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Des travaux conduits par Sia Partners démontrent la possible compétitivité de l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau à petite échelle, au plus près des consommateurs industriels, par rapport à l’hydrogène produit de façon centralisée via des techniques conventionnelles.
Ces analyses invitent à explorer les pistes de déploiement de nouveaux modes de production décentralisés destinés à des usages déjà existants, tout en tenant compte des spécificités propres à chaque consommateur (volume, distance par rapport aux points de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, profil continu/discontinu de consommation, …).
Acteurs privés et publics n’ont cessé de témoigner ces dernières années d’une ambition croissante pour le déploiement massif de nouvelles technologies hydrogène dans le cadre de la mise en œuvre de la transition énergétique. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de l’onde de choc économique provoquée par le COVID-19 sur la poursuite de cette tendance, de récentes annonces encouragent un optimisme prudent[i]. Les arguments en faveur du déploiement de l’hydrogène restent en effet d’actualité : une énergie pouvant être produite sans émettre de CO2, utilisable pour des usages difficilement électrifiables et pouvant jouer un rôle dans la régulation des systèmes énergétiques.
Mais dans un contexte de moindre disponibilité de ressources pour investir dans le développement de technologies encore en phase d’industrialisation, l’accent pourrait être mis sur la promotion de solutions décarbonées satisfaisant des usages de l’hydrogène déjà existants, dans le secteur industriel.
En France, la consommation industrielle d’hydrogène représente une demande d’environ un million de tonnes. Elle se destine principalement à des usages centralisés pour la production d’ammoniac, les opérations des raffineries ainsi que des plateformes pétrochimiques (désulfurisation des produits pétroliers notamment). L’hydrogène est également consommé dans des quantités moindres dans une variété de secteurs pour des usages divers : hydrogénation des huiles et graisses, traitement thermique, fabrication de carburant pour fusées, …
Cet hydrogène est aujourd’hui produit en France à près de 95% à partir de ressources carbonées : gaz naturel, charbon, pétrole et ses dérivés. La production d’un kg d’hydrogène par vaporeformage du méthane, technique la plus répandue pour obtenir de l’hydrogène commercial, génère ainsi environ 10 kg de CO2. Au total, les émissions de CO2 dues à la production d’hydrogène montent à près de 13 Mt par an, soit 26% des émissions du secteur industriel[ii]. Diverses solutions de production d’hydrogène bas carbone et renouvelable existent cependant, dont les ordres de coûts envisagés à horizon 2030 se rapprochent de ceux des modes de production historiques.
La loi de novembre 2019 relative à l’énergie et au climat fait apparaître la décarbonation de l’hydrogène comme l’un des objectifs de la politique énergétique nationale, avec pour cible de porter la part d’hydrogène bas-carbone et renouvelable à “environ 20% à 40% des consommations totales d’hydrogène et d’hydrogène industriel à l’horizon 2030”[iii]. Elle prévoit plusieurs mesures en ce sens, notamment l’institution d’un dispositif de garanties d’origine pour l’hydrogène d’origine renouvelable et l’habilitation donnée au gouvernement de prendre par voie d’ordonnance des mesures destinées à définir un cadre de soutien à l’hydrogène produit à partir d’énergie renouvelable ou par électrolyse de l’eau avec de l’électricité bas-carbone. La Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) adoptée en avril 2020 prévoit par ailleurs un soutien au développement de l’hydrogène décarboné à hauteur de 50 M€ par an et le lancement d’appels à projet sur la mobilité et la production d’hydrogène à l’aide d’électrolyseurs.
En offrant un débouché déjà existant, le secteur industriel s’avère particulièrement pertinent pour accompagner le déploiement des technologies de production d’hydrogène bas carbone et renouvelable. Ces projets industriels pionniers feront gagner à la filière hydrogène décarboné de l’expérience et de la maturité, permettant ainsi une réduction de ses coûts et favorisant en conséquence l’émergence de nouveaux usages.
L’approvisionnement de sites faiblement consommateurs en hydrogène représente des cas d’usage des nouveaux modes de production d’hydrogène particulièrement intéressants à étudier. L’organisation actuelle de la filière hydrogène peut en effet se révéler sous-optimale pour des industriels éloignés des sites de production.
