La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Retour d’expérience des initiatives venues de pays d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie
Régler ses factures par téléphone au Kenya, retirer de l’argent d’un DAB fonctionnant à l’énergie solaire en Inde, payer par carte bancaire des commerçants ambulants au Brésil, ... les initiatives du secteur bancaire en faveur de l’inclusion financière se multiplient.
A quels enjeux bancaires font face les établissements financiers aux quatre coins du monde ?
En quoi les réponses adressées permettent l’émergence d’innovations bancaires et favorisent l’inclusion financière ?
A destination des particuliers ou des professionnels, les initiatives bancaires fleurissent pour offrir des produits et des services adaptés à la fois à la cible et aux régions adressées.
Dans certains pays, le taux de bancarisation reste encore particulièrement faible. Cette situation s’explique par plusieurs raisons : analphabétisme, absence de documents officiels d’identité et pauvreté. Il peut être extrêmement difficile pour certaines personnes de s’authentifier pour souscrire en agence, de consulter ses comptes ou de payer des frais bancaires. Dans le monde, 1,7 milliards d’adultes n’étaient pas bancarisés en 2017. Parallèlement, l’accès à la technologie s’intensifie : le taux d’adoption du téléphone portable ainsi que celui d’utilisation d’internet augmentent de jour en jour.
Dans l’objectif de favoriser la bancarisation des populations, plusieurs entreprises ont pris le pari du mobile pour permettre à leurs clients de gérer leurs finances et d’obtenir des solutions de paiement sécurisées, faciles d’accès et d’utilisation.
Nubank, néobanque brésilienne lancée en 2014, propose à ces 12 millions de clients actifs des offres à prix modestes. La startup, qui a levé 1,1 milliard de dollars depuis sa création, est valorisée à plus de 10 milliards de dollars, preuve de l’effervescence inédite qui anime l’écosystème bancaire.
M-Pesa, startup lancée en 2007 par Vodafone et Safaricom (les deux principaux opérateurs de téléphonie en Tanzanie et au Kenya), a conquis l’Afrique et l’Afghanistan, et se développe actuellement en Inde et en Roumanie, même si les résultats sont pour le moment mitigés. Ce moyen de paiement mobile sans smartphone permet de stocker une somme d’argent, de la déposer ou de la recevoir grâce à un numéro d’identification personnel (PIN) et un SMS. Il peut être utilisé pour envoyer de l’argent à sa famille comme pour régler ses courses au supermarché.
Paytm, quant à elle, a séduit 300 millions d’utilisateurs en facilitant le règlement des factures (électricité, métro, TV, …) en ligne grâce à un portefeuille électronique rechargeable sur smartphone. Lancée en 2010, la fintech indienne permet également de réaliser des paiements entre particuliers, d’épargner, d’effectuer un crédit, d’acheter des billets de train et d’obtenir une carte bancaire.
Quant au monde des professionnels, on retrouve souvent de nombreux petits commerçants : Tuk Tuk en Thaïlande, vendeurs ambulants de boissons sur les plages brésiliennes, gargotes au Maroc, etc. Les banques et les fintechs ont développé différents terminaux de paiement sur mobile permettant de répondre aux besoins de ces professionnels afin d’accepter des cartes bancaires en itinérance. C’est le cas de la fintech brésilienne PagSeguro, de l’allemande et britannique SumUp ou encore de la suédoise IZettle qui proposent elles aussi leurs produits mPOS[1] au Brésil.
Afin de développer l’économie locale et de lutter contre la pauvreté, des initiatives sont mises en place, comme par exemple l’instauration d’une monnaie locale appelée « Palmas » dans les favelas de Rio de Janeiro au Brésil.
Par ailleurs, les professionnels et les petits commerçants ont besoin de financements adaptés à leur taille et à leurs investissements qu’ils peinent à obtenir par le biais bancaire traditionnel. Pour y faire face et favoriser le développement commercial, des fintechs offrent des microcrédits grâce au financement participatif (crowdfunding). Les plateformes peuvent être locales telles que les africaines Afrikwity et Fadev, ou non résidentes, comme la française Ulule ou l’étatsunienne Kickstarter.
