La reconversion, parent pauvre des politiques d…
A ce jour, la norme IFRS 9 est optionnelle pour les opérations de macro-couverture dans la mesure où l’IASB[1] n’a pas encore finalisé son projet de norme.
Les institutions financières vont par conséquent continuer de reporter leurs opérations de macro-couverture en IAS39[2] pour cette année 2018. La macro-couverture échappe donc une nouvelle fois à la norme IFRS9 alors que le passage en norme IFRS9 est effectif depuis le 1er janvier 2018, mais pour combien de temps encore ?
Il y a deux grandes façons de couvrir un portefeuille d'opérations présentant un risque de taux et de change. La première est la micro-couverture, à savoir la couverture actif par actif, et la deuxième est la macro-couverture, à savoir globalement pour un portefeuille d'actifs ou uniquement pour la position nette résultante de la couverture en liquidité. Les institutions financières utilisent la macro-couverture dans la mesure où celle-ci a l’avantage d’être plus facile à gérer et à contrôler car moins coûteuse et générant moins de volumétrie d’opérations. Elle constitue par ailleurs la traduction naturelle de la gestion de bilan pratiquée en France et en Europe.
Il existe 3 principaux types de couverture avec pour chacune d’entre elles une comptabilisation différente au bilan. C’est à la discrétion de chaque institution financière de décider de la méthode à utiliser selon l’intention de gestion recherchée et la significativité de l’impact en résultat des tests d’efficacité réalisés sur les opérations de couverture. Les 3 principales méthodes sont décrites ci-dessous :
Si chacune de ces méthodes permet de comptabiliser en IAS39 la micro-couverture, rien n’est prévu pour comptabiliser nativement les positions nettes de macro-couverture.
Comparée à la micro-couverture, la macro-couverture entraine des simplifications comptables puisque la somme des micro-couvertures n’est pas équivalente à la macro-couverture. Les dispositions s’appliquent en effet sur des positions brutes et c’est notamment cette simplification qui retarde et empêche la décision de l’IASB de statuer sur le passage de la macro-couverture d’IAS39 à IFRS9.
Les critiques européennes émises à l’égard de l’insuffisance du standard IAS39 portent notamment sur le refus par l’IASB de reconnaitre la couverture d’une position nette. Par ailleurs, il y a également un manque de souplesse dans les types de couvertures admis et les conditions d’éligibilité des instruments de couverture sont contraignantes.
La future norme IFRS9 proposerait ainsi une meilleure souplesse en modifiant les règles relatives au suivi de l’efficacité des couvertures, avec notamment la suppression de la plage 80-125 du test d’efficacité. Il n’y aura donc plus de déqualification de la relation de couverture en cas d’inefficacité en dehors de cette fourchette.
De plus, le passage en norme IFRS9 pourrait changer le fait que les produits dont la rémunération est inférieure au taux du marché ne soient pas éligibles et ne puissent pas être mis en relation de couverture, ainsi que le fait que le profil d’écoulement contractuel soit pris en compte pour le calcul de l’efficacité. Ceci faciliterait les conditions d’éligibilité des instruments de macro-couverture.
Malgré la volonté européenne de passer la macro-couverture au standard IFRS9, des avis divergent du fait que le passage en IFRS9 constituera un véritable challenge pour les banques.
Face à l’insuffisance du standard IAS39, la majorité des institutions bancaires reportent les macro-couvertures suivant les dispositions dites du « carve out » qui viennent déroger aux méthodes de couverture de juste valeur de l’IAS39. Le « carve out » constitue aujourd’hui l’unique exception à IAS 39 accordée aux banques européennes pour comptabiliser des produits de macro-couverture. Le carve-out permet ainsi de couvrir des ressources contractuellement à vue mais économiquement à moyen ou long terme et des produits rémunérés à des taux inférieurs au taux du marché. L’IASB n’a pas prévu pour le moment de remettre en cause les dispositions du « carve out » pour les opérations de macro-couverture avec le passage en IFRS9, l’idée serait pourtant de limiter l’utilisation de celui-ci avec le passage en IFRS9. Les banques européennes feront elles alors le choix de mettre fin au « carve out » au profit d’IFRS9 dans la mesure où cette norme apporterait un assouplissement de certaines conditions détaillées dans le paragraphe précédent ?
Outre cette exception, lorsque l’IASB statuera sur le passage de la macro-couverture en IFRS9, cela induira de nombreux impacts sur les institutions financières. En premier lieu, on notera le coût de mise en place des changements liés à IFRS9 par rapport à IAS 39, dû notamment aux difficultés techniques d’intégration de ces nouveautés dans les systèmes d’information. D’autre part, il y aura des cas particuliers supplémentaires dans IFRS 9 avec toujours plus de complexité normative, notamment sur la nouvelle notion de rééquilibrage ou la nouvelle exception concernant les FV-OCI[3] des actions.
Les spéculations sont diverses. Le passage de la macro-couverture en IFRS9 devrait néanmoins arriver dans les prochaines années selon toute vraisemblance.
Ce qui est en revanche certain, c’est que l’harmonisation de la macro-couverture en IFRS9 constituera un facteur d’accélération au niveau des institutions financières compte-tenu des contraintes déjà fortes sur les contrôles et tests à réaliser ainsi que sur les conditions d’éligibilité des instruments de couverture par ailleurs. La normalisation de la macro-couverture permettra d’autre part au régulateur de mieux suivre et estimer la macro-couverture, notamment dans les exercices de stress tests. Les années suivant la décision de l’IASB seront donc déterminantes même s’il y a fort à parier que ce changement de norme restera progressif et s’inscrira dans une optique à long-terme.
[1] International Accounting Standards Board
[2] International Accounting Standard 39
[3] Fair value through other comprehensive income