La reconversion, parent pauvre des politiques d…
Le service de streaming Netflix est l’un des acteurs les plus anciens et les mieux installés sur le marché de la SVOD. Avec une présence internationale, son chiffre d’affaires en constante évolution a atteint 40 milliards de dollars en 2018 (36 milliards d’euros), soit deux fois plus qu’en 2016.
Le service de streaming Netflix est l’un des acteurs les plus anciens et les mieux installés sur le marché de la SVOD. Avec une présence internationale, son chiffre d’affaires en constante évolution a atteint 40 milliards de dollars en 2018 (36 milliards d’euros), soit deux fois plus qu’en 2016.
Mais cet automne, sa position pourra être prise d’assaut avec l’arrivée des mastodontes Apple et Disney sur le marché du streaming vidéo. Quelles sont donc les stratégies des différents acteurs de la SVOD et quel scénario imaginer à l’avenir pour ce marché ?
Avec ses 158 millions d’abonnés dont plus de 6 millions en France, Netflix a réussi à s’installer en tant que numéro un mondial du streaming vidéo dispensant plus de 32 600 heures de contenus en ligne dans plus de 190 pays. Ces dernières années ont ainsi été marquées par une croissance continue du nombre d’abonnés payants pour ce pure player de la vidéo à la demande.
Pour soutenir cette croissance et financer ses acquisitions et productions originales, Netflix s’endette. Jusqu’ici la concurrence n’a pas été menaçante, mais les besoins de financement de Netflix qui augmentent, risquent encore de se creuser avec l’arrivée d’Apple TV+ et de Disney+ sur le marché de la SVOD.
Consciente de la différenciation que peuvent constituer les contenus, la plateforme qui a été portée par le succès de séries comme « House of Cards », « Orange Is The New Black » ou encore «13 Reasons Why», Netflix, la plateforme de Reed Hastings se prépare à la guerre du streaming avec des levées de fonds. Cette année encore, Netflix a annoncé avoir levé 2 milliards de dollars sur le marché obligataire pour financer ses contenus.
Si Netflix démarre la course avec un nombre d’abonnés confortable et un grand niveau de maturité technologique, sa trésorerie négative soulève des questions et influe sur le cours de son titre. Ainsi, les mois à venir présentent plusieurs challenges pour l’entreprise. D’une part, le risque de désabonnements se concrétise et limite la capacité de la plateforme à augmenter à nouveau ses prix. D’autre part, Netflix a payé des coûts d’obtention de licences élevés pour des contenus appréciés du grand public, comme The Office ou encore Friends, alors même que ces derniers sont amenés à bientôt quitter la plateforme.
Fin 2018, Disney, Warner et NBC Universal fournissaient 20% du contenu de Netflix. Compte tenu des annonces successives de lancement de plateformes de SVOD des uns et des autres, avec notamment en 2020, le projet HBO Max piloté par l’opérateur AT&T et Warner, Netflix a besoin de développer son indépendance en produisant des contenus originaux avec des ancrages locaux.
Selon l’analyse de Morgan Stanley, le destin de Netflix sera lié à sa capacité à satisfaire ses membres sur les marchés étrangers. Cela se traduit notamment par sa capacité à reproduire des séries à succès comme “La Casa de Papel”, mais également à imaginer de nouvelles offres adaptées à chaque marché. Par exemple, une offre économique pour le mobile-only est proposée en Inde à moins de 5 $. Avec ces offres orientées vers des marchés très ciblés, Netflix continue à apprendre davantage sur les comportements de potentielles nouvelles audiences pour mieux les conquérir.
Enfin, pour faire face au churn, Netflix a enclenché une stratégie de partenariats avec des opérateurs et fournisseurs de services nationaux, pour garantir sa présence dans des offres groupées qui pourraient séduire de plus en plus de foyers. Netflix s’est ainsi associé à Sky en Grande Bretagne ou encore à Canal+ en France.
Au-delà de la création de packs groupés qui devraient se multiplier, l’intensification de la concurrence pourrait entrainer des rapprochements entre les acteurs de la SVOD.
Faisant partie d’un service plus large, Amazon Prime Video est un service annexe proposé aux clients qui disposent d’Amazon Prime et bénéficient ainsi d’une livraison gratuite de produits, un accès prioritaire aux ventes flash et des prix économiques sur certaines sélections. Cette offre premium intègre également d’autres avantages, comme l’accès à la plateforme de jeux Twitch Prime, à l’espace de stockage illimité Prime Photos ou encore le prêt mensuel d’un eBook sur la bibliothèque de prêt Kindle.
En comparaison avec l’offre Netflix et le catalogue Disney, l’offre d’Amazon est très limitée. Cependant plusieurs productions originales se sont distinguées par leur qualité. La plateforme s’est d’ailleurs engagée dans la production d’une série dérivée du Seigneur des anneaux avec un investissement d’1 milliard de dollars qui en fait la série la plus chère de l'histoire !
