La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Parmi les nouveautés de la loi du 5 mars 2014, on note un changement majeur : la disparition du DIF, remplacé par le CPF à compter du 1er janvier 2015.
Le CPF, Compte Personnel de Formation, est un nouveau droit à la formation qui accompagne l'individu tout au long de son parcours professionnel et le place au coeur de ce parcours.
Plafonné à 150h, il est alimenté à raison de 24 heures par année de travail (pour les 120 premières heures) puis de 12h par an. Ces heures créditées peuvent être utilisées pour des formations comprises dans la liste des formations éligibles au CPF.
Alors que le site officiel «Mon Compte Formation» est rendu accessible depuis janvier 2015 et diffuse la première liste des formations éligibles au CPF, nous nous sommes penchés sur les opportunités et risques qu'apporte cette liste, très attendue par les DRH et Responsables Formation.
Elaborée entre les branches professionnelles et des organismes paritaires interprofessionnels aux échelles nationale et régionale, la liste contient pour l'instant :
Le Répertoire des Certifications Professionnelles comporte environ 11 000 certifications à visée professionnelle. Si elles permettent l'acquisition de diplômes ou titres reconnus par l'Etat allant du niveau I (Bac+5) au niveau V (CAP), les titres de niveau I et II (licences et masters) y sont toutefois nettement plus représentés.
Les CQP et CQPI sont des certifications élaborées par branche professionnelle. Elles permettent de reconnaître des compétences et savoir-faire métiers propre à un métier - la qualification n'étant reconnue que par la branche professionnelle concernée.
Défini par l'Education Nationale, ce socle comprend des compétences très basiques, nécessaires à la pratique professionnelle. Selon le décret paru au Journal Officiel le 15 février, les compétences sont les suivantes : la communication en français, l'utilisation des règles de base de calcul et du raisonnement mathématique, l'utilisation des techniques usuelles de l'information et de la communication numérique.
Point d'attention : cette liste est une première version qui doit être complétée et enrichie dans les mois à venir. Le socle commun de connaissances et de compétences a été précisé par décret mais les certifications doivent encore être précisées par le CNEFOP, la plupart des listes de branches manquent encore à l'appel et l'inventaire des certifications et habilitations (compétences transverses exercées en situation professionnelle) est toujours en cours de réalisation.
Comme son nom l'indique, le Compte Personnel de Formation est rattaché à l'individu et non lié à l'employeur. Ce dispositif prévoit une portabilité totale des heures créditées ce qui permet un suivi tout au long du parcours professionnel, mobilisables même après un changement d'employeur ou en période de chômage.
La mobilisation des heures ne nécessite pas toujours l'accord ni même l'information de l'employeur. En effet, les formations pouvant être suivies hors temps de travail ou bien appartenant au « socle de connaissances et compétences » sont mobilisables sans autorisation préalable de l'employeur. Le CPF responsabilise salariés et demandeurs d'emploi, au coeur de la construction de leur parcours professionnel.
La notion de « formations éligibles au CPF » a un impact fort pour les acteurs de la formation professionnelle. Cette nouvelle réforme oblige à repenser les offres et plans de formation. L'enjeu est de concilier besoins des salariés, contraintes de la vie en entreprise et certification : construire des parcours de formation alignés sur les parcours de carrière, instaurer un système modulaire qui permette de valider progressivement différentes « briques » de certification, prévoir des modalités d'apprentissage et des durées adaptées... Un gros travail devra donc être mené par les organismes de formation pour la refonte de leur offre, accompagnée d'une certification de ces organismes de formation, afin de garantir leur sérieux et la qualité des offres de formation proposées. Cette nouvelle réforme constitue donc une réelle opportunité pour les entreprises de s'assurer de la qualité de l'offre de formation.
Cette démarche mettra sans doute plusieurs années à porter ses fruits si l'on en croit les chiffres alarmants qui ressortent de l'enquête conduite par Opcalia auprès de 600 organismes de formation : seuls « 17% estiment maîtriser [la nouvelle réforme] parfaitement ».
Deux actifs sur trois ne comptent pas suivre de formation professionnelle en 2015. La raison évoquée est le manque d'information sur les formations proposées et les droits des individus.
