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En 2019, les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient 26,4% de la population française soit 18 millions. Selon les projections de l’INSEE, cette part va atteindre 21 millions en 2030 [1]. Cette hausse s’accompagne d’une augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie [2].
Cet article fait partie de notre série "Dossier Autonomie et Bien-vieillir." Cliquez ici pour le deuxième et le troisième article.
L’évolution des données démographiques a un impact direct sur le profil des résidents d’EHPAD qui sont de plus en plus âgées [3] (+1 an d’âge moyen entre 2011 et 2015) et dépendants (Selon la grille AGGIR [4], 83% des résidents sont en perte d’autonomie en 2015 contre 81% en 2011).
Les EHPAD, mode d’hébergement le plus couramment utilisé en dehors du domicile, font partie des établissements les plus touchés par cette hausse de la dépendance avec plus de 54% des résidents qui y sont très dépendants (GIR 1 ou 2). Pour répondre à l’entrée de nouveaux résidents toujours plus âgés et dépendants, les EHPAD se médicalisent de plus en plus.
Outre l’évolution des caractéristiques des résidents, les EHPAD doivent aussi faire face à une augmentation du nombre de résidents. Cette croissance doit être analysée à l’aune des plans de santé successifs qui ont impliqué la création de nouvelles structures, et la transformation de maisons de retraite ou résidences autonomies existantes en EHPAD.
Si les EHPAD représentent en 2018 7467 [5] établissements et plus de 604 910 lits, une récente mission d’information du Sénat sur la perte d’autonomie présentée en commission des affaires sociales le 17 mars préconise la refonte des lieux de prise en charge. La mission remet ainsi directement en question les EHPAD comme solution principale d’hébergement des personnes âgées.
Partant du constat que les personnes âgées aspirent toujours à vieillir en première intention à domicile, les deux rapporteurs, suggèrent ainsi de "mieux affirmer la priorité du maintien à domicile" et même de "fixer un objectif d’arrêt de construction d’EHPAD à court terme". La mission préconise ainsi de favoriser le maintien à domicile et de développer les habitats intermédiaires.
En alignement avec ces recommandations, les acteurs publics et privés continuent de développer et proposer de nouvelles alternatives à l’EPHAD. A titre d’exemple, les séjours en accueil de jour ou en hébergement temporaire sont en croissance et concernent plus de 4% des résidents en 2015. Ils sont considérés comme un mode d’accueil transitoire pour les personnes âgées en perte d’autonomie et constituent des solutions de répit pour les proches aidants. [6]
Si 72% des répondants de plus de 60 ans au sondage HappyDemics x Sia Partners se sentent très informés concernant la perte d’autonomie et les différents modes d’hébergement, certains dispositifs sont pour autant encore méconnus du grand public.
Outre le domicile, des structures innovantes se développent afin de proposer d’autres alternatives à l’hébergement en EPHAD. Ces innovations reposent sur une nouvelle conception de l’hébergement des personnes âgées, privilégiant l’échange intergénérationnel, les espaces partagés et dans la conception la plus extensive, le regroupement de services publics (bibliothèques, crèches, écoles, …) à proximité des établissements. Ces projets ne sont cependant réalisables que si l’établissement est situé dans une zone urbaine dynamique et non en périphérie. Le schéma ci-dessous positionne différents modes d’hébergement selon la dépendance de la personne concernée :
L’habitat intergénérationnel correspond à un ensemble de logements qui regroupe des personnes d’âges et de situations différentes : étudiants, familles et personnes âgées. Les bailleurs sociaux sont généralement à l’initiative de ce type de projets, en partenariat avec des associations ou investisseurs privés. L’objectif de ces « colocations » est de développer la solidarité et la convivialité entre générations.
L’accueil familial est une autre alternative à l’hébergement en EHPAD. Il est proposé par des accueillants familiaux agréés par le conseil départemental. Les accueillants familiaux reçoivent et partagent la vie d’une personne âgée, en échange d’une rémunération. Cette forme d’accueil est encore marginale dans certains départements bien que la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement vise à la développer.
L’habitat groupé correspond à un ensemble de logements privatifs proposant de nombreuses commodités où seule une partie des espaces est partagée (par exemple l’espace repas). Ce type d’hébergement est prisé par les personnes âgées qui souhaitent continuer à vivre dans un cadre géographique qui leur est familier.
L’un des principaux freins à l’entrée en EHPAD, c’est son caractère perçu comme définitif. Les EHPADs proposent toutefois d’autres possibilités que l’hébergement à plein temps : l’accueil de jour, d’une à plusieurs journées par semaine. Cette alternative au 100% EHPAD permet de tester l’établissement et de savoir s’il peut convenir pour le futur.