A l’instar des professionnels, les microprêts permettent également de financer les crédits des particuliers. Par exemple, l’offre rwandaise MoKash de Commercial Bank of Africa (CBA) en partenariat avec l’opérateur téléphonique MNT Rwanda, permet aux clients particuliers d’accéder sans conditions, en quelques secondes et directement sur mobile à des crédits à la consommation à un taux unique de 9% ou encore à des offres d’épargne placées jusqu’à 5% pour financer leurs projets.
Une population jeune et en croissance ainsi qu’une expansion rapide de la classe moyenne sont à noter dans certains pays. Paradoxalement, on observe une prédominance des zones rurales accompagnée d’un surpeuplement grandissement des aires urbaines. L’Inde, par exemple, détient une population rurale à 66%, tandis que l’Afrique Subsaharienne approche les 60%. Un double enjeu en découle. Premièrement, les routes étant peu fiables et l’accès à l’électricité étant intermittent, la population se connecte à travers le téléphone portable, dont son adoption est en croissance forte. Deuxièmement, les zones rurales étant reculées, les habitants peuvent difficilement être bancarisés, se déplacer jusqu’à leur agence bancaire, ou retirer de l’argent à des distributeurs de billets.
De nombreuses innovations viennent répondre aux enjeux de la distribution bancaire. En Inde, Gramateller propose un DAB fonctionnant à l’énergie solaire pour les zones rurales. Au Brésil, une association de banques propose un DAB disponible 24h sur 24h, « Banco24Horas » acceptant plus de 40 banques pour les régions moins accessibles. Au Burkina Faso, Société Générale a mis en place des agences mobiles, avec accueil, conseil et DAB, dans des camionnettes qui se déplacent dans les rues des principales villes du pays. L’objectif de ces différentes initiatives bancaires est d’offrir des services financiers à des clients aujourd’hui exclus du système bancaire.
Les établissements financiers rencontrent des problématiques de sécurité. Dans certains pays, il peut, par exemple, apparaître risqué de transporter de l’argent sur soi comme il peut être difficile de sortir sa carte bancaire pour retirer de l’argent par exemple.
Afin de contrer cet enjeu et d’augmenter la sécurité de l’accès à ses services, Bradesco, la 2ème plus grande banque privée au Brésil, permet de retirer en DAB et d’accéder à ses comptes sur son smartphone grâce à ses empreintes bancaires.
Des diasporas plus ou moins importantes se développent où les personnes immigrées ou expatriées continuent à contribuer au développement de leur pays d’origine. Par exemple, la diaspora africaine est considérée comme la « sixième région d’Afrique » et représentait en 2015 environ 60 milliards de dollars d’après l’OCDE. Le crowdfunding, mentionné précédemment, vient également de l’envie des diasporas de drainer les fonds à destination d’investissements productifs et locaux. En dehors du financement participatif, des startups, telles que Beam au Ghana ou BitPesa au Kenya, utilisent le bitcoin pour permettre aux diasporas d’envoyer à leur famille des sommes d’argent converties en devise locale, et ce, à moindre coût.
Les progrès de l’inclusion financière facilitent la vie quotidienne des particuliers, contribuent à l’accroissement de leurs actifs et permettent aux entreprises et aux entrepreneurs de recevoir des investissements productifs. En revanche, il est important de ne pas reproduire le modèle existant européen mais d’en inventer un nouveau. Société Générale, par exemple, travaille en étroite collaboration avec des startups à travers son « Lab Innovation Afrique » pour identifier des projets prometteurs applicables sur le continent africain.
L’absence de tradition bancaire offre de nombreuses opportunités aux banques dans le monde comme en Europe. Le potentiel du marché ne doit pas être négligé. Par exemple, en Afrique, le paiement par SMS compte déjà plus de 230 milliards d’utilisateurs. Une mise en garde toutefois : il est essentiel d’évaluer les risques et de ne pas sous-estimer les nouveaux enjeux associés tels que la lutte contre la fraude sur mobile causée par le volume croissant d’utilisation du portable ou la démonétisation exponentielle.
Il peut également être intéressant de s’inspirer d’innovations pertinentes autour du monde et de reproduire certaines initiatives en Europe. Installer un DAB multi banques dans les zones rurales françaises, où il n’est pas rentable pour une seule banque d’en installer un ? Proposer sur l’application bancaire mobile une offre d’épargne en financement participatif pour investir dans des projets entrepreneuriaux français ?