La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Chaque année le secteur du BTP produit environ 250 millions de tonnes de déchets, ce qui représente 70% de la production totale de déchets en France.
Les déchets BTP les plus représentés sont les déchets dits « inertes », constitués de matériaux non complexes (car peu transformés), sans risque de pollution pour l'environnement et ne se détériorant pas au cours du temps. Ils sont par conséquent facilement valorisables. Ainsi l'Union Européenne a-t-elle fixé un objectif de recyclage de 70% en poids des déchets non dangereux du BTP.
Il est difficile d'estimer la part des déchets valorisés en France -ainsi que ceux disposés en décharge sauvage- principalement du fait d'un manque de traçabilité. La valorisation matière dans le secteur du bâtiment (hors Travaux Publics où la valorisation est plus élevée) est d'environ 50% [2] ; et varie généralement entre 50 et 70% selon les types de déchets pris en compte dans l'estimation.
Cette situation trouve tout d'abord des origines économiques : la valorisation des déchets sur un chantier implique la mise en place de mesures de tri le plus en amont possible, la sollicitation de différents acteurs selon les types de déchets à traiter et des trajets parfois longs pour rejoindre les centres de valorisation (la moitié des chargements de déchets inertes parcourent moins de 20 km et 90% moins de 50 km) [3]. A cela s'ajoute le nombre important d'intervenants sur chantier qui génère souvent une dilution des responsabilités dans le traitement de déchets.
Le maillage territorial des solutions de valorisation des déchets du BTP est donc crucial, mais difficile à optimiser car les chantiers du BTP sont temporaires et présentent une grande diversité de taille et de concentration. La volumétrie des déchets recueillie dans les centres de tri est donc très fluctuante. Les déchèteries locales doivent en outre concilier les besoins des petits acteurs, majoritaires dans le secteur du bâtiment, ainsi que ceux des grands groupes de travaux publics intervenant sur un chantier d'autoroute par exemple.
Enfin, les différents types de déchets sur un chantier se trouvent fréquemment mélangés: leur recyclage respectif requiert donc une phase de tri importante et souvent coûteuse (la prise en charge dans les centres de tri des déchets inertes et non-inertes mélangés coûte en moyenne 39 €/t hors TGAP [4] , contre 7 €/t pour les déchets inertes mélangés et 15,5 €/t pour les déchets minéraux tels que béton, brique, tuile ou céramique) [5], ce qui favorise la mise en décharge.
La législation relative aux déchets du BTP a été créée pour obliger les différents acteurs à mettre en place des mesures de tri et de valorisation des déchets (limitation des décharges aux seuls déchets ultimes, principe du pollueur-payeur, etc.). L'objectif européen de 70% de valorisation des déchets ainsi que les décrets du Grenelle de l'Environnement sont autant de mesures qui ont permis de porter cette problématique sur le devant de la scène. Les départements sont désormais responsabilisés à ce sujet au travers des plans de gestion des déchets du BTP (le plan vise à rendre les départements acteurs dans la gestion de ce type de déchets au travers de prévisions, de la gestion des décharges, et d'une collaboration accrue avec les acteurs du secteur). Le Grenelle a également rendu obligatoires les audits préalables aux chantiers de déconstruction qui visent à recenser les différents types de déchets qui seront générés. Cette mesure incite les maitres d'ouvrage à penser en amont le problème des déchets et représente un premier pas vers la déconstruction sélective (déconstruction d'un bâtiment en plusieurs étapes selon le type de matériaux recyclables).