Pour les gestionnaires d’établissement, le développement de l’accueil de jour à la journée ou à la demi-journée permet une plus grande rentabilité des services et l’optimisation des capacités d’accueil.
Les résidences autonomie correspondent à des ensembles de logements pour les personnes âgées proposant des services collectifs (restauration, animation, …). Les résidents vivent de façon autonome et indépendante tout en bénéficiant de certains services. Elles se distinguent des résidences services par leur nature et leur réglementation. Les résidences autonomie sont principalement gérées par des gestionnaires publics ou associatifs et sont encadrées par la réglementation du médico-social. Elles appartiennent à la catégorie des établissements et services médico-sociaux (ESMS). La majorité de ces établissements ont été construits dans les années 60 et souffrent aujourd’hui d’un taux de vétusté des constructions et des installations techniques très significatif [7].
Les résidences services ressemblent aux résidences autonomie. Elles correspondent aussi à des ensembles de logements privatifs pour les personnes âgées proposant des services collectifs (repas, ménage, animation, …). Les résidents peuvent être locataires ou propriétaires. En revanche, les résidences services sont essentiellement gérées par des bailleurs privés et ne sont pas des ESMS. Elles ne sont donc pas adaptées aux personnes âgées dépendantes mais répondent à une demande de prestation de services formulée par les personnes âgées, pour leur confort et bien être.
Aujourd’hui, les résidences autonomie sont le mode d’hébergement pour personne âgée autonome nettement majoritaire. Elles représentent 22% de l’offre d’hébergement pour les personnes âgées contre 7% pour les résidences service. On dénombre en effet 2271 résidences autonomie en France contre 620 résidences senior. La construction de résidences senior est cependant en très nette augmentation sous l’impulsion de gestionnaires privés à but lucratif alors que le nombre de places en résidences autonomie n’a cessé de baisser depuis ces dernières années.
Ces tendances et contraintes transforment la structure concurrentielle du secteur. Ces derniers doivent adapter leurs modes d’organisation, leur offre de services et constituer de nouveaux partenariats.
Le secteur de l’hébergement des personnes âgées est constitué de gestionnaires d’établissements privés à but lucratif ou non lucratifs et de structures publiques et parapubliques. Les mutations vues précédemment impliquent pour les structures de repenser ses offres de service et ses stratégies de développement afin d’accompagner les transformations du secteur : parcours patient, développement de maintien à domicile et volonté de trouver des alternatives au tout-EHPAD.
La structure de marché des gestionnaires privés à but non lucratif et les structures publiques est très éclatée sur le territoire. Les groupements ont au mieux un rayonnement régional et rarement national. Plusieurs régions sont dominées par des acteurs purement locaux. Eloignés de la logique de parcours qui devient de plus en plus prédominante, ces acteurs devront évoluer et constituer des partenariats pour s’adapter aux évolutions concurrentielles du secteur.
Contrairement au secteur non lucratif, le secteur des gestionnaires privés à but lucratif, ou commercial, poursuit sa concentration entamée depuis maintenant plusieurs années. Le marché est aujourd’hui dominé par 3 grands acteurs internationaux : Korian, Orpéa et DomusVI.
A eux 3, ils concentrent 44% des lits du secteur privé.
Compte tenu du fort taux d’occupation de leurs structures, ces grands gestionnaires d’EHPAD misent sur l’extension de leurs portefeuilles d’établissements pour accroître leurs revenus, tout en externalisant une partie de leurs actifs de santé auprès des foncières notamment. Leur stratégie repose essentiellement sur l’acquisition de structures déjà existantes plus que sur la création de nouvelles structures (soumises à de longs processus d’accréditation à la main des agences régionales de santé). Les perspectives d’expansion demeurent toutefois limitées. Face à ce constat, ces acteurs accélèrent leur développement à l’étranger.
Les gestionnaires privés à but lucratif ont également diversifié considérablement leurs activités pour l’étendre à toutes les étapes du parcours patient (EHPAD, Soins de suite et réadaptation, hospitalisation à domicile, résidences services, cliniques, …).
En parallèle de la diversification des activités, les difficultés chroniques de recrutement dans le secteur du bien-vieillir, toutes professions confondues, génèrent une véritable compétition entre les principaux groupes privés qui rivalisent d’attractivité. Enfin, l’augmentation de la demande, combinée aux difficultés de recrutement et aux temps de formation des professionnels nécessitent pour les acteurs du secteur de développer des politiques RH prenant pleinement en compte la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.