En effet, grâce à ses revenus d’e-commerce et du cloud, Amazon a une grande capacité à financer ses créations. Cette stratégie s’inscrit dans une stratégie plus globale de proposer un écosystème complet aux utilisateurs et de devenir ainsi une interface avec un trafic important et une granularité des données clients considérables pour vendre un ciblage publicitaire très précis.
Par ailleurs, en renouvelant leur abonnement prime, les utilisateurs du service de SVOD seront plus enclins à effectuer des achats sur la plateforme. Jeff Bezos, en commentaire de cette stratégie de production premium, déclarait : “Quand nous remportons un Golden Globe, cela nous aide à vendre des chaussures”.
La plateforme Amazon Prime semble également s’inscrire dans une stratégie plus globale et diversifiée dans l’audiovisuel avec notamment Amazon Studios (créés en 2016). Cette division est consacrée au développement de contenus télévisuels, à la distribution et à la production de films et de bandes dessinées, ou IMdb TV, un service de cinéma gratuit du groupe Amazon disponible aux Etats-Unis. Par ailleurs, Amazon investit dans le jeu vidéo avec son service Twitch
Forte d’un catalogue dense et mondialement reconnu, Disney prépare son lancement dans le marché de la SVOD. Prévue pour le 12 novembre aux Etats-Unis et début 2020 en France, la plateforme de Disney + disposera des contenus les plus populaires. En plus des films et dessins animés Disney, on pourra y retrouver également les Simpsons, la série dérivée de Toy Story, les productions des studios Pixar, Marvel, Star Wars, de National Geographic, 21st Century Fox, et de nouveaux contenus originaux et exclusifs. Disney est également détenteur de la plateforme Hulu reconnue pour la série « The Handmaid's Tale » et dispose de plusieurs titres de la Warner et de NBCUniversal.
D’après la communication déjà lancée, le nouveau service de SVOD devrait s’aligner sur la possibilité de téléchargement des contenus pour un visionnage dans des contextes hors connexion comme ce qui est déjà proposé par Hulu ou encore Netflix.
En revanche, le rythme de diffusion des épisodes sera hebdomadaire. Disney + se lance ainsi à contre-courant de la logique de binge-watching insufflée par Netflix, de manière à donner un rendez-vous ponctuel aux spectateurs et ainsi les fidéliser.
Pour sa politique prix, Disney a fait le choix d’une stratégie agressive. Ayant d’autres ressources pour financer son activité de production, émanant principalement des entrées aux parcs d’attraction, de licensing ou encore de productions cinéma et ventes de produits dérivés, Disney peut s’offrir cet avantage compétitif et proposer son abonnement à 6,99 $/ mois même si cela ne signifie atteindre son seuil de rentabilité qu’en 2024[i].
Bien décidé à se tailler une bonne part du marché, Apple a pu prendre de court Disney en annonçant lors de sa keynote du 10 septembre dernier, une sortie mondiale en amont de celle annoncée par Disney (le 1er novembre) et encore moins chère que cette dernière.
Des offres promotionnelles sont d’ores et déjà annoncées, avec des offres groupées et premiers abonnements gratuits à l’achat d’un device.
Tout comme Disney, Apple a la capacité de garder les prix d’abonnement bas, grâce à ses autres sources de revenus - vente de devices notamment- pour ne transformer le streaming en potentiel centre de revenus que sur le long terme.
Apple s’engage à proposer de nouveaux contenus mensuellement, mais dispose pour le moment, d’un catalogue limité. Sur la page promotionnelle, on peut retrouver une série avec Jason Mamoa (acteur dans The Game of Thrones) ou encore un Talk-show d’Oprah Winfrey qui a signé un partenariat pour un documentaire.
L’application vient ainsi compléter l’écosystème des produits et des services de la marque et renforce le lien fort déjà tissé avec les clients. La firme de Tim Cook affirme cette fois la compatibilité du service avec les appareils hors système Apple puisqu’il sera disponible avec une version pour navigateur web ainsi que sur des téléviseurs connectés et des appareils de streaming.
L’offre Apple TV+ vient donc se greffer au large portefeuille des produits d’Apple et sera proposée sur l’application Apple TV qui centralise un large choix de chaînes de télévision et services de SVOD.
En effet, le groupe de Cupertino a réussi au fil des années à construire un écosystème solide et une fanbase fidèle. Reste à savoir si les amateurs de la marque seront au rendez-vous pour ce service et si le catalogue encore limité, et déjà critiqué trouvera son public.
Ainsi, le paysage de la SVOD s’apprête à vivre une période mouvementée : Netflix, Amazon Prime Video, Apple TV+ et Disney+ ne sont que les poids lourds du marché qui ont fait couler beaucoup d’encre jusqu’ici, mais d’autres acteurs - HBO Max en mai 2020, NBC Universal ainsi qu’une pléthore d’acteurs locaux (Salto, Canal+ Série...) - se préparent pour la longue bataille de SVOD. Multiplication des partenariats, concentration du milieu ou faillite... les paris sont lancés !