Des considérations logistiques et le poids des grands consommateurs sur le marché de l’hydrogène ont en effet poussé les producteurs à s’installer à proximité de leurs principaux clients. Ces choix favorisent l’exploitation d’unités de grandes capacités, produisant à des coûts de 1 à 2,5 €/kgH2. Le prix final de l’hydrogène acheté par les industriels doit cependant intégrer également les coûts de compression, de stockage, de transport (par camion pour ce qui concerne les sites faiblement consommateurs) et la marge commerciale des producteurs. Au final, le prix de revient de l’hydrogène revendu aux sites faiblement consommateurs peut se situer dans une fourchette de 8 à 20 €/kgH2[iv].
L’électrolyse de l’eau est aujourd’hui l’une des technologies de production d’hydrogène décarboné suscitant le plus d’intérêt dans l’écosystème de la filière hydrogène. Mais cette technique s’avère aujourd’hui faiblement compétitive face à la production par vaporeformage du méthane. L’installation d’unités de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau au plus près des consommateurs permettrait cependant de réaliser des économies sur certains postes du coût, particulièrement ceux liés au transport par camion.
Le Club H2 de Sia Partners[v] a développé un outil de simulation des prix de production d’hydrogène par un électrolyseur de faible capacité afin d’évaluer l’attractivité des projets de production décentralisée d’hydrogène.
De premières simulation ont été réalisées en prenant pour cas d’usage un projet de production d’hydrogène destiné exclusivement à la satisfaction des besoins d’un industriel consommant environ 100 tonnes par an. Notre modèle démontre la possibilité de produire de l’hydrogène à un coût moyen de 7,90 €/kg, pour un électrolyseur d’une puissance de 1800 kWe et fonctionnant à puissance nominale sur les 3112 heures de l’année durant lesquelles les prix de l’électricité sont les plus faibles. La part du coût d’approvisionnement en électricité dans le coût total moyen de production monte alors à 49%. La part de l’ensemble des CAPEX (électrolyseur, remplacements du stack, système de stockage, études, ingénierie, …) représente quant à elle 33%.
Au-delà de ces coûts de production et de stockage d’hydrogène, d’autres critères devront être investigués pour déterminer au cas par cas la pertinence d’un projet de production décentralisée :
En fonction des territoires dans lesquels s’implantent les projets de production décentralisée d’hydrogène, des leviers d’optimisation des modèles d’affaires pourront être considérés :
Ces pistes d’optimisation illustrent à quel point l’hydrogène se trouve au carrefour de nombreuses problématiques énergétiques et industrielles. Les acteurs souhaitant explorer les opportunités de cette filière à moyen et long termes devront ainsi mobiliser une expertise multisectorielle et considérer des marchés non inclus dans leur cœur de cible historique.
A court terme, les projets pilotes de production d’hydrogène par d’électrolyse de l’eau tournés vers des usages existants constitueront des jalons indispensables pour que la filière gagne en maturité. Ils donneront à leurs porteurs des atouts pour se positionner sur les nouvelles chaînes de valeur de l’hydrogène-énergie.
Une analyse de Yann Lesestre et Mathéo Allais
Notes et Sources :
[i] Parmi d’autres annonces récentes provenant d’industriels ou de personnalités politiques, citons à titre d’exemple, la mise à consultation par la Commission Européenne d’une stratégie hydrogène ancrée dans le contexte du Green Deal et de la relance économique, le 26 mai 2020.
[ii] Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique, rapport établi par le CEA et la DGEC, 2018 et dossier de presse du Plan
[iii] Article 1er modifiant l’article L100-4 du code de l’énergie
[iv] Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique, rapport établi par le CEA et la DGEC
[v] Le Club H2 a été lancé dans le courant de l’année 2019 au sein de l’UC Energy, Utilities & Environment de Sia Partners et regroupe une vingtaine de consultants experts des sujets Hydrogène. Il a trois objectifs principaux : Capitaliser sur l’expertise acquise par nos consultants à travers leurs différentes missions ; Accentuer notre capacité de veille sur les mutations en cours dans le secteur ; et Proposer des analyses et formats d’études permettant de mieux appréhender ces transformations. Ainsi, les travaux du Club H2 permettent à Sia Partners d’accompagner ses clients, quelle que soit la maturité de leur projet Hydrogène.