La législation étant de plus en plus contraignante au sujet des déchets du BTP, il s'agit de trouver les voies de recyclage ou de réemploi adéquates. Le remblaiement de carrière (qui consiste à combler les carrières en fin d'exploitation) est utilisé pour 17% des déchets [6]. Le recyclage permet principalement de créer des granulats à partir des déchets inertes (béton, gravats, pierres...). Le granulat est une matière première essentielle sur les chantiers, et représente environ 400 Mt/an en France (principalement pour les chantiers routiers). La production de granulat représente 54% des matières extraites du territoire français. Ces ressources ne sont pas inépuisables et le recyclage permettrait de limiter leur extraction. En 2010, 6,7% des granulats utilisés étaient issus du recyclage[7]. Les acteurs du secteur prévoient d'ailleurs de doubler la production de granulats recyclés d'ici 5 ans [8]. Mais cette décision doit s'accompagner de mesures incitatives à l'utilisation de granulats recyclés (utilisés dans les sous couches routières, les couches en surface des trottoirs ou les pistes cyclables par exemple) et améliorer leur image auprès des utilisateurs. Des normes ont été mises en place afin d'encadrer la production de matériaux de construction recyclés. Une directive européenne demande notamment aux sites de recyclage de déposer un dossier afin de valider l'ensemble des conditions sur le statut de déchets de leurs produits.
Les déchets non-dangereux sont également facilement valorisables -le bois permet par exemple de produire des panneaux de particules- mais avec un taux qui pourrait être amélioré. A titre de comparaison, le taux de valorisation des déchets non dangereux est environ de 40% alors qu'il s'élève à 70% pour les déchets inertes [9]. Les matériaux plastiques, de plus en plus utilisés sur les chantiers (isolation, revêtement pour sols...), sont aussi peu recyclés : à hauteur de 16% en France contre 20% en moyenne en Europe [10]. Le tri de ce type de déchets est rendu complexe et donc coûteux car ils sont souvent mélangés à des déchets inertes lors de la déconstruction.
Une grande partie de ces déchets finissent donc en décharge ou sont incinérés. La France accuse un certain retard par rapport à ses voisins européens comme l'Allemagne (89,2% de recyclage), la Belgique et les Pays-Bas (90%) qui font figure d'exemples en la matière. Ces pays ont mis en place des politiques volontaristes de tri très tôt dans les années 90, associées notamment par des contraintes fiscales. La France rattrape néanmoins son retard grâce à la mobilisation de différents acteurs qui développent actuellement des centres de tri et de recyclage. Les grands groupes au profil carrier comme Eurovias ou déchet comme Sita développent cette filière. De plus petites entreprises se sont également spécialisées dans ce domaine, telle que Yprema, créée il y a 20 ans, et dédiée au recyclage des déchets du secteur de la construction.
Les contraintes légales, les problématiques environnementales ainsi que le manque d'installations de stockage vont amener le secteur du BTP à développer la filière du recyclage tant en termes de volume traité que de nombre d'installations de recyclage. Il s'agit maintenant d'organiser de manière optimale la chaîne de valeur de la gestion des déchets depuis leur production sur le chantier jusqu'à leur réutilisation après transformation dans des centres de recyclage. Cette évolution ne se fera pas sans une offre globale de gestion des différents types de déchets sur un chantier et adaptée aux spécificités de chaque site.
Références :
* Déchet Inerte : gravats, pierre, béton, carrelage
Déchet non inerte non dangereux : plastique, bois, verre
Déchet dangereux : amiante, bois traité
(1) SOeS - « 355 millions de tonnes de déchets produits en France en 2010 » - Janvier 2013
(2) Chiffres ministère de l'Environnement et du Développement Durable - Estimation réalisée en 2010
(3)« Etude sur le prix d'élimination des déchets inertes du BTP» ADEME - juin 2012 (sur une base de 251 réponses au questionnaire)
(4) Taxe Générale sur les Activités Polluantes
(5) Idem
(6) « Déchets gérés par les établissements du bâtiment / travaux publics : quantités et modes de gestion en 2008 » - SOeS
(7)Il semblerait néanmoins que ce chiffre ne soit pas exhaustif car il ne prendrait en compte que les granulats des centres de recyclage - source : l'Union Nationale des Producteurs de Granulat
(8)Selon l'Union Nationale des Producteurs de Granulats
(9) « Analyse technico-economique de 39 plateformes françaises de tri/valorisation des dechets du btp » - ADEME 2010
(10) Etude réalisée par PlasticEurope en 2012