annonceur lui-même (en excluant les clients par exemple pour se concentrer sur les prospects). Elle permet concrètement de transposer les usages publicitaires du digital sur le support télévisuel avec un triple avantage : accès à un média de masse, à travers une publicité pertinente, dans un écosystème sécurisé en permettant un contrôle du contexte publicitaire (brand safety). D’un point de vue stratégique, la publicité adressée pourrait permettre de rivaliser face aux GAFA dans le monde de la publicité digitale. En effet, la publicité adressée passant par l’IPTV, les interactions se font entre opérateur et broadcasters, sans les GAFA : la valeur dans le digital pourrait être repartagée.
Il reste cependant des négociations et des problématiques à résoudre avant que la publicité ciblée ne devienne une norme en France : comment seront partagées les données utilisateurs ? Comment seront répartis les investissements nécessaires entre les différents acteurs de la chaîne ? Si la publicité adressée promet une publicité plus pertinente aux utilisateurs, réussira-t-elle à définir les profils au sein d’un même foyer ? Les mois à venir seront décisifs sur le lancement commercial en septembre prochain.