Si chacun est libre d'identifier les compétences et qualifications dont il a besoin pour s'adapter aux évolutions du marché du travail, le choix est restreint à une liste de formations éligibles. Seules des formations qualifiantes, c'est-à-dire celles « qui conduisent à une qualification ou à une certification, accompagnant la validation des acquis de l'expérience ou permettant l'acquisition d'un socle de connaissance et de compétences », seront éligibles au CPF. Le risque ? Que chacun n'y trouve pas son compte...
Le gouvernement est clair au sujet des priorités de la réforme : il conviendra de former les demandeurs d'emplois et salariés peu qualifiés. Cette priorité se traduit entre autre par l'élargissement de l'accès à la VAE, désormais ouverte aux personnes n'ayant pas un niveau V (CAP) ; mais également par un vaste choix de compétences basiques dans la liste de formations éligibles. Diplômes, certifications et socle commun de connaissances viennent remplacer les formations en développement personnel ou management, très prisées du temps du DIF. Cadres et managers déjà diplômés risquent fort de ne pas trouver leurs besoins dans cette liste.
Compte tenu de l'instabilité du marché du travail, les individus recherchent avant tout la sécurisation de leur employabilité. Cela passe par l'acquisition de compétences, dites « transversales », telles que la communication, la gestion de projet ou encore le management. Utilisables dans n'importe quel métier, ces compétences permettent à l'individu de s'assurer un socle solide pour être compétitif sur le marché du travail. Cette première liste de formations éligibles risque de ne pas répondre à un besoin de développement de compétences transversales. En effet, l'offre actuelle est soit très spécifique à un métier (CQP) ou bien au format trop long (diplômes inscrits au RNCP). L'inventaire des certifications transversales, en cours de réalisation par la CNCP, devrait permettre de pallier ce problème à terme.
Si les formations en langues sont absentes de la liste des formations éligibles au CPF, nul doute que cela suscitera de nombreuses déceptions. En effet, ces formations correspondent à un réel besoin et le volume horaire « à la carte » permettra aux individus d'adapter le rythme de formation au nombre d'heures créditées sur leur CPF. En 2014, 30% des demandes des salariés au titre de la formation professionnelle portaient sur l'anglais (Source : Lefigaro.fr). L'inventaire, en cours de réalisation par la CNCP, devrait répondre à cette demande puisqu'il est question d'intégrer à la liste les tests de langues (TOEIC et BULATS, Diplômes de Compétence en Langues) et des formations en langue préparant à ces tests. Une interrogation persiste sur les critères de sélection de ces organismes de formation qui ne sont pas clairement définis.
Le plafonnement à 150 heures du CPF semble a priori incompatible avec ces formations longues (une année de master représente environ 400 heures de formation). Deux possibilités alors : passer par une VAE, à condition de justifier d'au moins 3 ans d'expérience en rapport direct avec la certification visée, ou bien obtenir un abondement de son employeur. Le bon fonctionnement du CPF reposera donc sur la volonté des branches professionnelles et des entreprises, qui devront se positionner dans une logique de « co-investissement » pour que les formations soient accessibles aux salariés.
La nécessité d'un abondement pour obtenir le solde d'heures nécessaire à une formation pose la question de l'accompagnement d'une reconversion professionnelle : les entreprises accorderont-elles des abondements pour des formations qui ne leur sont pas utiles directement ? Il en va de même pour les CQP qui, s'ils représentent une véritable opportunité d'évolution au sein d'une branche professionnelle via la certification des compétences acquises au sein d'un métier, sont moins adaptés pour un salarié qui souhaiterait changer de voie. Le salarié qui souhaite se reconvertir devra sans doute partir en quête d'heures auprès de divers organismes.
Le succès du dispositif est remis en question sur plusieurs points : sa capacité à répondre aux besoins des individus mais également sa capacité à être déployé. La réforme sur le CPF peine à se mettre en place ; la difficulté à élaborer une liste de formations éligibles aboutie en est la preuve. Même si certains individus ont déjà pu bénéficier du nouveau dispositif, cela concerne majoritairement les formations déjà engagées et non des démarches totalement nouvelles. Selon un sondage Ifop publié lundi 16 février, deux actifs sur trois ne comptent pas suivre de formation professionnelle en 2015. La raison évoquée est le manque d'information sur les formations proposées et les droits des individus. Manque de chance, la communication massive sur le CPF prévue par le Gouvernement en mars a été reportée d'un mois a minima...